Après l’invasion de l’Ukraine et plus encore avec l’arrivée de Donald Trump au pouvoir aux États-Unis, l’agenda en matière de défense et de sécurité s’accélère. Toutes les grandes décisions qui vont structurer l’industrie de la défense européenne vont devoir être prises endéans les douze prochains mois, estiment le directeur de la Chambre de commerce, , et , le membre de la Chambre de commerce et président du Groupe de travail défense et Senior Vice President en charge des activités de SES dans les domaines de l’espace et de la défense. Des projets nationaux et européens sur lesquels le pays n’a ni l’expérience ni la notoriété des grands pays du secteur.
Le Groupe de travail défense créé en septembre 2024 et présidé par Philippe Glaesener livre d’ailleurs un constat sans appel: «Le Luxembourg part avec un déficit d’expérience industrielle et commerciale dans le domaine de la défense». C’est pour consolider les atouts du pays – et ce, particulièrement dans les domaines du spatial, de la cybersécurité, des matériaux avancés et l’équipement du soldat – que le groupe du travail a rédigé le rapport Lux4Defence. Un rapport qui contient 10 recommandations pour développer une base industrielle et technologique renforcée au Grand-Duché. Un rapport présenté fin mars au Premier ministre, Luc Frieden (CSV), ainsi qu’aux ministres concernés, Économie et Défense. «Un rapport bien accueilli», selon Philippe Glaesener.
Objectif: 2.000 emplois nouveaux
Les professionnels de la défense installés – soit 110 entreprises recensées par la Chambre de commerce – au Luxembourg veulent profiter des opportunités liées au réarmement de l’Europe. Avec dans le viseur la stimulation de l’innovation et, surtout, générer un retour économique à hauteur de 60% des sommes investies au titre de l’effort de défense et créer 2.000 nouveaux emplois. Un objectif ambitieux et réalisable selon Carlo Thelen et Philippe Glaesener. Pour eux, l’écosystème tel qu’il existe aujourd’hui peut, s’il se concentre sur les niches dans lesquelles il excelle – spatial, cybersécurité, matériaux et certains équipements – pour répondre aux appels d’offres nationaux et internationaux. «Le Luxembourg possède certains grands acteurs très présents dans des domaines prédominants intéressant aussi bien les militaires que les civils qui n’auront aucun problème pour fournir rapidement des solutions pour certains gros projets aux gouvernements ou à l’Otan. Et nous avons autour de ces grands acteurs une multitude de petites sociétés qui collaborent avec les grands acteurs et qui développent des solutions innovantes.» Ce qu’il manque avant tout, selon eux, ce sont des structures de coordination au sein du gouvernement qui facilitent la mise en œuvre des objectifs du gouvernement et des membres de la Chambre de commerce.
Dix ardentes recommandations
Quelles sont les dix recommandations du groupe de travail?
— Le développement de la base industrielle et technologique de défense autour de spécialisations. Philippe Glaesener met en avant l’équipement du soldat, les matériaux composites, la logistique, la formation des pilotes, les ambulances aériennes, la maintenance, l’observation de la terre, la constellation SIGINT, les télécommunications, les jumeaux numériques et le cloud souverain.
— La création d’une Task Force nationale de la défense dont la mission sera de coordonner les politiques et de maximiser le retour économique pour le pays. Pendant de cette recommandation, la création par les industriels de l’Aned, une association professionnelle qui veut cartographier, structurer et représenter le secteur et assurer la liaison avec le gouvernement. L’Aned compte actuellement 110 membres.
— La création d’un Hub de la défense, un site physique sécurisé qui accueillerait l’écosystème et où des expérimentations précoces pourraient être conduites de concert avec l’armée.
— L’amélioration du passage de la R&D vers le développement industriel. Le groupe de travail préconise la création d’un fonds spécial et de mécanismes de précommandes commerciales de la part du secteur public.
— La création d’une infrastructure nationale de tests et de validation pour des tests en conditions réelles. Et ce, via le recours au mécanisme de sandbox.
— La création d’une Marketplace recensant les produits et les services.
— Le développement d’une politique d’Offset. S’assurer lors d’achat de matériels ou de services à l’étranger d’un juste retour industriel local.
— Renforcer la collaboration entre l’armée et l’industrie.
— Intégrer activement le Luxembourg dans la dynamique de défense européenne en mobilisant les diplomates et les militaires participant aux instances décisionnelles.
— Lever les restrictions légales au développement d’une industrie de la défense.
Vers la création d’un Hub sécurisé
Les promoteurs du rapport Lux4Defence insistent sur la nécessité d’aller vite pour peser sur les choix en cours. Et s’il est une mesure qui peut être prise rapidement, c’est cette réforme de la loi sur les armes de 2022. Une loi que Philippe Glaesener juge trop floue sur les restrictions liées à la production d’armement pour qu’aucun industriel étranger ne prenne le risque de venir s’implanter au Luxembourg.
Un autre projet qui pourrait voir rapidement le jour, c’est la création d’un hub de défense sécurisé. Le gouvernement pourrait bien mettre à disposition un terrain sécurisé ces prochains mois, glisse Philippe Glaesener.