Selon les dernières données de la Banque centrale européenne (BCE), les banques luxembourgeoises ont augmenté leurs marges sur les prêts au logement de 0,6% en mai 2024 à 1,0% en janvier 2025. Par conséquent, les prêts hypothécaires sont devenus relativement plus chers pour les acheteurs potentiels que si les marges étaient restées aussi faibles qu’en mai 2024. Cette augmentation des marges de crédit signifie que les taux hypothécaires n’ont pas baissé au même rythme que les principales dans la zone euro.
En interprétant l’élargissement des marges sur les prêts au logement, un représentant de l’Association des banquiers Luxembourg (ABBL) a déclaré à Paperjam que plusieurs facteurs pouvaient expliquer cette hausse, notamment l’augmentation des coûts de financement, l’accroissement des risques de défaillance et les exigences plus strictes en matière de capital et de liquidités. Le représentant a expliqué que la hausse des coûts de financement, en particulier ceux résultant de l’augmentation des taux d’intérêt sur les dépôts ou les financements de gros, était un facteur clé.
Il a aussi indiqué qu’il «arrive que les banques soient confrontées à des coûts de financement plus élevés, par exemple en raison de l’augmentation des taux d’intérêt sur les dépôts ou les financements de gros; les effets de ces augmentations peuvent souvent être observés avec un certain décalage dans les livres des banques. En outre, lorsque les conditions économiques se détériorent ou que les risques de défaillance augmentent, les banques «élargissent généralement leurs marges pour compenser la probabilité accrue de pertes sur les prêts».
En outre, le représentant a souligné que des exigences plus strictes en matière de capital et de liquidité dans le cadre du règlement sur les exigences de fonds propres (CRR) pourraient conduire les banques à ajuster leurs marges pour «assurer la conformité et maintenir la rentabilité».
Hypothèques à taux fixe
Pour mieux comprendre pourquoi les nouveaux emprunteurs optent toujours pour des hypothèques à taux fixe à long terme malgré la baisse des taux bancaires directeurs, l’ABBL explique que la décision est largement influencée par la forme de la courbe des taux. Selon l’ABBL, lorsque la courbe de rendement est raide, ce qui signifie que les taux à court terme sont nettement inférieurs aux taux à long terme, les emprunteurs ont tendance à privilégier les prêts hypothécaires à taux variable. Cela leur permet de bénéficier de paiements initiaux moins élevés, avec l’espoir que les taux augmenteront progressivement, ce qui leur permet de profiter de coûts d’emprunt plus faibles à court terme.
Toutefois, lorsque la courbe des taux est plate ou inversée, ce qui signifie que les taux à court terme sont similaires ou supérieurs aux taux à long terme, les emprunteurs sont plus susceptibles d’opter pour des prêts hypothécaires à taux fixe. Dans ce cas, l’immobilisation d’un taux fixe offre une plus grande stabilité, car il y a peu d’avantages à choisir un taux variable, et les emprunteurs peuvent s’inquiéter des hausses de taux à venir. De plus, «il est important de noter que le solde restant dû est élevé au départ et qu’il diminue progressivement avec le temps. Par conséquent, le taux d’intérêt a un impact plus important sur les mensualités en début de contrat qu’en fin de contrat», rappelle le représentant.
Le représentant ajoute que les emprunteurs luxembourgeois continuent à privilégier les prêts hypothécaires à taux fixe, même si les taux directeurs bancaires ont baissé. Outre la courbe des taux, «il y a aussi un élément psychologique». «Il y a deux ans, lorsque la BCE a rapidement et fortement augmenté les taux d’intérêt pour lutter contre l’inflation, de nombreuses personnes qui avaient contracté des prêts à taux variable en raison de la longue période de taux bas ont été surprises, voire consternées, de voir leurs remboursements mensuels augmenter de manière significative. Beaucoup de clients se souviennent de cet épisode et préfèrent sans doute encore la prévisibilité des taux fixes», remarque le représentant.
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Ajustement des taux hypothécaires
Réponse aux préoccupations concernant le décalage entre les décisions de la BCE en matière de taux et les ajustements des taux hypothécaires, l’ABBL a déclaré: «Nous ne disposons d’aucune donnée pour étayer cette affirmation.» Néanmoins, pour les banques, «il s’agit d’une décision commerciale», une décision qui prend en compte d’autres facteurs tels que les risques de crédit ou la gestion des liquidités et du financement, a affirmé l’ABBL. «Les banques ne sont pas obligées d’appliquer cet ajustement et il n’y a pas non plus de délai obligatoire pour le faire», a précisé le représentant.
Le représentant a ajouté que «la décision d’adopter les taux de prêt et de dépôt n’est pas prise par une seule personne, mais par divers comités internes, dont le comité de crédit, le comité ALM, etc. Ces comités ne se réunissent pas de manière ad hoc, mais toutes les deux, trois ou quatre semaines, selon les banques. Une fois la décision prise, il faut informer les clients, adapter les systèmes informatiques, faire des tests, etc.»
«Le décalage entre la décision de la BCE et l’adaptation des taux s’explique donc par des raisons pratiques», justifie l’ABBL.
Prêts renégociés
Le volume de prêts renégociés — qui reflètent généralement que les ménages ont des difficultés à rembourser selon les conditions initiales du prêt— a diminué au Luxembourg de 653 millions d’euros en juin 2023 à 162 millions d’euros en janvier 2025, en dessous de la moyenne des cinq dernières années. Selon l’ABBL, cela reflète le succès des banques dans la gestion des risques de crédit et la prévention d’une augmentation des prêts non performants.
Le représentant a reconnu qu’«il y a deux ans, lorsque la BCE a rapidement et fortement augmenté les taux d’intérêt pour lutter contre l’inflation, un certain nombre de clients ont éprouvé des difficultés à rembourser leurs prêts». De ce fait, les banques ont analysé régulièrement l’ensemble de leurs portefeuilles de crédits et ont contacté de manière proactive leurs clients en difficulté pour trouver des solutions, notamment en rééchelonnant les crédits, rappelle l’ABBL. En conséquence, le nombre de prêts restructurés a augmenté et il est «tout à fait exact que les banques ont réussi à minimiser le risque pour leurs clients de se retrouver dans une situation où ils ne peuvent plus rembourser leurs prêts», a conclu le représentant.
Cet article a été rédigé initialement en anglais, traduit et édité pour le site de Paperjam en français.