«Oui, le Planning familial est absolument utile, encore aujourd’hui. Ceux qui pensent le contraire n’ont qu’à venir voir nos trois centres de consultation à Luxembourg, Esch-sur-Alzette et Ettelbruck et ils verront que les salles d’attente ne désemplissent pas.» C’est par ces mots qu’a répondu la présidente (à titre bénévole) du Planning familial ce mardi 18 mars, à ceux qui penseraient qu’en 2025, l’organisation n’est plus utile.
Le Planning familial fête ses 60 ans cette année. «Les droits des femmes ne sont jamais acquis malheureusement et c’est un combat de tous les jours. On le voit notamment dans certains pays comme la Pologne, la Hongrie ou les États-Unis, où ils reculent», ajoute la directrice Céline Gérard. Le rapport annuel 2024 ne sera présenté que lors de l’assemblée générale du mois de mai, mais les chiffres pour 2023 montrent une hausse notable du nombre d’IVG pratiquées dans les trois centres de Luxembourg-ville, Esch-sur-Alzette et Ettelbruck.
Les IVG en forte hausse
1.034 femmes avaient formulé une demande d'IVG, une hausse de 46% par rapport à 2022. 880 IVG avaient été planifiées dont: 98,2 % au Luxembourg (848) et 1,8% à l'étranger (16 dont 5 hors délais). 713 IVG (+28%) avaient été pratiquées au planning jusqu’à 8 semaines depuis les dernières règles (8SA), soit 81%. La moyenne d’âge de la grossesse au moment de l’IVG était de 4,5 semaines, en légère hausse. Les médecins du Planning familial peuvent en effet pratiquer des IVG médicamenteuses jusqu’à 9 semaines d’aménorrhée. «Pour des curetages ou des IVG après cette date, nous transférons les demandes au CHL», précise Céline Gérard.
«Ce que nous avons observé l’année dernière c’est une très forte hausse des IVG, sans que nous puissions l’expliquer», questionne Ainhoa Achutegui. «Nous avons demandé des statistiques au ministère de la Santé pour voir si c’est une hausse globale dans le pays, mais pour l’instant ils ne sont pas revenus vers nous avec des chiffres.»
71.098 contacts en 2023
Cette année 2025 sera donc jalonnée de différents événements: une journée dédiée à l’endométriose, une conférence sur la déconstruction des mythes autour de l’IVG, ou encore des portes ouvertes le 18 juin à Luxembourg-ville. Le centre d’Ettelbruck va également déménager dans les prochains mois dans des locaux plus grands.
En 2023, les trois centres, qui emploient plus de 40 personnes, ont répondu à 49.828 demandes/contacts, soit une progression de 9% dans l’ensemble. En ajoutant les 21.270 appels téléphoniques, le total s’élève à 71.098 contacts. Les médecins, psychologues, sexologues, assistantes sociales, conseillères ont accueilli 4.238 client(e)s et presté 18.638 consultations (+13%). 1.431 tests de grossesse ont été réalisés. 7.690 personnes ont été formées et informées, sensibilisées dans le domaine des droits et de la santé sexuelle, reproductive et affective (+9 %).
Une désinformation «inquiétante»
Le Planning familial est aussi très actif en ce qui concerne l’éducation sexuelle et affective des jeunes. «Mais nous travaillons à flux tendu et pour être correctement présents dans les écoles il faudrait que nous soyons bien plus nombreux», regrette Céline Gérard, qui s’inquiète également de la «désinformation qui circule sur les réseaux sociaux. Le sida ou les maladies et infections sexuellement transmissibles ne font plus peur, c’est un vrai danger. Certaines maladies reprennent du terrain, comme la syphilis.» En 2023, 606 patients atteints de la syphilis avaient été recensés au Luxembourg, soit un tiers de plus que l’année précédente. Avec environ 25 cas sur 100.000 personnes, le Luxembourg se classe ainsi en tête du classement de l’ECDC (Centre européen de prévention et de contrôle des maladies) qui comprend 30 pays.
«Il suffira d’une crise politique, économique et religieuse, pour que les droits des femmes, nos droits, soient remis en question. Votre vie durant, vous devrez demeurer vigilantes», alertait déjà Simone de Beauvoir en 1974. «Et ce qui est très inquiétant, c’est que les détracteurs aux droits des femmes de 2025 ont les mêmes discours que ceux d’il y a 60 ans», insiste Ainhoa Achutegui.
Inscrire le droit à l’IVG dans la Constitution
Au Luxembourg, le projet de loi 8490 requiert actuellement toute l’attention du Planning familial, puisqu’il concerne la loi modifiée du 15 novembre 1978 relative à l’information sexuelle, à la prévention de l’avortement clandestin et à la réglementation de l’interruption de la grossesse. «Il y a notamment l’abolition du délai de réflexion imposé aux femmes envisageant une IVG, une demande qui vient du Planning familial, l’interdiction des certificats de virginité et des hyménoplasties», se félicite la présidente de l’organisation.
«Mais nous voulons aller plus loin, un de nos combats actuels est d’inscrire le droit à l’IVG dans la Constitution et d’augmenter le délai pour une IVG de 12 semaines de grossesse aujourd’hui à 14 semaines.» Une proposition d’amendement a été introduite concernant ce dernier point par la députée LSAP . «La France est un exemple sur ces questions, il faut s’en inspirer», abonde Ainhoa Achutegui.