Fondé en 1950 par la famille Tani, le Ristorante Roma a traversé les décennies sans jamais perdre son identité profonde. Même quand les propriétaires ont changé – famille Musculus, famille Murador-Raccogli, puis Giuseppe Parrino pendant 25 ans – et enfin Paul Mreches depuis l’an dernier, le lieu est resté fidèle à sa réputation: une maison sérieuse, stable, réunissant une équipe soudée et une clientèle fidèle.
Paul Mreches explique: «Ce restaurant, j’y venais quand j’étais petit, avec mes parents, puis, plus tard, avec ma femme, mes enfants. Il fait partie des rares endroits où je continuais à manger en tant que client. Il avait une âme. J’avais envie que ça ne s’arrête surtout pas.»
Lorsque l’opportunité de reprendre le fonds s’est présentée, il a dit oui, mais pas à n’importe quelle condition. «Ce n’est pas un truc que j’ai repris pour changer derrière. Sinon, j’ouvrais à côté. L’idée, c’était de garder la tradition. De voir comment le lieu vit, et m’adapter.»
Le lien avec l’histoire du lieu se tisse aussi à travers les murs. «Ce sont toujours les mêmes propriétaires. La fille du fondateur est encore en vie. Elle m’a dit qu’ils étaient contents que le nom continue. C’est émotionnel, quelque part», raconte M. Mreches.
Une cuisine «faite maison», vraiment
«On travaille tous les jours en coupure. On fait tout nous-mêmes, des fonds aux sauces, en passant par les pâtes. Ça demande du monde, du temps, de la technique. Mais c’est ce que les gens viennent chercher.»
La carte mêle classiques maison et suggestions saisonnières. À l’occasion du 75e anniversaire, le Ristorante Roma a lancé un Festival Anniversario, une sélection de plats emblématiques choisis par les clients eux-mêmes. Résultat: un best of très ancré dans les goûts du lieu, et dans la mémoire des habitués.
La lasagne à la saucisse italienne et scamorza, par exemple, bat tous les records. «On pensait que ce serait trop hivernal, mais on en vend beaucoup.» Les macaronis au homard, plat en papillote, sont eux aussi devenus cultes. La pintade en croûte de feuilletage, ouverte à table dans un nuage de truffe, combine spectacle discret et parfum enveloppant. Et puis il y a l’agneau de sept heures, avec son gratin de pommes de terre et sa fondue d’épinards – «très old school, mais les gens adorent», nous confie le patron.
Loin des menus déguisés ou des intitulés tape-à-l’œil, chaque plat a une histoire, une technique et une main derrière lui. Le chef José, en poste depuis 26 ans, travaille en étroite complicité avec le patron, lui aussi souvent en cuisine. «Je lui donne carte blanche. Il connaît la maison, moi j’amène des idées, on teste, on ajuste.»
Et les desserts? En cours de réinvention. «Certains sont là depuis dix ans. On est en train de revoir tout ça. C’est délicat avec une clientèle d’habitués, mais il faut oser par petites touches.»
Les changements depuis un an se font petit à petit. Une carte d’antipasti revue – «avant c’était une assiette à partager, maintenant chacun compose selon ses goûts».
Une nouvelle vaisselle pour les 75 ans est également en projet, avec le logo de la maison dessus. «C’était très old school, on a modernisé un peu, mais sans casser le rythme.» À terme, l’étage du restaurant devrait être repensé pour mieux accueillir les groupes. «Beaucoup de gens veulent de la tranquillité, surtout les politiques, les avocats, les habitués. L’étage, c’est plus calme, ça fait presque gastro, même si on ne le revendique pas.»
Le mot d’ordre reste le même: ne pas trahir la maison. Paul Mreches renchérit: «C’est une clientèle particulière ici. Beaucoup de Luxembourgeois, des habitués qui viennent une fois par semaine. Il y a des gens qui viennent ici depuis 30 ans. Donc il faut faire attention. Aller doucement.»
Quand on lui demande ce qui fait vraiment tenir le Roma depuis 75 ans, sa réponse est directe: «Ce sont les gens. Les clients, mais surtout l’équipe. Le personnel fait l’âme de la maison. Si eux se sentent bien, les clients le ressentent.»