Comment répondre à la crise du logement dans l’Union européenne? Lundi 24 mars, une conférence organisée conjointement par le Parlement et la Commission a lancé le débat sur les causes de cette crise, sur les moyens pour l’UE d’aider les États membres à y faire face, ainsi que sur les mesures pouvant être prises au niveau européen. L’événement met en lumière le rôle qu’entendent jouer les eurodéputés dans ce dossier très sensible au Luxembourg.
Le Parlement a récemment créé une commission spéciale sur la crise du logement dans l’UE, avec un mandat d’un an, afin de proposer des solutions pour garantir l’accès à un logement décent, durable et abordable à tous les citoyens européens. L’instance ne compte aucun élu luxembourgeois. Parmi ses objectifs: identifier les problèmes liés aux réglementations européennes sur l’ensemble du cycle de production d’un logement privé.
«Tout au long de la chaîne, l’UE introduit des coûts supplémentaires et des exigences additionnelles, souvent sans nécessité réelle», estime l’eurodéputé conservateur bavarois Markus Ferber, membre de cette commission spéciale. «La mise à disposition du foncier pour la construction implique le respect de normes environnementales. Lors de la planification, de nombreuses règles européennes doivent être respectées. La construction doit tenir compte des réglementations sur les matériaux autorisés ou interdits. Enfin, au niveau du financement, avec l’application de Bâle III, nous avons augmenté les exigences de fonds propres pour les prêts hypothécaires, ce qui renchérit le coût des crédits immobiliers pour les ménages.»
Il est indispensable de réformer les règles européennes en matière d’aides d’État.
Et ensuite? «L’idée est d’identifier et de synthétiser toutes ces problématiques en une seule année, ce qui correspond au mandat de cette commission temporaire. Ensuite, la Commission européenne devra proposer des réformes législatives basées sur nos travaux», explique M. Ferber. Les députés entendent ainsi alimenter l’élaboration du Plan européen pour le logement abordable, que Bruxelles prévoit de publier début 2026.
L’eurodéputé luxembourgeois (groupe S&D) déclare suivre de près les travaux de cette commission. Sa création, rappelle-t-il, «répondait à une demande de mon groupe politique». Les sociaux-démocrates réclament des investissements massifs pour favoriser l’accès au logement des personnes à faibles revenus.
«Pour permettre ces investissements, il est indispensable de réformer les règles européennes en matière d’aides d’État. Aujourd’hui, ces règles constituent un frein», souligne M. Angel. «Certains, dans nos rangs, vont jusqu’à proposer un assouplissement des critères de Maastricht pour les investissements dans le logement – un peu comme ce qui est en train de se faire dans le domaine de la défense.» Les sans-abri doivent également figurer parmi les priorités de la commission logement, selon le groupe S&D. «Presque un million d’Européens n’ont pas de toit. Il existe des solutions efficaces, comme le 'Housing First' en Finlande. Cela fonctionne et il faut y investir.»
Vers un guichet unique
La commission spéciale du Parlement européen fait partie des développements récents qui reflètent la montée en puissance du logement dans l’agenda de l’UE. La nouvelle Commission européenne s’est organisée pour donner de la visibilité et du poids à la politique du logement: pour la première fois, celui-ci devient un domaine à part entière dans le portefeuille d’un commissaire, le Danois Dan Jørgensen. Autre changement: la volonté de décloisonner l’approche. Environ 18 directions générales de la Commission participent à l’élaboration du plan pour le logement abordable.
Une avancée concrète a été enregistrée le 6 mars dernier: le Groupe BEI, l’organisme de financement de l’UE, pour soutenir la construction de logements abordables et durables en Europe au cours des deux prochaines années. Prélude au lancement prochain par la BEI d’un nouveau portail – de type «guichet unique» – visant à fournir un soutien technique renforcé et des orientations stratégiques aux États membres et aux villes. Une initiative qui s’inscrit dans un projet de «plateforme paneuropéenne d’investissement pour des logements abordables et durables».
Les développements institutionnels récents témoignent d’une véritable accélération.
Directrice adjointe et responsable du programme Europe sociale et bien-être au think tank EPC, à Bruxelles, Elizabeth Kuiper voit dans ce projet «un développement à suivre de près». «Certains éléments pris individuellement, comme la nécessité d’investissements privés ou l’utilisation de différents fonds européens pour le logement, ne sont pas totalement nouveaux. Toutefois, le fait que la BEI, la Commission et d’autres institutions tentent activement de consolider ces efforts dans un cadre plus cohérent est une nouveauté importante.»
Même si le logement n’est pas un sujet totalement nouveau pour l’UE, «le niveau d’attention politique qu’il reçoit actuellement est remarquable», note la spécialiste. «Les développements institutionnels récents témoignent d’une véritable accélération. Il faut dire que le logement a occupé une place importante dans la campagne des élections européennes de 2024 dans plusieurs États membres, notamment au Portugal, en Espagne et aux Pays-Bas. La récente vague de manifestations pour le logement, notamment parmi les jeunes dans plusieurs villes européennes, a contribué à en faire une priorité politique.»
Parmi les tendances actuelles, «l’UE lie de plus en plus la question du logement à l’inclusion sociale, à la résilience économique et aux objectifs climatiques», observe Elizabeth Kuiper. À cela s’ajoute «la volonté d’adopter des règles communes à l’échelle européenne pour les locations de courte durée – effet Airbnb – qui témoigne d’un engagement réglementaire croissant».