Dans les travées, le discours de Donald Tusk a cristallisé les oppositions entre pro et anti-européens. (Photo: Shutterstock)

Dans les travées, le discours de Donald Tusk a cristallisé les oppositions entre pro et anti-européens. (Photo: Shutterstock)

Qu’ont pensé les députés européens luxembourgeois, au sortir de l’hémicycle, du discours de Donald Tusk? Ils ont majoritairement apprécié le discours européen du président du Conseil de l’UE, tout en restant circonspects sur différents aspects propres à leurs sensibilités respectives.

Si (CRE/ADR) trouve que la volonté de la présidence polonaise de remplacer les sanctions par des incitations dans de nombreux domaines, comme les émissions de carbone ou l’agriculture, est une initiative intéressante, il s’est dit dérangé par «un programme toujours marqué par une opposition frontale avec la Russie, alors que dans le même temps, les Américains mettent désormais l’accent sur la négociation. Cette divergence va nous créer des problèmes.» Alors que les pro-européens ont une bonne image de Donald Tusk, le député de droite estime que «la situation en Pologne est beaucoup moins bonne qu’on la présente généralement. Donald Tusk est arrivé au pouvoir en promettant de rétablir l’État de droit en Pologne. Sur le terrain, on en est loin. Je crois que la dégradation de la situation politique et de la situation des droits de l’Homme en Pologne est préoccupante.» Une critique unanime des groupes de populistes et de droite dure du Parlement.

Pour ce qui est de la déréglementation, Fernand Kartheiser applaudit par contre des deux mains. «L’Europe souffre d’une bureaucratie débordante. Je suis dans le comité de l’industrie et tous ceux qui viennent nous voir s’en plaignent. Et ils ont entièrement raison. La lutte contre la bureaucratie européenne doit être une réalité.»

Une profession de foi pour l’Europe.
Charles Goerens

Charles GoerensdéputéParlement européen

Pour (Renew/DP), Donald Tusk a livré «un discours très déterminé. Il a fait preuve de beaucoup de courage et de clairvoyance et son analyse de la situation est très lucide. C’était une profession de foi pour l’Europe.» Pour l’élu libéral, l’Europe a tous les atouts nécessaires pour prendre sa défense et son avenir en main. S’il devait exprimer un regret, ce serait que la question de l’élargissement, et par ricochet celle de la réforme institutionnelle, n’ait pas été abordée.

Pour lui, l’appel à la déréglementation est «frappé au coin du bon sens». «Une réglementation n’est pas nécessairement bonne parce qu’elle est compliquée à mettre en œuvre.» Déréglementation d’abord, mais pas si on doit perdre de vue les buts pour lesquels les réglementations ont été prises. «Les objectifs ne doivent pas être perdus de vue. C’est sur les moyens qu’il faut faire porter l’effort de simplification.»

Charles Goerens soutiendra Donald Tusk, «une force motrice de l’intégration européenne en ce moment».

L’autonomie stratégique est une urgence vitale.
Isabel Wiseler-Lima

Isabel Wiseler-LimadéputéeParlement européen

(PPE/CSV) a apprécié «un discours essentiellement basé sur la sécurité». «Il faut arrêter d’être naïfs et comprendre que nous n’avons plus le choix. Il faut investir dans notre défense. C’est essentiel si nous voulons sécuriser notre démocratie et notre mode de vie. Nous ne pouvons plus nous contenter d’avoir des intentions, il faut agir. L’autonomie stratégique est une urgence vitale.»

Pour ce qui est de l’appel à la déréglementation, Isabel Wiseler-Lima préfère parler de débroussaillage. «Nous sommes là pour faire des règles pour vivre en commun. C’est le rôle du législateur. Mais nous avons peut-être tendance a empiler ces règles les unes sur les autres. Lorsqu’on en arrive à un moment où les règles commencent à nous empêcher de fonctionner normalement ou qu’on ne s’y retrouve plus, il faut faire un peu de ménage. Il faut rendre les choses lisibles et applicables. Tout le monde est d’accord sur ce point. Mais il y a une frontière à ne pas franchir entre simplification et dérégulation.»

La dérégulation est essentielle pour renforcer notre compétitivité.

Martine KempdéputéeParlement européen

Pour Martine Kemp (PPE/CSV), Donald Tusk a su «inspirer un optimisme palpable, non seulement pour la présidence polonaise, mais également pour l’avenir de l’Union européenne, après la présidence précédente du Conseil. Il a démontré qu’il est un véritable Européen, engagé à mettre en valeur les forces de l’Union. Face aux défis actuels, il a positionné sa présidence dans une approche pro-européenne, pragmatique et constructive. L’extrême droite l’a attaqué en raison de son engagement européen, surtout parce qu’il cherche des solutions concrètes plutôt que de céder aux sirènes du populisme, qui se caractérise par des discours sans actions effectives.»

La députée PPE soutient également la volonté de dérégulation, «essentielle pour renforcer notre compétitivité économique, répondre aux défis énergétiques, encourager l’innovation en Europe et lutter efficacement contre le réchauffement climatique. Nous avons la possibilité de créer une majorité au sein du Parlement européen pour mettre en place une déréglementation mesurée, mais indispensable, après six mois de présidence hongroise durant lesquels nous n’avons pas constaté de réels progrès sur les dossiers les plus impactant pour nos citoyens.» Concernant le Green Deal, elle se dit favorable à des «ajustements».

Un discours qui fait naître beaucoup d’espoir.
Tilly Metz

Tilly MetzdéputéeParlement européen

Pour la députée verte , le discours de Donald Tusk, «un vrai Européen», «fait naître beaucoup d’espoir». Si elle se dit d’accord sur beaucoup de sujets, elle attend maintenant des actes.

Elle regrette que sur la sécurité, Donald Tusk ait privilégie les aspects intérieurs et extérieurs aux dépens d’autres volets, comme la sécurité alimentaire, la sécurité énergétique ou sanitaire. «Pour notre groupe, la sécurité va main dans la main avec la protection de l’environnement. Il ne peut en être autrement.» Pour revenir sur le volet militaire, elle plaide pour favoriser plus de concertation, de coopération et d’interopérabilité entre les pays européens. Voire une spécialisation des pays dans le cadre d’une politique industrielle de défense intégrée.

Sur la dérégulation, Tilly Metz regrette une approche simpliste, voire populiste. «Au niveau européen, nous régulons pour protéger les consommateurs et pour harmoniser et rendre interopérable les règles. En régulant, l’Agence européenne du rail a réduit 14.000 règles nationales en 800 règles européennes. Il faut simplifier et pas déréglementer.» Et elle entend aussi défendre le Green Deal. «Il faudrait savoir ce que l’on veut! On sait qu’une économie résiliente, c’est une économie qui se base sur la durabilité.»

Beaucoup de gens croient que la dérégulation signifie automatiquement plus de compétitivité.
Marc Angel

Marc AngeldéputéParlement européen

(S&D/LSAP) a apprécié un discours cherchant «à inspirer de la confiance, à montrer que l’Europe est forte si elle croit en elle-même et à souligner que l’UE doit prendre son destin en main. Son intervention, très pro-européenne, a clairement soulevé les défis auxquels l’Europe fait face et a souligné qu’il faut trouver des solutions européennes communes, mettant en évidence qu’on ne peut réussir que si on est unis.».

Par contre, le côté sécuritaire du propos le gêne. «Cela risque d’entraîner que certains débats soient menés de manière unidimensionnelle. À titre d’exemple, je n’ai pas apprécié qu’il ait traité la migration d’un point de vue presque exclusivement sécuritaire. Certains sujets comme la dimension sociale et l’environnement ont fait défaut dans son discours.» Même gêne sur les propos relatifs à la déréglementation. «Il me semble que beaucoup de gens croient que la dérégulation signifie automatiquement plus de compétitivité. À mon avis, il s’agit d’une fausse équation. La notion de compétitivité est beaucoup plus vaste et doit incorporer d’autres éléments, comme l’environnement, l’aspect social, la durabilité. Il est évident qu’il faut procéder à la simplification administrative et à une réduction de la bureaucratie. Mais, à mon sens, cela ne doit pas remettre en cause nos régulations, qui visent à défendre nos travailleurs et travailleuses, nos consommateurs et l’environnement. Je suis ainsi sceptique concernant cette envie de tout déréguler, car une telle approche aura sans doute un impact négatif sur la vie des Européennes et des Européens.» Préoccupation également quant à une remise en cause potentielle du Green Deal, dont il estime qu’une mise en œuvre dans son intégralité est primordiale.