Quelles tendances majeures ont émergé du Mipim 2025 et comment vont-elles impacter le marché immobilier luxembourgeois?
Raphaël Xiol. – «Le financement des projets est au cœur des préoccupations des développeurs immobiliers. Tous les feedbacks reçus de leurs banques respectives vont dans le même sens: la prise en compte de l’impact de Bâle 4 dans les mois à venir. Bâle 4 va plus loin que Bâle 3 sur plusieurs sujets: exigences de fonds propres plus élevées pour les banques, modèles de risques plus conservateurs et plus transparents, mais surtout limitation des modèles internes avec l’utilisation d’un standardized floor en matière de RWA, un reporting accru, des exigences accrues en termes de liquidité… En résumé, un ensemble de mesures qui vont avoir un impact sur le marché du financement de l’immobilier, tant sur les marges appliquées par les banques — qui n’auront pas d’autre choix que de répercuter dans leurs prix les exigences de fonds propres qui leur sont imposées — que sur les volumes qui vont être déployés dans le secteur. Cet impact est aujourd’hui encore difficile à quantifier, mais il sera bien réel.
Si l’on ajoute à cela la gestion actuelle des Non Performing Loans, contraignant certaines institutions financières luxembourgeoises à fortement ralentir, voire stopper toute nouvelle production de financement de développement immobilier, c’est la raréfaction de l’offre qui va également venir peser dans la balance.
Quelles stratégies immobilières gagnantes avez-vous identifiées pour concilier rentabilité et résilience face aux crises économiques et environnementales?
«Les modèles et les structures de financement vont devoir être repensés. Si le loan to cost (proportion entre la dette et le coût total du développement) ou la dette senior classique viennent à diminuer dans le mix du financement immobilier, comment faire face à un apport de fonds propres complémentaires du côté des développeurs, dont l’equity à injecter dans des projets n’est pas extensible à l’infini?
Private debt, crowdfunding, equity investors et bien d’autres outils feront certainement partie d’un nouveau paradigme en matière de financement, tant pour combler le fossé entre les fonds propres et la dette senior que pour imaginer de nouvelles stratégies, où certains développeurs vont se muer en asset managers, en développant pour le compte de tiers — en l’occurrence des investisseurs ayant du cash à déployer — tout en évitant certains excès du passé: les développeurs devront mettre du skin in the game pour rassurer l’investisseur.
Un équilibre à trouver au cas par cas, mais un nouveau challenge pour l’industrie, qui va devoir se réinventer et voir émerger de nouveaux métiers, notamment en matière de structuration de dettes.
L’IA transforme-t-elle réellement le secteur immobilier ou en est-on encore aux promesses? Quels sont les cas concrets que vous avez observés?
«L’IA va apporter beaucoup dans la collecte de data, l’analyse de ces données, l’automatisation de crédits simples, l’appréciation de certains risques ainsi que dans beaucoup d’autres domaines. Dans le domaine du financement du Commercial Real Estate, je n’ai pas encore vu de transformation majeure. Il y a bien des plateformes qui se développent afin de mettre en contact des emprunteurs et des prêteurs — et qui sont probablement de très bons outils — mais même la meilleure voiture du monde aura toujours besoin d’un pilote.
La complexité et le caractère unique de chaque transaction, auxquels s’ajoutent les nouvelles structures de financement à mettre en place ainsi que la variété de ces debt providers, font qu’aujourd’hui, l’intervention humaine est toujours fondamentale dans l’industrie du financement.»