Jos Schummer: « Cela fait des années que nous avons choisi de diversifier l’offre industrielle en nous tournant vers les nouvelles technologies .» (Photo: Matic Zorman)

Jos Schummer: « Cela fait des années que nous avons choisi de diversifier l’offre industrielle en nous tournant vers les nouvelles technologies .» (Photo: Matic Zorman)

Google qui installe un data center à Bissen, c’est un enjeu national, plus que local. Ce qui explique que l’État ait pesé de tout son poids pour que les différentes étapes soient franchies, jusqu’à présent, sans heurts.

Cet article est paru dans l'édition mars 2019 du  .

Ce ne sont encore que des prairies, parsemées ici et là de quelques bosquets de résineux. Mais à Bissen, l’espoir est que, pour la fin de cette année, tout soit administrativement réglé, afin que Google débute ensuite, au Busbierg, les travaux de son nouveau data center. Un projet de taille.

Tant au niveau de son implantation (sur un site d’un peu plus de 34 hectares) que de son montant (on évoque un milliard d’euros), ou même de l’emploi (300 prévus directement sur le site). Sans évidemment oublier l’impact qu’il aura à long terme sur toute la région.

Nom de code: Pascal

Ce que certains qualifient d’«investissement du siècle» a tout d’une véritable saga. Qui débute au tout début de l’année 2016, quand la Commune de Bissen est contactée par des intermédiaires de Google, qui ne se présentent évidemment pas comme tels, et qui cherchent des terrains.

«Il fallait au minimum 30 hectares d’un seul tenant, se souvient Jos Schummer, le bourgmestre. Nous avons donc commencé à regarder où cela pourrait se faire.» Dans la discrétion la plus totale. La société de Mountain View ne veut pas être exposée en première ligne. L’opération reçoit même un nom de code, Pascal, inspiré par le mathématicien Blaise Pascal.

«On a réussi à trouver une trentaine d’hectares, tous privés, près de l’entreprise Luxlait. Mais un des propriétaires n’était pas intéressé par l’idée de vendre», poursuit le bourgmestre. C’est l’échec. Le projet est, à ce moment, presque mort-né. «D’autant que Google a alors déclassé ses ambitions d’implantation au Luxembourg, n’en faisant plus une priorité.» Inima­ginable aux yeux de l’État, qui entre dans la danse.

Jos Schummer, bourgmestre de Bissen, devant le terrain choisi par Google. Matic Zorman 

Jos Schummer, bourgmestre de Bissen, devant le terrain choisi par Google. Matic Zorman 

Les recherches reprennent alors, sous la direction d’un agent de l’Office national du remembrement, spécialement détaché pour cette mission. À Bissen, mais pas exclusivement. D’autres sites possibles sont envisagés: le parc Luxite de la Poudrerie, la zone industrielle d’Esch... Mais pour diverses raisons, c’est à Bissen que les avantages sont les plus nombreux.

«Cet agent a effectué un travail remarquable et a su, en quelques semaines, acheter 34,7 hectares de terrains, à des prix vraiment raisonnables, aux propriétaires privés», poursuit Jos Schummer. L’achat se fait en faveur de London Bridge, une société «dans laquelle Google a certainement des parts», et qui donne son nom au nouveau code du projet de Bissen, remplaçant Pascal.

On a voulu aller plus loin et tout mettre sur Internet, en toute transparence. Il n’y a rien à cacher.

Jos Schummer BourgmestreCommune de Bissen

Les terrains acquis, le dossier prend alors une autre envergure. «Une task force a été mise en place, et toutes les administrations concernées ont travaillé ensemble avec un but unique: faire avancer ce dossier», se souvient le bourgmestre. Vite et bien. Car la société américaine a aussi acheté des hectares dans d’autres pays. Et pourrait toujours se détourner du Luxembourg. Les ministères concernés vont donc appuyer sur l’accélérateur, au point de faire rêver les élus locaux au fait «qu’un jour, peut-être, tous les dossiers communaux seront ainsi dopés par la bonne volonté de l’État».

À Bissen, il faut en priorité modifier le plan d’aménagement général (PAG) et affecter les terrains en zone spéciale data center. Les études sont lancées. Après les deux premières évaluations environnementales stratégiques, un premier vote au conseil communal a pu intervenir le 7 janvier pour une «modification ponctuelle du PAG». Après celui-ci, le dossier complet a été rendu public, afin que chacun puisse formuler des remarques. «On a voulu aller plus loin et tout mettre sur internet, en toute transparence. Il n’y a rien à cacher», développe le bourgmestre.

Le terrain choisi par Google à Bissen. Matic Zorman

Le terrain choisi par Google à Bissen. Matic Zorman

Modification définitive en mars

Quelles suites, maintenant? Le collège va entendre chaque personne qui a formulé une remarque ou suggestion. Suite au vote du conseil, le dossier est aussi reparti vers les ministères concernés pour avis. En fonction de ceux-ci, le collège échevinal pourra adapter le PAG, en vue de sa confirmation, in fine, par le conseil communal.

La commune estime que le dossier est rigoureux. Dès lors, même le recours porté contre sa décision du 7 janvier devant le tribunal administratif ne l’effraie pas. Et les arguments avancés ces dernières semaines par le Mouvement écologique et des citoyens «trouveront aussi des réponses précises».

Le terrain choisi par Google à Bissen. Matic Zorman

Le terrain choisi par Google à Bissen. Matic Zorman

L’ambition est que la zone soit devenue «zone spéciale data center» pour le mois de mars, ou juste après. Charge alors à Google de proposer son propre plan d’aménagement: implantation des locaux, gestion des eaux de surface... Il fait peu de doute que l’entreprise y travaille déjà depuis des mois. «On sait qu’elle veut profiter de ce qui existe déjà chez nous. Ainsi, le refroidissement du data center pourrait être assuré par Kiowatt, qui produit des énergies vertes et se situe à côté.»

L’ensemble du volet administratif pourrait être clôturé cette année, pour un début de chantier aux premiers jours de 2020.

À Bissen, Google est en tout cas vue comme une entreprise qui répond aux aspirations locales, et dont les retombées, notamment financières, seront conséquentes. «Cela fait des années que nous avons choisi de diversifier l’offre industrielle en nous tournant vers les nouvelles technologies, le numérique...», conclut Jos Schummer. L’Innovation Campus témoigne de cette ambition, le tapis rouge déroulé à Google la confirme.