Céline Zimmer travaille depuis plusieurs années sur la question des coopératives d’habitation et leur création dans le contexte luxembourgeois. Elle a même choisi d’en faire le sujet de sa thèse, présentée en 2024 à l’Université du Luxembourg. Cette exposition est la transposition tangible des résultats de ses recherches, réalisée avec la collaboration d’Exutoire, qui a contribué à la transcription didactique de ses données académiques.
«Le Luca a pour ambition d’aborder des sujets de société qui parlent aux architectes et dans lesquels ils ont un rôle à jouer. C’est pourquoi le Luca est engagé depuis plusieurs mois dans la recherche de solutions à la crise du logement que traverse le Luxembourg. Cette exposition permet de rendre accessible tout le travail mené par Céline Zimmer dans le cadre de sa thèse à un public même non averti», explique Maribel Casas, directrice du Luca.
«Dans ma thèse, j’ai abordé le sujet des coopératives d’un point de vue socio-économique, politique, juridique et législatif. Cette exposition permet aussi d’aller encore un pas plus loin en présentant les réalisations architecturales issues de ces coopératives et leur fonctionnement actuel», précise Céline Zimmer, commissaire de l’exposition.
Le troisième marché
Les coopératives relèvent d’un troisième secteur, qui n’est ni le marché privé ni le secteur public, mais une alternative viable qui empêche la spéculation foncière et garantit l’accessibilité au logement sur le long terme.
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Plusieurs définitions sont données dans l’exposition pour constituer une base de vocabulaire et de connaissances commune. (Photo: LUCA-Pancake! Photographie)
Afin d’entrer dans la matière, la première partie de l’exposition présente une série de chiffres, de définitions et de notions clés qui permettent de comprendre et cerner le sujet. Il y est rappelé par exemple que 98% des logements au Luxembourg relèvent du marché privé et donc que seulement 2% des habitations appartiennent au secteur public. Un constat qui souligne un déséquilibre important. «Je n’attaque personne dans l’exposition», précise Céline Zimmer. «Je démontre juste qu’il manque un maillon à la chaine et j’apporte toutes les connaissances que j’ai pu récolter sur le sujet.»

Certains chiffres sont très révélateurs, comme ceux présentés à l’entrée de l’exposition. (Photo: LUCA-Pancake! Photographie)
Une proposition historique, une application contemporaine
Par la suite, des éléments historiques sont présentés, pour montrer que les coopératives d’habitation sont un modèle qui remonte à la fin du XIXe siècle. Si elles ont été principalement développées en Suisse, Luxembourg a eu aussi une coopérative au début XXe siècle, sans que celle-ci ne devienne pérenne. Il faudra attendre 2016, pour qu’une mais elle n’a pas encore réussi à concrétiser de projet, faute de terrain malgré une tentative avortée au Kirchberg.

Des éléments historiques relatifs aux coopératives sont exposés. (Photo: LUCA-Pancake! Photographie)
«Actuellement, nous sommes à un moment charnière. Le besoin de logements abordables est plus pressant que jamais et nous avons tout le cadre nécessaire pour que les coopératives puissent se développer. Deux terrains (2.500 m² SCB) sont même mis en concours actuellement par Agora à Belval Sud pour accueillir une coopérative», précise Céline Zimmer.
En ce qui concerne le cadre légal, longtemps discuté pour ce type d’initiative, Céline Zimmer a la réponse : «Le cadre légal existe, mais il n’est pas encore exploité. Nous avons donc beaucoup d’éléments entre les mains pour rendre ce système viable. La SCOP (société coopérative) est reconnue au Luxembourg et peut être utilisée. Ce qui est intéressant, c’est qu’on peut lui ajouter une dimension sociétaire d’intérêt général avec la SIS (société d’impact sociétal), ce qui lui permet alors de devenir un promoteur immobilier social et donc de bénéficier de l’Aide à la pierre prévue dans le cadre de la loi du logement abordable», explique la chercheuse. Par ce biais, un subventionnement pouvant atteindre jusqu’à 75% des frais de construction peut être demandé, diminuant ainsi fortement l’investissement initial nécessaire.
Afin de rendre les choses concrètes, l’exposition présente une plateforme en ligne, «For Future Members Only», qui facilite les rencontres entre personnes intéressées par ce type d’habitat. Des ateliers organisés en marge de l’exposition permettent également d’aborder de manière pratique plusieurs questions et d’accompagner les premières initiatives.

Plusieurs exemples de coopératives existent à l’international et sont présentés au Luca. (Photo: Luca-Pancake! Photographie)
Les exemples internationaux
L’exposition présente également plusieurs réalisations d’immeubles gérés par des coopératives, avec des exemples venus de Suisse, d’Allemagne, des Pays-Bas ou encore d’Espagne. Les visiteurs peuvent ainsi constater la diversité des programmes et la qualité architecturale que ces projets peuvent atteindre. Une série de données est également partagée, telles que les coûts de construction, les loyers pratiqués et les loyers moyens du marché, à titre de comparaison.
Il est aussi démontré que, grâce aux loyers perçus, ce modèle de développement résidentiel peut générer un effet boule de neige, finançant de manière exponentielle la construction de nouveaux logements. Initier le développement de coopératives d’habitation revient donc à soutenir une stratégie d’expansion durable d’un parc de logements abordables. Et n’est-ce pas exactement ce dont le Luxembourg a besoin aujourd’hui?
«Our New Housing – An invitation to Cooperate», jusqu’au 7 juin, au Luca.