De l’extérieur, voir cinq ministres, deux Luxembourgeois, une Française et deux Allemands, s’engouffrer dans trois voitures, à l’endroit même où ont été signés les accords de Schengen qui garantissent la libre-circulation des personnes et des biens depuis 1984, n’a rien de très spectaculaire.
Il pleut à peine quelques gouttes sur Schengen. Le trafic est assez dense en cette fin d’après-midi. Les voitures démarrent lentement, effectuent une petite boucle qui passe par les trois pays embarqués dans l’initiative luxembourgeoise et reviennent au pied du Schengener Haff.
Au premier étage de ce musée transformé en hall d’exposition de la voiture du futur, l’écran géant montre en quoi ces trois voitures sont révolutionnaires: elles communiquent avec l’environnement, avec l’infrastructure routière ou même entre elles, pour assurer au conducteur un trajet dans les meilleures conditions possible.
Sur les routes en 2030 ou 2035
Ce ne sera pas la voiture de «Monsieur Tout le Monde» avant 2030 ou 2035, selon que l’on considère le modèle où le conducteur n’a pas les mains sur le volant ou celui où le conducteur n’est pas derrière le volant.
Mais c’est aujourd’hui qu’il faut être présents. Entre des Américains qui investissent massivement dans les technologies embarquées et des Chinois qui parient sur les infrastructures routières, les Européens pourraient devenir les champions d’une solution médiane.
D’où l’intérêt de ce laboratoire de la voiture autonome, un circuit de 206 kilomètres entre Sarrebruck, Schengen et Metz, sur lequel sera testée toute une série de nouvelles technologies dans un contexte transfrontalier.
La mobilité comme un service
Les nouvelles technologies, rappelle le ministre luxembourgeois de l’Économie, , vont amener des changements radicaux dans la mobilité et doivent fonctionner de la même manière partout en Europe. C’est une question de contribution à la sécurité, à l’efficacité énergétique ou à une meilleure qualité de l’air.
Et à une mobilité repensée de manière globale, ajoute son collègue et ministre des Transports, , dans laquelle les utilisateurs pourront ne plus être propriétaires d’une voiture, mais avec un seul ticket de mobilité, aller d’un point A à un point B dans les meilleures conditions.
«Il y aura une phase de transition, au cours de laquelle différents éléments seront déjà prêts. Nous devons, au niveau européen, pousser pour que ces équipements soient installés par défaut dans les véhicules. Certains projets démarreront, comme les navettes autonomes ou les taxis», explique-t-il en invitant à préparer une stratégie de «mobilité comme un service».
Pendant que le ministre luxembourgeois invite à ne pas baisser la garde au niveau de la sécurité routière parce que la technologie arrive, son homologue française, Élisabeth Borne, évoque un sondage: «Il faudra que nos concitoyens adoptent ces technologies. Deux tiers des citoyens se méfient des véhicules autonomes. Mais quand certains peuvent emprunter une navette autonome, leur jugement évolue. Nous devrons aussi être transparents sur les algorithmes liés à ces technologies.»
Post à la tête du projet 5GCroCo
Le premier Cross-Border Digital Testbed Project Day est aussi l’occasion de comprendre les enjeux de ce projet né d’une discussion avec le commissaire européen allemand, Günther Oettinger, après que le Luxembourg eut aussi pris le lead sur le high performance computing: Post a pris la tête du projet européen , doté de 17 millions d’euros de la Commission européenne avec 24 partenaires de sept pays européens, dont trois constructeurs automobiles, trois équipementiers et trois opérateurs télécoms jusqu’en octobre 2021.
Luxinnovation, le Liser, le SnT ou IEE partagent leurs expériences et leurs technologies avec leurs homologues allemands et français dans une construction européenne pragmatique.
«Des jobs disparaîtront… mais d’autres naîtront», prédit le vice-Premier ministre. Dans son coin, le président du conseil de gouvernance de l’Université du Luxembourg, , réfléchit. «Si le space mining et la voiture autonome attendent ces développements importants vers 2030-2035, les jeunes devraient comprendre à quoi ils doivent se former…»
«L’Europe qui avance», un slogan pragmatique et bienvenu à quelques semaines des élections européennes… Le premier Cross-Border Digital Testbed Project Day véhiculait aussi ce message-là, mercredi après-midi.