Le parallèle peut sembler incongru. En effet, pour quelle raison démarrer un article sur l’exigence des clients par ces références?
Parce que leur positionnement semble aujourd’hui poster les entreprises, tous domaines confondus, face au même paradoxe que celui qui a résulté de l’approche de Dolto sur les enfants: le client est érigé en maître de la relation commerciale, acteur tout puissant de la réussite sociétale, mais, dans le même temps, il est abordé comme dérangeant avec des besoins fondamentaux relevant plus du domaine du caprice que d’une réelle nécessité.
La relation est donc celle d’un amour/haine nécessaire pour les deux parties et s’accompagnant d’un équilibre relationnel aussi vertigineux qu’indispensable.
Ainsi, les entreprises, habituées à tenir une position docte et sévère au sein de laquelle le client n’était finalement pas «un sujet à part entière», n’ayant pas de désir propre ou n’étant, en tout cas, que rarement invité à les partager, ont dû revoir leur conception.
En conséquence, il apparaissait légitime de s’interroger sur la volte-face qui a été opérée et ses conséquences.
1. Le «complexe du homard»
Le «complexe du homard» est le moment où l’enfant s’extirpe de son carcan infantile étriqué pour s’épanouir au sein d’un costume à sa taille.
Il en va de même pour le consommateur qui passe du statut de tributaire de la toute puissante parole des sociétés qui lui font face à celui d’enjeu central, voire vital pour l’entreprise.
Ce changement a été, avant tout, le fruit d’une évolution que l’on peut décrire en plusieurs étapes.
Avant l’ère d’internet se trouvait l’ère du flou relatif, le consommateur devant – presque – croire sur parole les arguments avancés par le professionnel qui lui répondait.
Avec internet, sont devenues accessibles toutes sortes d’informations auparavant passées sous silence en mettant le savoir à portée de clics, permettant à tout un chacun d’approfondir ses connaissances dans un domaine ou de s’improviser expert – d’un jour – dans un autre.
Désormais, le client n’est plus seulement celui qui paie.
Quant à l’arsenal législatif d’une ampleur rare induit par la crise de 2008, il s’est illustré au travers de toutes sortes de dispositions préventives et/ou curatives autour de l’investisseur et sa protection, étendards de l’essor d’un renouveau du monde financier.
Désormais, le client n’est plus seulement celui qui paie. Au sein du Groupe AXA, le leitmotiv «payer to partner» illustre parfaitement cette posture et son ampleur.
Le corollaire induit est l’exigence sans cesse accrue… d’être entendu et pas simplement écouté, d’avoir une réponse parfaitement adaptée à des besoins pas toujours exprimés, d’avoir un interlocuteur compétent crédible et fiable, disponible à toute heure et proche de son client, d’être transparent…
2. L’indispensable changement d’attitude des entreprises
Françoise Dolto a mis fin au «dressage» des enfants pour prôner leur acception comme êtres à part entière.
Que l’on cautionne ou pas cette approche, il en découle que «tous les désirs sont légitimes, mais tous ne sont pas réalisables».
Ainsi, cette remise en question du positionnement familial s’est également manifestée au sein des entreprises, entraînant une prise de conscience du fait qu’un nom et une réputation n’étaient plus suffisants pour assurer leur pérennité.
Chez AXA Wealth Europe, cette réalité est au cœur même du fonctionnement de la structure.
Une charte d’engagements de services a été mise en place et les équipes sont composées d’employés «360»: polyvalents et résolument orientés «customer first».
Lorsqu’il est inextricable, le ‘non’ doit être dûment argumenté pour être, sinon accepté, du moins intelligible.
Les circuits de décision sont courts et les gens voisins, ce qui renforce l’esprit d’équipe.
La réponse négative n’intervient qu’en dernier recours. Les gens ont à cœur de trouver des alternatives viables tant pour le client que pour la structure. Lorsqu’il est inextricable, le «non» doit être dûment argumenté pour être, sinon accepté, du moins intelligible.
Pour les structures bâties autrement, tout l’enjeu réside dans l’exercice périlleux constitué par la nécessité de continuer à être florissant d’une part, tout en consacrant plus de temps et d’énergie à des activités qui ne sont pas rentables à court terme, d’autre part.
Elles sont fondamentales, car concernant le client, il ne s’agit pas seulement de le satisfaire, mais également de le fidéliser dans un engagement commun de relation pérenne.
Le Client-Roi est exigeant et instruit et face à lui les professionnels doivent être pédagogues et présents rapidement sans pour autant saper leur autorité.
Le pendant de la vélocité de traitement demandée est la complexification d’un environnement légal et réglementaire en constante évolution.
La digitalisation et la création de portails en ligne d’entreprises a permis de répondre partiellement à cette demande de vitesse. Mais le pendant de la vélocité de traitement demandée est la complexification d’un environnement légal et réglementaire en constante évolution.
Certaines requêtes nécessitent une analyse approfondie qui génère des délais indispensables pour être fiables et sécurisées.
Ce point fait également appel à l’appétence aux risques des compagnies, nécessaire, mais à acception variable selon les structures, et qui est largement sollicitée dans cette quête de l’équilibre.
Il appartient à chacun de faire son introspection à l’aube d’un temps où le digital doit prendre le pas sur tout le reste. Les valeurs constituant l’essence même de la substantifique moelle humaine deviennent et deviendront à n’en pas douter le véritable facteur différenciant des entreprises.
Enfin, il ne faut pas oublier, avant toute chose, que, qui que l’on soit et d’où que l’on vienne, «on est toujours le client de quelqu’un».