People & Organisational performance
Dans la quête de performance, quelles attributions pour un(e) DRH aux côtés du CEO? La fonction consiste-t-elle à exécuter une feuille de route, ou à orienter la stratégie d’entreprise?
Léa Piot. – «Le rôle du DRH est d’orienter la stratégie de l’entreprise, et d’aligner les projets à mettre en place avec celle-ci, en incluant et accompagnant les différents managers.
Comment combiner la quête de performance avec des aspirations toujours plus élevées en matière de work-life balance?
«La transmission de nos valeurs (qualité de produit, qualité de service), une ambiance positive et un esprit d’équipe contribuent à faire adhérer les collaborateurs à l’entreprise, tout en contribuant à leur bien-être. Un salarié ayant l’envie de se rendre au travail sera d’autant plus performant.
Talent acquisition
Le marché de l’emploi est dominé par la «guerre des talents». De quelle manière concrète cela se traduit-il dans vos propres processus de recrutement? À quelles difficultés êtes-vous confrontée?
«Notre secteur d’activité n’a plus l’attraction qu’il avait il y a quelques années, les candidats ont beaucoup de préjugés, et recruter devient de plus en plus compliqué. Nous nous efforçons de transmettre une image positive de notre entreprise et cela se concrétise par une augmentation des candidatures spontanées, une satisfaction des nouveaux embauchés positivement surpris par notre fonctionnement, l’ambiance que nous véhiculons, différents de l’idée qu’ils se faisaient de la restauration.
Quelles sont les «armes» déployées dans votre entreprise afin de mener à bien cette bataille? Et de quelles «armes» supplémentaires aimeriez-vous disposer, si vous aviez le pouvoir de faire évoluer les règlements et les lois?
«Nous avons décidé de mettre en place le travail en continu dans la plupart de nos enseignes, afin d’opter pour une meilleure qualité de vie, ainsi que le travail sur quatre jours dans notre food hall de la Belle Étoile. Le candidat peut donc trouver un rythme adéquat à sa vie privée tout en étant dans le domaine de la restauration. L’entraide, la flexibilité sont des mots d’ordre dans notre groupe, nous sommes une grande famille. Nous nous engageons sur des projets pour le bien-être de nos salariés, et nous avons obtenu des labels ‘Santé, sécurité et bien-être au travail’, ‘Les actions positives’ ou encore ‘L’inclusion et la diversité’.
Employer branding
Appliquée à votre organisation, quelle est votre définition de la «marque employeur»?
«Notre marque employeur repose sur la proximité avec nos collaborateurs, l’équité de traitement quel que soit le département, et l’intégration des nouveaux arrivants dans notre culture d’entreprise, tout en affirmant notre engagement constant à nous améliorer.
À la lumière de cette définition, de quel poids pèsent les RH dans la valorisation de cette «marque employeur»?
«Ayant évolué très rapidement (17 restaurants en dix ans, et un nouveau prévu pour 2025), nous avons structuré cette marque employeur via les actions du service RH. Nous avons une équipe recrutement dynamique qui transmet l’amour du métier, nos valeurs, notre bonne ambiance et notre esprit d’équipe, afin d’attirer au mieux les candidats. Le service RH est à proximité des salariés, toujours à leur écoute, nous essayons d’être proactifs, et nous accompagnons nos salariés au quotidien.
Re & Upskilling
En matière d’upskilling, quels sont les besoins prioritaires que vous avez identifiés au sein de votre organisation?
«Nous avons très vite grandi, nous sommes implantés partout au Luxembourg et nous nous sommes rendu compte que certains indispensables sur le terrain n’étaient plus aussi bien maîtrisés, car nous n’avions pas les outils adéquats (digitalisation), alors que notre souhait est d’avoir un fonctionnement identique dans nos 17 restaurants. Pour cela, nous avons décidé de mettre en place certains suivis et d’accompagner plus régulièrement nos managers afin qu’ils aient les clés et le soutien nécessaires pour piloter leurs départements et restaurants.
Et quels sont les outils et dispositifs mis en place au sein de vos services pour accompagner la formation continue des collaborateurs?
«Nous avons décidé de mettre en place un programme de formation interne ‘Cocottes Academy’ permettant d’effectuer des formations digitales sur nos méthodes de travail, nos produits, et de les retravailler à tout moment si nécessaire. Cet outil a été déployé l’été dernier dans nos restaurants Cocottes et est en cours de déploiement dans les autres services.
Talent retention
La «guerre des talents» se joue-t-elle aussi dans la rétention de ces derniers? Et si oui, quelle est votre conclusion? Qu’aujourd’hui il est aussi complexe d’attirer des talents que de les retenir ensuite?
«Les salariés ne recherchent plus un emploi pour des raisons alimentaires mais un épanouissement et un développement personnel, avec des attentes élevées en termes de flexibilité afin de concilier vie privée et vie professionnelle. L’environnement dans lequel le salarié évolue est primordial pour une relation à long terme, c’est pourquoi nous promouvons des évolutions internes, tant verticales que transversales.
Quelles ont été les principales évolutions, ou quelles sont celles en cours, dans le «parcours employé» de votre entreprise?
«Nous assurons la formation continue de nos salariés pour ne pas diluer notre savoir-faire et notre culture d’entreprise, c’est pourquoi nous avons mis en place une solution de formation digitale déployée aux restaurants au dernier trimestre 2024, et que nous déploierons à l’ensemble de la société courant 2025.
Depuis l’été 2024, nous avons également mis en place des entretiens de suivi plus poussés avec les managers afin de leur transmettre les points forts et besoins en développement du restaurant, et leur amener des solutions d’amélioration.
En 2024, chez Cocottes, nous avons fait évoluer entre 10 et 15% des effectifs.
New ways of working
Flexibilité, télétravail… Depuis la crise sanitaire, les aspirations à de nouvelles manières de travailler sont plus prononcées que jamais. Comment répondre à ce changement de paradigme sans entraver les performances de l’entreprise?
«Nous ne disposons pas de politique de télétravail, cette absence vise à garantir une équité avec les équipes opérationnelles, qui représentent la majorité de nos collaborateurs (90%) et dont la présence sur le terrain est indispensable. Ce sujet ne concerne donc que les services supports qui représentent moins de 10% de l’effectif, pour lesquels nous accordons parfois des exceptions au cas par cas.
Dans le même temps, comment répondre également au défi de l’engagement des collaborateurs, dont les études indiquent qu’il va en s’effondrant?
«Nous nous devons d’avoir une communication transparente avec les collaborateurs, leur proposer des opportunités de développement personnel et d’évolution, tout en assurant un équilibre entre leur vie privée et leur vie professionnelle. Nous avons mis en place des actions visant à maintenir le bien-être de nos salariés, mais nous devons travailler davantage sur la reconnaissance des équipes. Nous constatons que la grande majorité de nos départs (80%), volontaires ou involontaires, concernent des salariés non qualifiés.
Droit du travail
Quel est votre regard sur les textes? En l’état actuel, le Code du travail luxembourgeois vous semble-t-il un partenaire des employeurs? Ou au contraire quelque chose comme un adversaire?
«Dans notre secteur d’activité, les textes peuvent s’avérer parfois en inadéquation avec nos contraintes sur le terrain. De ce fait, mettre en place des éléments simples en faveur du bien-être de nos salariés, faisant face à des contraintes de froid et d’horaires, peut devenir problématique, voire coûteux pour l’employeur (pauses supplémentaires rémunérées, pause repas et horaires coupés).
Même exercice de fiction que tout à l’heure… Si vous en aviez le pouvoir, quelle disposition supplémentaire souhaiteriez-vous introduire au droit luxembourgeois pour répondre plus efficacement à vos nécessités?
«Recadrer la gestion de l’absentéisme, nous devons constamment faire face au shopping médical, et les contrôles des instances ne sont pas assez récurrents/pénalisants. Les employeurs se retrouvent démunis.
Digitalisation
De quelle manière êtes-vous en train de transformer la digitalisation en alliée de la fonction RH?
«Les futurs collaborateurs sont nés avec les outils digitaux et y adhèrent, digitaliser nos process nous permet d’être en adéquation avec l’air du temps. À mon arrivée, l’entreprise ne possédait aucun outil de gestion RH, nous nous sommes développés au fur et à mesure des besoins de l’entreprise et de la structure du service RH. Nous mettons maintenant à disposition des plateformes pour les salaires, les entretiens et les formations, mais nous avons encore beaucoup de chemin à faire dans la digitalisation.
À quels obstacles continuez-vous toutefois de vous heurter à ce stade?
«Nous comptons un grand nombre de collaborateurs peu ou pas qualifiés, qui n’ont pas eu l’occasion de suivre une formation informatique de base, car leur métier n’en nécessite pas l’utilisation. Ces collaborateurs rencontrent donc davantage de difficultés face à la digitalisation des processus, et certains d’entre eux sont devenus nos managers (moyenne d’âge: 38 ans).
Avantages
De quel poids pèse aujourd’hui l’attractivité salariale dans le recrutement et la rétention de talents?
«L’attractivité salariale pèse de plus en plus dans le recrutement et la rétention des talents, bien qu’elle ne soit pas le seul facteur pris en compte, puisqu’elle est souvent associée à d’autres éléments (avantages sociaux, perspectives d’évolution, équilibre entre vie professionnelle-vie personnelle, culture d’entreprise).
Les attentes des nouvelles générations relativisent l’importance du salaire, cependant les augmentations salariales sont un facteur clé pour éviter le turnover, mais elles doivent être accompagnées d’autres politiques de fidélisation.
À côté de la rémunération, quels sont les éléments sur lesquels s’appuyer pour gagner en attractivité?
«La stabilité de l’entreprise, la communication et la transmission de nos valeurs, la possibilité de projection et d’évolution dans l’entreprise à moyen et long terme attirent les candidats.
Mobilité & Fleet
Flotte de véhicules électriques, incitation aux transports en commun. Dans votre société, quelles ont été, quelles sont, ou quelles vont être les dispositions prises en matière de mobilité?
«La majorité de nos restaurants sont accessibles en transports en commun (tram, bus, train). Nous souhaiterions mettre en place des camionnettes électriques pour nos livreurs, mais nous n’avons pas encore trouvé sur le marché des camionnettes électriques réfrigérées correspondant à nos besoins.
Plus globalement, quels sont les points de vigilance que vous retenez en termes de transition verte?
«Nous avons beaucoup de salariés frontaliers ayant de longs trajets à faire pour se rendre au travail. Nous aimerions promouvoir le covoiturage, qui est à ce jour difficile au vu de l’amplitude horaire de nos services et restaurants.
RSE
Quels sont les plus gros défis posés pour votre organisation en matière de nouvelles obligations RSE?
«Nous avons participé à plusieurs labellisations telles que la Diversité & l’inclusion en partenariat avec le Méga, afin de nous aider à mettre en place des actions au sein de l’entreprise. Nous sommes également en collaboration avec l’IMS pour la mise en place d’actions et l’intégration de salariés en situation de handicap.
Comment ces mêmes obligations impactent-elles vos process d’upskilling en interne ou de recrutement extérieur?
«Nous devons veiller à ce que nos collaborateurs soient compétents sur le plan technique, mais aussi alignés avec les enjeux sociaux, environnementaux et éthiques de l’entreprise. Nous avons toujours été attachés à ces valeurs et avons veillé à cette équité au sein de nos structures.
Gen Z
On la dit moins engagée, plus exigeante, et peut-être même difficile à saisir… La gen Z est-elle réellement en train de bouleverser l’environnement de travail?
«Cette génération est bien plus exigeante, elle recherche un sens au travail, une grande flexibilité, des outils digitaux et une entreprise alignée avec ses valeurs. Les membres de la gen Z sont prêts à quitter leur emploi si ce dernier ne correspond pas à leurs convictions. Nous devons nous adapter pour les attirer et les fidéliser. Depuis quelques années, nous avons un turnover plus important, car cette génération n’a pas ou peu d’attachement/d’engagement envers une société.
Quels conseils donnez-vous aux jeunes de 25-30 ans nouvellement recrutés?
«Il est inutile de se précipiter, le temps consacré à l’apprentissage et à la recherche de stabilité est tout aussi important pour une évolution future.
Diversity, Inclusion, Equity
En tant que DRH, comment définiriez-vous vos rôle et responsabilités face aux enjeux DIE?
«Il est de notre responsabilité de nous assurer que toutes nos équipes et nos managers intègrent ces valeurs, tant dans leurs pratiques quotidiennes que dans leurs processus de recrutement. Nous devons impulser cette dynamique à travers nos démarches de recrutement et nos communications internes. Dans notre entreprise, nous comptons 26 nationalités différentes et une répartition équilibrée entre les hommes et les femmes (43% d’hommes, 56% de femmes).
L’entreprise «exemplaire» est-elle une utopie ou un objectif envisageable?
«C’est un travail qui doit être accompli quotidiennement, à tous les niveaux hiérarchiques, afin que chacun, à son échelle, puisse viser cette exemplarité. Une remise en question régulière est essentielle pour réévaluer les objectifs et s’adapter aux attentes des différentes générations, ce qui est essentiel. L’entreprise exemplaire est un objectif en constante évolution.»