La star du design Frank Stephenson était le keynote speaker des Luxembourg Design Awards 2019. (Photo: Nader Ghavami)

La star du design Frank Stephenson était le keynote speaker des Luxembourg Design Awards 2019. (Photo: Nader Ghavami)

À l’occasion de la troisième cérémonie des Luxembourg Design Awards, le designer automobile emblématique d’une génération Frank Stephenson a été invité à partager son parcours, ses valeurs et – brièvement – ses attentes pour l’avenir du secteur.

Frank Stephenson parle du design et de sa carrière comme s’il venait à peine de sortir de l’école: avec une relative légèreté, une fierté assumée de ses succès et beaucoup d’amusement. Celui qui est connu à travers le monde pour avoir dessiné des modèles déjà gravés dans l’imaginaire populaire, à l’instar des nouvelles Mini et Fiat 500, regarde aujourd’hui assurément vers l’avenir.

Les passions humaines comme moteur

Selon Stephenson, le design automobile doit permettre de s’adresser directement aux émotions et aux passions de l’Homme, créer à la fois une connexion et l’envie chez l’observateur. Il n’hésite d’ailleurs pas à parler de «love at first sight», un vocabulaire issu du registre amoureux qui trouve cependant facilement écho tant le secteur de l’automobile parvient à impliquer émotionnellement ses aficionados.

C’est d’ailleurs sa propre passion pour les objets en mouvement qui l’a amené à s’orienter vers l’automobile, lui qui ne prend «pas particulièrement plaisir à en conduire une». Le designer s’enthousiasme tout particulièrement sur les similitudes entre ses idées et la nature qui l’entoure, les notions d’adaptabilité et d’évolution. L’aspect de prédation semble également occuper une place de choix dans son processus créatif, en attestent les esthétismes musclés, voire carnassiers de certains des modèles qu’il a conçus pour McLaren comme la 720S, ou Ferrari avec la FXX.

Si vous avez acquis une nouvelle Fiat 500 au début de son succès, vous avez acheté une jolie Fiat Panda.

Frank Stephenson

L’imprévisibilité comme atout

Voilà une valeur également chère à l’esprit créatif de Frank Stephenson: pouvoir créer la surprise, par l’inventivité ou l’efficacité. Ne pas être ni trop peu ni trop conservateur, suggérer l’admiration sans choquer. C’est sans doute la combinaison de ces approches, qu’il dit d’ailleurs avoir retrouvée dans le rapport du Grand-Duché à la culture et au design, qui lui a permis de dessiner des modèles cultes comme la nouvelle Mini, qui a remis l’élégance britannique sur le devant de la scène au tournant du siècle.

Une autre de ses créations phares est le parfait exemple d’adaptation à des conditions relativement extrêmes. Le premier modèle de la nouvelle Fiat 500 a, en effet, été le résultat d’un besoin pressant au point qu’il était a priori absolument impossible à satisfaire: créer une voiture «star» en dix mois seulement pour sauver la marque italienne.

Frank Stephenson, après beaucoup de tergiversations, a finalement réussi à relever ce défi fou lancé par Fiat, mais pas sans concessions. Il a ainsi ironisé sur la scène des Luxembourg Design Awards: «Je vous l’apprends sûrement, mais si vous avez acquis une nouvelle Fiat 500 au début de son succès, vous avez acheté une jolie Fiat Panda», rappelant que tout avait alors été misé sur un design à la fois sexy et polyvalent pour contenter la demande, sans considération pour les performances techniques.

L’audace et la collaboration pour l’avenir

Dans cette quête du dépassement, Stephenson voit l’avenir du secteur de manière duelle: à la fois toujours plus innovateur autant qu’il est collaboratif. Peu adepte de la stagnation ou de la nostalgie en matière de design, il prône une progression constante et positive, pour toujours améliorer l’expérience proposée: «Quoi que l’on propose de nouveau, il faut que l’objet soit meilleur que le précédent au moins dans une de ses caractéristiques: esthétisme, confort, performance...»

Selon lui, un des moyens vertueux permettant cette évolution est la collaboration entre professionnels d’une part, mais aussi et naturellement le travail commun avec les pouvoirs institutionnels, qui ont «le devoir d’accompagner les créateurs de valeur», notamment par le biais d’instances de promotion de la culture locale à l’étranger, ce qui permet à cette dernière toujours plus de visibilité.

S’il est séduit depuis des années déjà par le modèle suisse ou celui de villes d’avant-garde comme Los Angeles, Frank Stephenson confie ressentir une certaine émulation bénéfique au Luxembourg, même s’il reste encore des progressions à effectuer en la matière.