À l’origine, le Fonds Kirchberg a été créé en 1961 pour faciliter l’installation des institutions européennes au Luxembourg. Après s’être implantées dans des bâtiments existants, notamment à la gare ou en centre-ville, dont la Villa Vauban, les institutions européennes se sont développées et ont eu besoin de nouveaux bâtiments pour accueillir leur administration.
Aussi, il a été décidé d’urbaniser le plateau du Kirchberg, «un plateau où il n’y avait pratiquement pas d’arbres puisqu’on y faisait du maraîchage. On y faisait de la choucroute», s’amuse à préciser Patrick Gillen. Mais il fallait d’abord lever un obstacle, raison pour laquelle ces terrains n’étaient pas encore construits: le plateau était séparé de la ville par la vallée.
La construction d’un nouveau pont était donc nécessaire. Ce qui a été fait par les Ponts et Chaussées. «Le jury, à l’époque, a fait un très bon choix, et nous avons la chance aujourd’hui de pouvoir encore utiliser ce pont à caisson métallique, ouvrage d’art qui est assez rare», souligne Patrick Gillen.
C’est donc dans cette logique que les terrains ont été acquis et qu’un organe qui peut organiser ce plateau a été créé, le Fonds d’urbanisation et d’aménagement du Kirchberg, qui est un établissement public. Une fois cette connexion avec la ville établie, la voie rapide a été construite pour aller vers le nord. Sont alors venus les premiers bâtiments: la Héichhaus tout d’abord, qui été le siège de la Ceca, puis la Cour de justice, et dans les années 1970, le bâtiment Jean Monnet et le bâtiment Schuman.
«C’est la partie sud du plateau qui a été construite dans un premier temps. Les politiques de l’époque envisageaient déjà qu’il y aurait un développement urbain, et pour éviter la spéculation foncière, ils ont étendu le périmètre à l’ensemble du plateau, sur les 360 hectares actuels, qui bénéficient d’un statut d’utilité publique. Ce statut a permis d’acheter les terrains soit de gré à gré soit par voie d’expropriation. Nous sommes très heureux aujourd’hui d’avoir ces terrains pour pouvoir développer le quartier!»
La question de la mobilité
Le Kirchberg s’est construit autour de cette voie rapide qui coupe en deux le quartier. «Si nous devions développer le quartier aujourd’hui, nous le ferions tout autrement», assure le président du Fonds Kirchberg. «Mais nous devons faire avec cette ancienne autoroute. C’est pour cela que nous l’avons transformée, dans les années 1990, en avenue urbaine.»
Mais elle reste l’entrée principale de la ville des automobilistes en provenance du nord et de l’est. «L’idée est de réduire encore un peu plus, si possible, l’importance de la voiture sur cette avenue, en y introduisant dans un premier temps les bus, et aujourd’hui le tram, des pistes cyclables. Même s’il est encore difficile de juger actuellement l’impact du tram au Kirchberg, car il ne relie pas encore le centre-ville et la gare, je pense que les effets positifs viendront. Quant à l’utilisation du vélo, nous ne sommes pas dans des villes comme Amsterdam ou Copenhague, qui ont une densité plus forte au niveau résidentiel et qui permettent des déplacements domicile-bureau en vélo. Mais les cyclistes bénéficient quand même d’un certain confort sur le plateau.»
Si nous devions développer le quartier aujourd’hui, nous le ferions tout autrement.
Un autre enjeu: la mixité
Pendant de nombreuses années, le Kirchberg n’a été occupé que par les institutions européennes et des bureaux. «Les premiers logements ont été construits au Kiem dans les années 1970. Puis, la construction de logements s’est arrêtée et n’a repris que dans les années 1990, avec Avalon. À partir de 2004, nous avons relancé l’urbanisme du Grünewald, qui avait été dessiné par Valentiny. Mais construire du logement demande du temps, parce qu’il y a des procédures à respecter, et que nous souhaitons de l’architecture de qualité, et donc passons par des concours», explique Patrick Gillen.
Le Fonds Kirchberg a d’ailleurs mis en place plusieurs approches d’attribution de terrain en fonction de l’évolution du marché.
«Auparavant, nous faisions des concours d’architectes et promoteurs avec une acquisition du terrain en pleine propriété. Mais les prix de vente ont flambé, et nous n’en avions pas la maîtrise. Alors, nous avons changé notre approche, et nous avons donc choisi d’inverser le processus et de plafonner le prix de vente. À partir de ce prix maximum, c’est au promoteur de faire son calcul pour le coût de construction, et le terrain est cédé en bail emphytéotique avec droit de préemption. Aujourd’hui, nous sommes à quasiment 50% des prix du marché privé. Nous avons aussi choisi de faire des concours d’architectes qui comprennent plusieurs résidences, et non plus une seule, ce qui permet d’avancer plus vite.»
Déjà pionnier au niveau des exigences énergétiques, le Fonds Kirchberg pousse ces derniers mois encore plus loin ses exigences et met en place des projets conçus en «cradle to cradle», selon les principes de l’économie circulaire.
«Le développement du Kennedy Sud, par exemple, est réalisé en co-création. Les futurs habitants pourront bénéficier de bâtiments qui auront une très haute qualité, réalisés en bois-béton ou bois-acier, avec des espaces communs généreux et une excellente gestion de l’énergie», affirme Patrick Gillen.
D’autres formes d’habitat sont aussi en projet au Kirchberg, notamment en hauteur, avec les tours résidentielles d’Infinity, ou la tentative de réaliser la première coopérative d’habitations du Luxembourg.
Les zones de développement
Loin de se contenter de l’existant, le Fonds Kirchberg a encore plusieurs ouvrages sur le métier. Le Kuebebierg, notamment, sera l’un des plus importants projets de développement dans les années à venir. Cette zone mixte accueillera quelque 5.000 nouveaux habitants. Elle jouxtera un autre site à urbaniser, le Laangfur. Ces deux sites favoriseront par ailleurs la mobilité douce, et les futurs résidents ne pourront bénéficier que de 0,5 emplacement de parking par logement, parkings qui seront par ailleurs regroupés dans des parkings silos.
Du côté des bureaux, plusieurs mastodontes sont au programme: ArcelorMittal (60.000m2), le JMO 2 (120.000m2 hors-sol), et le troisième bâtiment de la BEI (50.000m2).
«Une fois que le Jean Monnet sera démonté, nous allons pouvoir développer un nouveau projet, tout comme nous allons récupérer une partie du terrain d’Eurocontrol pour y développer du logement», détaille Patrick Gillen. Ce à quoi pourront s’ajouter les 10 hectares du terrain des foires, qui vont déménager probablement au Findel.
Des projets qui verront donc le jour dans les années à venir, mais sans Patrick Gillen, qui prendra sa retraite le 10 juin prochain.