«Après une forte accélération sur la période 2018-2022, le taux de croissance des prix de l’immobilier culminant au-dessus des 15% sur douze mois en fin d’année 2020, la brutale remontée des taux d’intérêt en milieu d’année 2022 avait inversé cette tendance dans l’immobilier. Sur le marché de l’existant, les prix ont connu un fort ajustement: ils ont baissé d’environ 15,7% entre le troisième trimestre 2022 et le quatrième trimestre 2023 pour les appartements, comblant en partie la perte de pouvoir d’achat générée par la hausse des taux d’intérêt», analyse l’Observatoire de l’habitat dans un rapport publié ce mardi 4 février.
L’Observatoire s’est en particulier penché sur les estimations du taux de rendement d’un investissement locatif. L’approche retenue est centrée autour du taux de rendement locatif brut instantané, qui est le rapport entre la somme des revenus annuels bruts tirés de la location du bien, assimilés au loyer annoncé (hors charges locatives) et le prix d’achat du bien.
Différence entre le taux de rendement brut et net
L’auteur du rapport, Julien Licheron, économiste au Liser, a ainsi analysé le taux de rendement locatif brut en combinant deux bases de données de l’Observatoire de l’habitat: d’une part, les données issues des actes notariés, fournies par l’Administration de l’enregistrement, des domaines et de la TVA; et, d’autre part, les annonces immobilières de location, transmises par le portail immobilier Immotop.lu, dans le cadre d’un partenariat avec l’Observatoire de l’habitat.
Le résultat du rapport est que le taux de rendement locatif brut moyen était relativement stable entre 2010 et 2018 (compris entre 4,26% et 4,56%). «Entre 2018 et mi-2022, en revanche, on observe une très forte baisse du taux de rendement locatif brut, du fait d’une forte augmentation des prix (jusqu’à +16,3% en 2021), en contradiction avec la poursuite des tendances précédentes sur les loyers annoncés. Le taux de rendement locatif brut moyen s’est ainsi progressivement dégradé jusqu’à atteindre 3,04% en 2022, selon nos estimations», poursuit le rapport.
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Le taux de rendement locatif brut instantané est remonté à 3,74% sur la seule année 2023. Il devrait revenir en 2024 à un niveau plus proche encore des taux de rendements locatifs bruts relevés en moyenne sur la période 2010-2018, explique l’Observatoire de l’habitat. (Visuel: Observatoire de l’habitat)
«Depuis mi-2022, nous observons une forte correction sur les prix de vente (en cumulé -15,3% sur les appartements existants), alors que les tendances précédentes se poursuivent toujours sur les loyers annoncés des appartements. Le taux de rendement locatif brut instantané est ainsi remonté à 3,74% sur la seule année 2023. Il devrait revenir en 2024 à un niveau plus proche encore des taux de rendements locatifs bruts relevés en moyenne sur la période 2010-2018.»
Mais l’Observatoire de l’habitat note une différence notable entre le taux de rendement locatif brut et le taux de rendement locatif net. Ce dernier, pour Julien Licheron, «devrait inclure le taux de rendement locatif brut, le coût de financement du crédit, la perspective de plus-value et la fiscalité de l’investissement (hors cession du bien). On peut observer que le taux de rendement locatif net estimé a été très fortement influencé par les perspectives de plus-value, et notamment leur envolée entre 2017 et 2022.»
La composante «spéculative»
«Les anticipations de plus-values étaient probablement assez stables entre 2010 et 2019. Ensuite, la forte augmentation des taux de croissance des prix de l’immobilier résidentiel a progressivement nourri des anticipations de plus-values plus élevées, qui ont elles-mêmes pu alimenter la demande du côté des investisseurs locatifs.» Apparaît donc une composante «spéculative»: la perspective d’une hausse future des prix des logements a pu attirer des investisseurs locatifs, ce qui a renforcé la hausse des prix.
«Cette hausse des perspectives de plus-values est sans doute une composante importante dans l’augmentation des prix de l’immobilier observée entre 2018 et 2022. La hausse des taux d’intérêt en milieu d’année 2022 puis la baisse observée sur les prix des logements en 2023 ont très fortement impacté les perspectives de plus-values. Elles sont devenues négatives dès fin 2022 (en supposant des anticipations adaptatives courtes) ou en 2023 (en supposant des anticipations plus longues).»
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On peut observer, sur ce graphique, la différence entre le taux de rendement locatif brut et net. (Visuel: Observatoire de l’habitat)
«La baisse des prix de vente a fait plonger les perspectives de plus-values en 2023, si bien qu’en 2024, le taux de rendement locatif net estimé est même devenu légèrement négatif. Évidemment, il s’agit d’une estimation théorique, qui ne tient pas compte de la durée totale de détention du bien, mais est simplement une projection de la rentabilité de l’investissement pour l’année à venir. Toutefois, cette estimation théorique explique le désintérêt des investisseurs pour l’investissement dans un logement locatif en 2024. C’est d’autant plus vrai que la hausse des taux d’intérêt a rendu certains placements alternatifs (des obligations, par exemple) relativement plus intéressants», conclut l’économiste.
L’Observatoire de l’habitat a publié ce mardi 4 février un autre rapport d’analyse, qui se focalise sur les défis et démarches en vue de la mise en place d’un cadastre des loyers au Luxembourg, en s’intéressant au dispositif mis en place en Allemagne pour disposer d’une information précise sur les loyers «normaux» au niveau du quartier, ainsi qu’aux potentielles applications de ce dispositif pour mieux encadrer les loyers au Luxembourg. Un article sur le sujet sera en ligne sur notre site ce mercredi 5 février.