Les élections sociales concernent environ 500.000 électeurs potentiels. (Photo: Paperjam / Archives)

Les élections sociales concernent environ 500.000 électeurs potentiels. (Photo: Paperjam / Archives)

Les élections des délégations du personnel ont lieu ce mardi dans plusieurs centaines d’entreprises. Ce sera aussi la clôture du scrutin en ce qui concerne le renouvellement de la Chambre des salariés.

C’est sans doute un paradoxe de notre époque. Alors que la contestation sociale se fait de plus en plus forte, les revendications de plus en plus nombreuses, le taux de participation aux élections sociales ou professionnelles est en baisse un peu partout en Europe. Il était encore de 61,41% en Belgique lors du dernier scrutin, mais seulement de 42,76% en France.

, 35,6% des travailleurs inscrits avaient finalement voté, avec des variations parfois assez fortes selon les profils des électeurs et les secteurs professionnels. Un taux en diminution légère par rapport à 2008. Certains, dont , président du syndicat LCGB, plaident donc pour la mise en œuvre du vote électronique, susceptible de redonner du tonus au taux de participation.

Néanmoins, dans un pays où le taux de syndicalisation est assez élevé – 37% en 2016 selon l’institut syndical européen ETUI –, les élections sociales demeurent un réel baromètre de la vitalité des syndicats.

Elles concernent environ 500.000 salariés et auront lieu au Luxembourg ce mardi, afin d’élire, dans environ 3.800 entreprises d’au moins 15 employés, les futurs délégués du personnel. Ce sera aussi la clôture du vote par correspondance, afin de renouveler la composition de la Chambre des salariés (CSL).

L’Aleba sous pression

Et c’est bien au sein de cette CSL que se niche un des enjeux majeurs de ces élections. Évidemment pas en ce qui concerne les rapports de force en eux-mêmes. En 2013, l’OGBL avait encore augmenté sa majorité absolue, passant de 36 à 38 sièges sur les 60 à pourvoir, et son poids dans presque tous les secteurs. Son principal rival, le LCGB, perdait un siège pour n’en avoir plus que 15 au total. Bref, les troupes du président sont dans un fauteuil, ou presque.

C’est vers les résultats du groupe 4, celui des Services et intermédiations financiers, qui désigne huit élus, que les yeux seront tournés. En 2013, l’Aleba avait conservé son leadership et quatre sièges, lui offrant une majorité absolue, grâce à 50,39% des suffrages. Mais l’OGBL avec 32,33% et trois sièges avait de quoi être mis en appétit.

De fait, André Roeltgen confirme que «le but est bien de gagner un siège dans ce groupe et d’éviter que l’Aleba n’ait plus cette majorité absolue». Pour cela, l’OGBL n’a pas hésité à tirer à boulets rouges sur les troupes de , le secrétaire général de l’Aleba, dénonçant «la dernière mauvaise convention collective», mais aussi «l’absence de capacité conflictuelle de l’Aleba». Et menant des actions très ciblées à destination des frontaliers, très présents dans les secteurs des banques et de la finance.

L'atout majeur de l’Aleba, c’est évidemment son expertise sectorielle.

Laurent Mertzsecrétaire général de l'Aleba

Laurent Mertz ne s’en inquiète pas. «Nous comptons bien rester les n°1 et conserver notre majorité. Ce qui nous permet en effet de négocier seuls les conventions collectives du secteur», explique-t-il. Selon lui, «notre atout majeur est d’être un syndicat sectoriel, et non généraliste comme l’OGBL. On a donc une vraie expertise sur notre secteur». Les autres syndicats répliquent que le fait de ne pas être un syndicat national enlève à l’Aleba une puissance qu’ont les autres.

«Moi, je trouve que les autres syndicats font bien leur travail pour certains dossiers dans certains secteurs, et l’Aleba très bien dans le sien tout en étant totalement et réellement indépendant», poursuit Laurent Mertz. «On manque de force de frappe? Je crois surtout que l’Aleba est le caillou dans la chaussure de l’OGBL, qui cherche à mettre la main sur le groupe 4 depuis des années et n’y parvient pas.»

Des risques pour les emplois de la Place

Les enjeux des années à venir? Pour l’Aleba, il y a évidemment la défense de l’emploi. «Et il y a des risques», développe Laurent Mertz. «On assiste à une contraction des revenus des établissements de la Place. Il y a donc un travail effectué sur les coûts, car on ne peut en permanence tout remettre sur le dos du client. Pour nombre de sociétés non luxembourgeoises, et il n’en reste plus beaucoup, il y a une pression internationale qui est de plus en plus forte, afin de réduire les coûts.» Les aspects «risque et compliance» ont aussi impacté l’emploi.

«Des métiers ont totalement disparu des banques. C’est pour cela que nous insistons beaucoup sur la formation du personnel.» Et puis, il y a la digitalisation «dont on parle beaucoup, mais qui n’a encore été vue par personne. Quel sera son impact? Limité ou bien est-ce que ce sera une lame de fond?» Sans oublier la défense des frontaliers «qui ne peuvent en aucun cas devenir une variable d’ajustement pour l’État».

Le LCGB inquiet de la fracture numérique

Le monde numérique de demain a aussi été , au point d’irriter d’autres syndicats. «On en finirait par croire que c’est le LCGB qui a inventé l’informatique», lâche, sarcastique, un cadre de l’OGBL. Patrick Dury, le président du LCGB, estime «que le risque de fracture numérique est réel et que nous devons tout faire pour l’éviter». Sa communication de campagne a été d’ailleurs grandement articulée autour de l’image d’un petit robot incarnant la digitalisation galopante.

Renforcer le pouvoir d’achat et proposer des formations plus longues sont deux de nos priorités.

Patrick Duryprésident du LCGB

Et pour que ce robot devienne un allié, Patrick Dury a aussi fait des formations plus longues «une priorité pour les années à venir. Tout comme le renforcement du pouvoir d’achat, une meilleure protection du salarié malade, une autre organisation du temps de travail.» Enfin, le LCGB souhaite une vaste réflexion autour de la recherche d’alternatives au chômage, et un traitement équitable entre salariés du secteur privé et du secteur public.

Ce que l’OGBL souhaite, c’est un État social fort, ayant les moyens d’être fort.

André Roeltgenprésident de l’OGBL

, on a beaucoup mis en avant, ces dernières semaines, la nécessité de garantir les pensions. «Je sais que les patrons parlent beaucoup de ce ‘mur des pensions’, moi je n’y crois pas. Si on a un jour un problème, il faudra tout simplement augmenter les cotisations patronales qui sont très basses au Luxembourg», commente André Roeltgen, le président de l’OGBL. Dont les équipes ont aussi énormément parlé de l’accès au logement, «qui sera un des très grands dossiers des années à venir».

Mais aussi d’environnement et d’évolution des manières de travailler face à l’arrivée des nouvelles technologies. L’OGBL appelle de ses vœux un «État social fort, ayant les moyens d’être fort». Et continue à réclamer avec force une hausse de 10% du salaire social minimum, une révision de la législation sur les conventions collectives et l’octroi d’une sixième semaine de congé légal.