Selon Michel-Edouard Ruben, senior economist à la Fondation Idea, «ce ralentissement pourrait avoir un impact sur le Luxembourg s’il perdurait.» (Photo: Maison Moderne/Archives)

Selon Michel-Edouard Ruben, senior economist à la Fondation Idea, «ce ralentissement pourrait avoir un impact sur le Luxembourg s’il perdurait.» (Photo: Maison Moderne/Archives)

L’Allemagne devrait connaître, en 2019, une croissance à 0,5%, alors que le gouvernement Merkel avait dans un premier temps tablé sur 1%. Selon Michel-Edouard Ruben, senior economist au sein de la Fondation Idea, l’économie allemande devrait rebondir en 2020.

Peter Altmaier, ministre allemand de l’Économie, a annoncé en milieu de semaine que l’Allemagne devrait connaître cette année une croissance à 0,5%, alors que le gouvernement d’Angela Merkel avait dans un premier temps tablé sur 1%. Comment expliquez-vous ce ralentissement?

Michel-Edouard Ruben. - «La situation allemande réside avant tout dans son exposition au commerce mondial et à l’importance de l’industrie dans son tissu productif. Comme nous connaissons actuellement une période de tensions commerciales entre les États-Unis et la Chine, les États-Unis et l’Union européenne, et le Brexit, qu’il y a un ralentissement de la demande pour certains produits industriels, voire une saturation des besoins dans certains cas, et de fortes contraintes réglementaires en lien avec des normes environnementales, le ralentissement de l’économie allemande n’est pas une surprise.

D’autant plus que le pays fait aussi face à des contraintes d’offres liées au fait que son économie est au plein emploi et donc peine à trouver de la main-d’œuvre productive. Ce ralentissement devrait être passager. Il est prévu que la croissance allemande rebondisse en 2020, ce qui indique qu’il s’agit avant tout d’un trou d’air en 2019.

Ce trou d’air peut-il être vu comme un signal sur le modèle économique de l’Allemagne?

«Il peut être perçu comme tel, en considérant que l’industrie allemande, dont une composante essentielle est l’automobile, est sous pression et risque de l’être structurellement, puisqu’elle doit notamment composer avec l’éventualité d’une hausse des droits de douane américains sur l’automobile, ainsi que les contraintes réglementaires et environnementales en lien avec l’accord de la COP21, et la percée technologique de l’industrie chinoise.

Certains font remarquer qu’il y a eu une dérive des coûts salariaux en Allemagne et une perte de compétitivité, et que cela appelle à un nouvel agenda 4.0.

Michel-Edouard Rubensenior economistFondation Idea

Comment peut réagir le gouvernement allemand?

«Un premier pas a été fait avec la publication de la stratégie industrielle nationale 2030 par le ministère de l’Économie allemande, qui parle explicitement de politique industrielle européenne, mais que certains observateurs critiquent fortement pour son caractère foncièrement protectionniste. Certains font remarquer qu’il y a eu une dérive des coûts salariaux en Allemagne et une perte de compétitivité, et que cela appelle à un nouvel agenda 4.0.

D’autres encore font remarquer que l’Allemagne se trouve aujourd’hui dans une situation où, pour la deuxième année de suite, son excédent budgétaire en pourcentage du PIB sera supérieur à son taux de croissance et que sa dette va passer en dessous des 60% du PIB. Le pays serait donc bien inspiré de lancer un grand plan d’investissement et de conduire une politique budgétaire expansionniste pour moderniser son économie. Il sera intéressant d’observer la voie que choisira l’Allemagne.

L’Allemagne est un important partenaire économique du Luxembourg (le premier à l’exportation et le deuxième à l’importation), le ralentissement de son économie peut-il avoir des conséquences sur le Grand-Duché?

«Il pourrait avoir un impact s’il perdurait. Mais comme, a priori, ce ralentissement ne devrait être que passager, l’Allemagne devrait rester la locomotive du Luxembourg.»