«À situation exceptionnelle, nous demandons des solutions exceptionnelles», a martelé ce mardi 22 avril le secrétaire central de l’OGBL, Stefano Araujo. Avec le LCGB, le syndicat avait appelé les salariés de Liberty Steel à un rassemblement devant le ministère de l’Économie, profitant de la réunion mensuelle du comité de conjoncture. Ils étaient au final une quarantaine de personnes présentes dès 8h30, salariés et représentants syndicaux.
Parmi eux, Hubert, 30 ans d’ancienneté dans l’usine et membre du bureau de la délégation. «Je suis résident français et jusqu’à présent je vis avec mes réserves, je devrais commencer à toucher le chômage à partir du mois de mai normalement.»
, le montant légal dû par le Fonds pour l’emploi dans le cadre d’une faillite a bien été versé, ainsi que le solde de tout compte, mais pour les salariés frontaliers résidant en France particulièrement, «la situation est très compliquée», poursuit Hubert. «Nous avons même perdu nos droits sociaux car nous n’avons plus de contrat luxembourgeois. Certains ne peuvent donc plus se faire soigner au Luxembourg.»
Une ancienne salariée habitant en France, qui cumule 24 ans d’ancienneté, avoue même ne «plus faire (ses) courses depuis plusieurs mois, car je suis mère célibataire et j’ai trop de charges à payer. Heureusement des amis m’aident au quotidien pour que l’on ait à manger.»

Si le ministre de l’Économie, Lex Delles (DP) n’était pas présent pas lors de la réunion de ce mardi 22 avril, le ministre du Travail Georges Mischo (CSV) l’était, ici entouré de Robert Fornieri, à gauche et Stefano Araujo. (Photo: Ioanna Schimizzi/Paperjam)
Côté luxembourgeois et belge, les anciens salariés de Liberty Steel ont commencé à recevoir leurs indemnités de chômage il y a plusieurs mois déjà, «mais cela reste un manque à gagner car nous ne touchons pas le montant de nos anciens salaires, et nos charges, elles, n’ont pas diminué», nuance une résidente belge.
«C’est pour cela que cette réunion était très importante. Il y a plusieurs pistes qui se dégagent mais nous devons en discuter. Tous les salariés sont dans une situation précaire. En France, il y a un décalage dans les indemnités, une partie des personnes touchent leurs indemnités et d'autres pas en fonction de leur préavis et leur ancienneté», appuie également Robert Fornieri, membre du comité de direction du LCGB.
«Il faut aussi une solution pour que l'activité reprenne, nous avons une occasion incroyable avec un repreneur qui est là, qui veut investir, développer et reprendre les salariés. Si on ne saisit pas cette occasion-là, ce sera une occasion manquée et honteuse, deux gouvernements et six ministres se sont succédé depuis le début de ce dossier honteux avec Liberty Steel», poursuit-il.
Un délai fixé au 31 mai
Car un repreneur a bien été . Le ministère de l’Économie confirmant à l’époque que «l’offre émanant du groupe turc Tosyalı Holding a été retenue par le curateur et qu’une demande d’admission à la zone d’activités économiques afférente a été introduite.»
Joint à plusieurs reprises par Paperjam, le groupe n’avait pas donné suite à nos sollicitations.
Le délai du 14 février, soit trois mois après la faillite, pour déposer un dossier de transfert d’activité, avait été prolongé, à la demande du groupe turc. «Il est désormais fixé au 31 mai, mais en attendant, que doivent faire les salariés?» interroge Hubert. «En France, si vous refusez deux fois un emploi vous êtes radié. Nous avons déjà été en contact avec l’intermédiaire de Tosyalı Holding, Steel Investments. Ce sont des repreneurs sérieux ce serait vraiment dommage de rater cette opportunité.»
Stefano Araujo confiait ce mardi 22 avril qu’«officiellement, le repreneur nous a informés qu’il avait l’intention de finaliser la vente pour la mi-mai. Le problème c’est que ce processus prend trop de temps pour les salariés, même si son intention était d’aller vite, nous sommes toujours dans l’expectative, on a demandé aux autorités d’accélérer et de faciliter les choses.»
Si le ministre de l’Économie, (DP) n’était pas présent pas lors de la réunion de ce mardi 22 avril, étant en visite de travail au Cabo Verde, le ministre du Travail (CSV) l’était. Il a expliqué à la sortie que «le gouvernement est conscient qu’il faut trouver une solution, que votre situation est très critique, fatigante, voire impossible. Elle est aussi inédite, unique et nous allons tirer des leçons de toute cette histoire, mais une nouvelle loi ne peut pas se faire en quinze jours. Je rappelle que nous avons investi 12 millions d’euros dans le site à travers différentes mesures, en payant immédiatement l’indemnité de faillite. Par l’intermédiaire de la directrice de l’Adem, nous avons contacté la directrice Grand Est de France Travail, mais pour l’instant nous n’avons pas de solution miracle.»
Liège aussi en faillite
«Il faut réformer le cadre légal. Un législateur n'est pas là seulement pour appliquer les lois, mais il est là aussi pour les réformer ou pour créer un cadre légal approprié. Donc la responsabilité est aussi au gouvernement dans ce cas de figure-là, à la Commission européenne, au gouvernement et à tous les acteurs même s'ils sont avec nous depuis le début», insiste Robert Fornieri.
Et son homologue de l’OGBL, Stefano Araujo d’enchaîner: «Nous ne sommes pas équipés pour cette période transitoire, entre une faillite où les contrats cessent et une vente où il y a un transfert d’activité où les contrats renaissent. Entre les deux il n’y a rien d’autre que le chômage et on voit que ce sont des outils qui ne sont pas adaptés à la situation, surtout dans un contexte d’industrie lourde avec une temporalité qui est différente.»
Sur les 147 salariés restant lors de la faillite (le site en comptait 280 en 2019), une dizaine est partie à la retraite depuis, et quelques-uns ont trouvé un autre emploi. «Tous les autres attendent, entre espoir et crainte», confie un autre salarié frontalier français. Liberty Steel possède également un site à Liège, historiquement rattaché au site luxembourgeois, puisque son nom complet est Liberty Liège-Dudelange. Les 550 travailleurs «des usines de Flémalle et Tilleur ne sont plus payés depuis la fin de l’année. L’entreprise est à l’arrêt depuis plus de deux ans», écrivait le 12 avril le média belge RTBF. «Fin mars, le tribunal a désigné un administrateur provisoire de la filiale liégeoise du groupe roumain Galati. Vendredi (11 avril, ndlr), lors d’un conseil d’entreprise extraordinaire, la décision a été prise de proposer la faillite silencieuse de Liberty Steel à Liège.»