Michel Greco, 52 ans, a encore des projets plein la tête. (Photo: Matic Zorman)

Michel Greco, 52 ans, a encore des projets plein la tête. (Photo: Matic Zorman)

Michel Greco entame un nouveau chapitre de sa vie professionnelle, après avoir cédé mardi le siège d’administrateur délégué de sa société éponyme. Retour sur le parcours d’un serial entrepreneur qui n’est pas près de raccrocher.

En tournant le grand album de ses 30 dernières années, Michel Greco ne tombe pas dans la nostalgie. Mais regarde son parcours avec satisfaction. Celle d’avoir construit une entreprise et d’avoir ouvert la voie au Luxembourg à un métier devenu un business aussi florissant que hautement concurrentiel: celui de coursier.

Fin des années 80, le jeune homme remarque des berlines de chefs d’entreprise devant la Poste. Il imagine alors leur proposer de leur faciliter la vie en prenant en charge leur courrier. Avec l’aide de ses parents et de leur voiture, Michel Greco décide de se lancer et de partir effectuer ses premières missions. «Sans mes parents, sans ma famille, je n’aurais jamais réussi», se souvient-il.

La photo-souvenir des débuts, avec les premiers véhicules, dont la voiture de son papa. (Photo: Michel Greco / Matic Zorman)

La photo-souvenir des débuts, avec les premiers véhicules, dont la voiture de son papa. (Photo: Michel Greco / Matic Zorman)

Son premier client? Il s’en rappelle aussi très bien. «DuPont de Nemours, et il est encore client aujourd’hui», précise Michel Greco à Paperjam. «C’était important d’avoir une première référence. D’autres sont venus s’ajouter et sont toujours là, je pense à la Bil, qui a été mon deuxième client.»

La phobie du «back-up»

L’entreprise unipersonnelle créée en 1987 a prospéré puisqu’elle emploie aujourd’hui quelque 248 personnes et compte une flotte de 160 véhicules. Au point de rencontrer les intérêts du groupe Post au tournant des années 2000, lorsque Michel Greco a senti le vent du courrier changer et vu venir le nouveau filon de la livraison express de colis.

«J’ai toujours fonctionné par vision, et en même temps, j’ai toujours une sorte de phobie du ‘back-up’», ajoute Michel Greco. «Je voulais faire avancer l’entreprise sur plusieurs piliers afin d’éviter que les difficultés de l’un puissent porter préjudice à l’ensemble.»

Nouvelles formules de livraison express, agrément PSF pour approfondir les services aux acteurs du secteur financier, logistique de la santé…  a permis de tester, de confirmer certaines visions, et aussi d’apprendre des échecs.

«Le secteur est aujourd’hui marqué par une baisse des marges dans la livraison de courrier, c’est devenu un métier difficile», estime Michel Greco. «Et la croissance du marché du colis attire de nouveaux acteurs qui veulent aussi prendre leur part de marché.»

Une sortie planifiée

À la recherche d’un partenaire financier et stratégique pour développer les livraisons de colis qui continuent de connaître une hausse en raison de l’e-commerce, Michel Greco a donc scellé il y a plusieurs années son avenir à celui du groupe Post.

«Cela a été le coup de foudre tout de suite», se souvient-il. S’il se félicite de la collaboration avec la direction du groupe appartenant à l’État, dont la directrice générale adjointe en charge des métiers du courrier et présidente du conseil d’administration de la société qu’il a créée, , il souligne l’entente et le respect envers son directeur général, .

Des personnes qu’il continuera à côtoyer. «Je vais rester au conseil d’administration et j’aurai une fonction de consultant pour aider la société à continuer à avancer», ajoute Michel Greco, qui a fermé ses dossiers opérationnels ce mardi, jour marquant son départ en tant qu’administrateur délégué.

Un départ qui avait été planifié , dont la première fixée en 2001, avec l’entrée au capital de Post (alors P&T Luxembourg) en tant qu’actionnaire majoritaire, .

Un grand album de famille

Quelle valeur 30 ans après? «La valeur financière est une chose, mais elle n’est rien sans l’équipe, les deux ont d’ailleurs une valeur quasiment équitable. La réussite n’aurait pas été possible sans l’équipe que j’ai eue.»

Au moment de la rencontre précédant cette réunion, l’entrepreneur ne laisse pas transparaître ses émotions, car il connaît les différents cycles et moments de la vie d’une entreprise.

«Il faut savoir tourner la page, travailler de manière rationnelle pour ‘garder le lead’. Cela apporte aussi du sang neuf, de nouvelles idées. Aux jeunes que j’aide ou à qui je donne des conseils, je dis toujours de faire la différence entre le cœur et la réalité.»

Certains noms restent évidemment plus gravés que d’autres dans la mémoire de l’homme, dont ceux de Luigi Denigro (directeur financier) et Tony Cardao (directeur opérationnel).

Les fidèles parmi les employés, dont certains étaient en poste depuis 25 ans. (Photo: Matic Zorman)

Les fidèles parmi les employés, dont certains étaient en poste depuis 25 ans. (Photo: Matic Zorman)

Serial entrepreneur

Après trois décennies occupées par un agenda bien fourni rimant avec concessions sur le plan familial, Michel Greco va réduire – un peu – le rythme et profiter davantage des siens. Mais n’attendez pas de cet autodidacte qu’il arrête toute activité.

«Je suis encore très motivé, je suis content de garder le lien avec Post, mais je vais continuer à travailler, ça maintient jeune», lance-t-il, non sans humour.

D’où vient cet appétit pour la chose entrepreneuriale? D’idées qu’il cultive en permanence, certainement... Peut-être aussi des gênes de sa grand-mère espagnole, qui avait fait affaire avant que le régime de Franco y mette un frein.

Actif dans l’immobilier depuis plusieurs années, Michel Greco n’avait pas attendu la vente de sa société éponyme pour explorer d’autres secteurs, comme la création en 2003 d’une société de nettoyage revendue par la suite au groupe ISS, la distribution et la vente de CD et DVD vierges ou, plus récemment, , qui va continuer à l’occuper.

Comprendre le business

«Je dois comprendre ce que fait la société dans laquelle je vais investir ou que je vais créer», ajoute Michel Greco. «Certaines ont été créées dans l’optique de les revendre à court terme, d’autres ont été rachetées pour les gérer sur un plus long terme.»

C’est le cas de Propper, la société de nettoyage . «Je recherchais des métiers qui ne seront pas victimes de la digitalisation. Or, je pense que ce n’est pas demain que des robots vont nettoyer des locaux de sociétés», estime celui qui veut diversifier les activités de la structure vers la clientèle domestique, de résidence et d’administration, en plus des bureaux.

Des services de jardinage et d’aide à la personne viendront s’ajouter au catalogue d’une entreprise qui emploie quelque 160 personnes, sous la houlette d’un certain Tony Cardao.

L’entrepreneuriat, une histoire de famille qui pourrait se transmettre à la prochaine génération, via ses deux fils. Mais Michel Greco ne veut pas brûler les étapes.

La succession devrait aussi s’étendre à de jeunes promoteurs de start-up qui viendront le convaincre à leur tour de leur vision.