Jim Keravala (ici à droite en compagnie de son directeur financier Josh Izenberg) n’en finit pas d’avancer dans la construction de ses robots non seulement autonomes, mais qui apprennent les uns des autres en temps réel. (Photo: Maison Moderne)

Jim Keravala (ici à droite en compagnie de son directeur financier Josh Izenberg) n’en finit pas d’avancer dans la construction de ses robots non seulement autonomes, mais qui apprennent les uns des autres en temps réel. (Photo: Maison Moderne)

La quatrième édition de la Space Resources Week est l’occasion idéale d’aller à la rencontre de James «Jim» Keravala, le fondateur d’OffWorld, prêt à expédier des robots complètement autonomes sur la Lune. Entrepreneur de l’espace résilient.

Il quitte la salle de conférence de la 4e Space Resources Week presque plongée dans le noir. S’arrête un instant au stand de Redwire pour échanger une plaisanterie avec ses deux représentants. Le visage barré par une barbe grisonnante, celui qui a laissé ses robots-Lego et le stand à son (encore) directeur financier, Josh Izenberg, est un baroudeur de l’espace déjà aperçu au Luxembourg il y a près de 10 ans.

Dans une autre vie. Il a lui-même écrit sa légende. Né à Londres en 1968, il aurait attrapé le virus de l’espace en lisant le célèbre essai que le pasteur anglican Thomas Maltus a publié en 1798. De l’«Essai sur le principe de population», selon lequel la planète ne pourra pas faire face aux besoins d’Hommes de plus en plus nombreux, l’entrepreneur aurait conclu qu’il valait mieux se dépêcher d’aller conquérir l’espace pour trouver des solutions.

De la Silicon Valley à l’URSS

Son parcours l’emmène sur tous les terrains de jeu et dans toutes les industries depuis toujours. Président de la fondation AspireSpace Rocketry, il envoie ses premiers engins, sinon dans l’espace, du moins dans le ciel. Développeur de logiciel comme Elon Musk dans la Silicon Valley, il imagine une sorte de technologie qui réunisse toutes les informations nécessaires à une mission pour lui donner tout le contexte dont elle a besoin. À la tête d’une équipe spécialisée dans l’utilisation des bactéries, il apprend tout de l’industrie minière. Insatiable curieux, il emmagasine les connaissances dans la construction, le transport, la logistique et la finance. Dans les années 1990, il œuvre dans l’Union soviétique moribonde à établir des ponts entre acteurs de l’Ouest et acteurs de l’Est. Chez Surrey Satellite Technology jusqu’à 2004, enfin, il apprend tout de l’espace et commencer à aider les nations qui rêvent d’un destin dans l’espace.

C’est là que sa carrière démarre. À ce moment-là. Le touche-à-tout rejoint le lieutenant-colonel Dale Tietz et le Dr Bill Stone, qui ont compris à la fin des années 1990 qu’il y avait de l’eau sur la Lune et que le sujet du carburant allait devenir majeur. Les deux hommes n’en parlent à personne jusqu’en 2007, quand M. Stone partage la scène avec un certain Richard Branson pour parler de tourisme spatial. La Shackleton Energy Company démarre avec Keravala et une ambition: créer la première plateforme offshore, capable d’apporter des milliers de litres d’eau comme carburant des fusées futures… avant 2020.

L’aventure s’arrête trois ans plus tard, pour lui en tout cas, quand une levée de fonds participative censée amener 1,2 million de dollars… se termine sur des promesses de 6.000 dollars.

Des robots intelligents qui apprennent en permanence

Jim Keravala se relance avec une autre idée: , ou comment doter des robots d’intelligence et d’autonomie pour les envoyer dans l’espace préparer l’arrivée des humains. Très vite, son parcours lui permet de comprendre que ces robots pourraient déjà être très utiles sur Terre.

«Regardez!» Ce mardi, à Luxembourg, il désigne un écran qui diffuse en boucle les images du premier robot au monde qui ne soit pas guidé par un Homme, mais totalement autonome. Dans une mine sud-africaine, le Digger Bot creuse dans la roche, se replace seul quand la roche est trop dure. «Il travaille pour le quart du prix habituel», dit-il avec passion. Pas de panne, pas d’employé qui doit le tenir à l’œil, pas de risque pour les employés de la mine, pas de vacances, de repos ni de revendication.

«Il coche toutes les cases de l’industrie minière», explique-t-il. Mines, construction, infrastructure, aéroport, espace: ses robots sont non seulement modulaires, dotés d’intelligence artificielle, mais apprennent les uns des autres en cohorte. Vu de la Terre, c’est plus impressionnant que la plupart des films de science-fiction ou que les chiens de Boston Dynamics. Vu de la Lune, cela permettrait de résoudre un problème de base: comment créer une infrastructure à partir des matériaux présents sur la Lune, sachant que les y amener coûterait une fortune.

«Depuis la création de la société, nous avons levé un premier tour, l’an dernier, et nous préparons une plus grosse levée de fonds cette année», explique M. Keravala. «Mais nous nous développons à partir de notre chiffre d’affaires. Aujourd’hui, nous travaillons sur trois axes pour l’espace, avec l’Agence spatiale luxembourgeoise pour l’exploration de la Lune, avec Deep Space pour une constellation et nous venons de signer un premier contrat avec la Nasa.»

D’ici la fin de l’année, la start-up de l’espace, un des sponsors de la conférence luxembourgeoise, passera de 70 à 150 personnes. À Luxembourg, où elle est arrivée en 2017 et où il avait promis un centre de recherche sur la robotique en 2019 – «le Covid nous a retardés», s’excuse-t-il –, elle devrait véritablement lancer ses activités au troisième trimestre. La «robotic-as-a-service». OffWorld continuera, elle, d’emmagasiner des montagnes de données et de nourrir ses intelligences artificielles. Au service d’un futur dans la Lune. Cela fait plus de 30 ans qu’il en rêve. .