John Marshall: « Nos représentants politiques ont souvent dit que nous quittions l’Union européenne, mais nous ne quittons pas l’Europe.  » (Photo: Patrick Galbats)

John Marshall: « Nos représentants politiques ont souvent dit que nous quittions l’Union européenne, mais nous ne quittons pas l’Europe.  » (Photo: Patrick Galbats)

En première ligne pour répondre aux inquiétudes de ses concitoyens et porter la voix du gouvernement britannique, l’ambassadeur du Royaume-Uni au Luxembourg, John Marshall, ne perd ni son flegme ni sa passion pour l’Europe face au Brexit. Et ce n’est pas une négociation qui s’enlise qui va lui faire perdre espoir dans de futures relations bilatérales teintées de «win-win».

Cette interview est parue dans l’édition d’avril 2019 de . Retrouvez la première partie .

Comment peut-on imaginer le futur des relations entre le Royaume-Uni et l’Union européenne?

.- «Notre intention est très claire: nous voulons un partenariat dédié et très proche avec l’Union européenne. Ce sentiment est réciproque du côté des institutions européennes et des 27. Nous resterons un allié très proche de l’UE. Nous avons d’ailleurs formulé l’engagement sans condition de contribuer à la politique de sécurité européenne pour laquelle nous avons tout intérêt à œuvrer, pour la prospérité de notre continent. Sur la base de cette vision, il sera important de débuter, dès que possible, la négociation du texte qui la traduira. La déclaration politique de 26 pages doit être développée dans une série de traités internationaux. Ces traités poseront les bases de notre relation future, après notre départ.

Jusqu’ici, les questions économiques ont dominé les discussions au sujet de cette relation, mais je souligne qu’il ne s’agit que de l’une des nombreuses dimensions que nous devrons considérer, comme la lutte contre le terrorisme et le crime organisé… D’une manière générale, les mécanismes qui permettent la collaboration en matière de sécurité intérieure sont des mécanismes de l’Union européenne qui entraînent, par exemple, des échanges d’informations sur les données des passagers aériens, les casiers judiciaires, les empreintes digitales…

Nous ne pouvons pas espérer disposer des mêmes droits qu’un membre de l’Union européenne, mais nous pensons que nous pouvons parvenir à un nouvel équilibre en matière de droits et devoirs.
John Marshall

John MarshallAmbassadeur du Royaume-Uni au Luxembourg

Étant donné que nous ne pourrons plus prétendre aux mécanismes de l’Union européenne, nous devons mettre en place de nouveaux types de mécanismes de collaboration pour assurer une certaine continuité. Dans le cas contraire, la sécurité de nos citoyens serait compromise. Nous ne serons plus un membre de l’Union européenne. Nous ne pouvons pas espérer disposer des mêmes droits qu’un membre de l’Union européenne, mais nous pensons que nous pouvons parvenir à un nouvel équilibre en matière de droits et devoirs.

Ce changement va aussi entraîner plus d’obligations administratives de chaque côté…

«C’est le type d’enjeu que nous devons résoudre. De nouvelles structures devront être créées. Je note d’ailleurs que les deux parties souhaitent poursuivre leur coopération dans d’autres domaines, comme le programme Erasmus qui est déjà ouvert à la participation de pays tiers. Nous collaborons aussi de manière positive dans la science et la recherche au travers du projet ‘Horizon 2020’.

À l’heure du thé, John Marshall prend le temps d’expliquer les spécificités de la politique anglaise. (Photo: Patrick Galbats)

À l’heure du thé, John Marshall prend le temps d’expliquer les spécificités de la politique anglaise. (Photo: Patrick Galbats)

Même s’il y a ce souhait de chaque côté de poursuivre la relation, les freins au business seront plus importants qu’auparavant…

«Sur le volet économique, le principal enjeu est en effet d’éviter au maximum les frictions dans les futurs échanges commerciaux, sachant que l’Union européenne souhaite maintenir l’intégrité du marché unique. J’imagine que les négociations seront plus difficiles sur ce chapitre. Le commerce est toujours un enjeu complexe.

Comment imaginer le futur des relations entre la place financière luxembourgeoise et la City?

«Sachant que nous ne ferons plus partie du marché unique européen, l’une des conséquences est le fait de ne plus avoir accès au passeport unique pour les services financiers. Les sociétés qui l’utilisaient pour opérer en dehors du Royaume-Uni ont dû – ou vont devoir – s’assurer d’une base européenne pour le futur. Ceci explique pourquoi un certain nombre de sociétés ont étendu une partie de leurs activités ou se sont établies dans des Places telles que Luxembourg, Dublin, Francfort ou encore Paris. Nous sommes convaincus de la capacité des deux centres financiers, la Place luxembourgeoise et la City, à préserver leurs relations dans l’intérêt de tous. Cela dépendra en partie de ce qui sera négocié dans le futur, mais l’accord de sortie pose les bases d’une relation forte dans le secteur financier.

La plupart des personnes auxquelles je parle (...) me font part d’un regret: celui que nous partions, parce que nous sommes un allié très proche.
John Marshall

John MarshallAmbassadeur du Royaume-Uni au Luxembourg

Nous sommes du reste confiants quant au futur de la City qui restera la place financière mondiale la plus importante. Le business effectué avec l’Union européenne demeurera conséquent à l’avenir, mais le business mondial est encore plus important. Nous pouvons espérer accroître notre part de marché dans les services financiers compte tenu de la croissance mondiale de la classe moyenne dans de nombreux pays émergents. Nous ferons en sorte de rester attractifs pour le business et les talents, et de faire évoluer nos services financiers pour répondre aux évolutions globales.

On peut lire que le Luxembourg a déjà bénéficié du Brexit, partagez-vous ce point de vue?

«La plupart des personnes auxquelles je parle et qui considèrent la question avec une vue globale me font part d’un regret: celui que nous partions, parce que nous sommes un allié très proche.

Est-ce que vous vous sentez toujours Européen?

«Personnellement, oui. Mais pour les Britanniques, l’Union européenne n’équivaut pas à l’Europe. Nos représentants politiques ont souvent dit que nous quittions l’Union européenne, mais nous ne quittons pas l’Europe. Je me sens Européen depuis de nombreuses années et je me sentirai toujours Européen une fois que nous aurons quitté l’UE.

Vous sentez-vous partiellement Luxembourgeois?

«Non. Le Luxembourg est un pays fantastique, j’adore les Luxembourgeois, mais je me sens foncièrement Britannique, représentant le gouvernement de mon pays ici. Malheureusement, je suis ici pour une petite période avant qu’une autre mission ne m’appelle.»