Les réceptions, cocktails, staff party et autres soirées d’entreprises ou privées continuent de battre leur plein. Pour ravir les convives et ainsi renforcer leur image, les organisateurs – internes ou externes – font systématiquement appel à un secteur bien particulier, celui du «ca» d’horeca: le catering, ou le métier de traiteur. Un métier qui est, par nature, consommateur de produits biologiques et d’énergie, et donc générateur de déchets et d’impacts environnementaux.
D’autant plus quand le maître-mot des donneurs d’ordres est souvent le «prévoir plus, au cas où...». Mais sur le terrain, les traiteurs luxembourgeois œuvrent de plus en plus, à leur échelle, à limiter leur empreinte sur l’environnement et à apporter leur pierre à l’édifice du développement durable, tout en maintenant l’excellence qui leur est demandée quotidiennement. Tour d’horizon chez de grands noms bien connus et d’ambitieux petits nouveaux.
Connaître et maîtriser
La première étape pour maîtriser son impact se trouve – presque naturellement – en amont de la production. Il y a encore à peine une dizaine d’années, il était impensable, ou au mieux saugrenu, de la part d’un traiteur de penser à une optimisation de sa production pour coller exactement à la demande. Sans en faire plus.
Les clients – surtout les entreprises – n’avaient qu’un objectif lors de leurs événements: rassasier leurs gourmands invités coûte que coûte, sans considération de moyens ni de gaspillage. Pourtant, le taux moyen de «no-show», ces invités absents sans s’excuser, est connu de toute la profession: environ 15%. Voilà la source de déchets alimentaires la plus importante lors d’un catering événementiel: les absents. Une source parfois difficile à prévoir et à quantifier, surtout pour les petites structures qui n’ont pas forcément la capacité d’amortir le surplus.
«Lorsque nous intervenons sur des événements de petite et moyenne taille, les ‘no-show’ peuvent représenter une quantité de déchets potentiels assez importante, indique Nicolas Rivoallan, fondateur de la société Code Cuisine. Le client s’attend toujours à avoir assez et il est souvent difficile d’éviter le surplus. C’est pourquoi il faut penser à l’après-événement aussi.»
Pour arriver à jeter le moins possible, il faut déjà simplement savoir que l’on va avoir un impact et y travailler.
Une fluctuation de 300 personnes sur 2.000 invités peut paraître anodine face à 15 absents lors d’un cocktail d’une centaine d’invités, notamment en termes d’impact budgétaire relatif puisqu’une grande partie des coûts d’un événement restent fixes (location d’un lieu, décoration, technique, personnel...). Mais à présent, il semble inévitable de réfléchir à une production à la fois cohérente et efficiente, et ce tant du côté du prestataire de services que de celui du client.
«Pour arriver à jeter le moins possible, il faut déjà simplement savoir que l’on va avoir un impact et y travailler», explique Tom Steffen, directeur d’exploitation au sein du groupe familial éponyme. Chez Steffen, chaque étape de la préparation d’une prestation est pensée et maîtrisée en interne par un système de contrôles drastiques.
«Nous calculons, nous mesurons et nous accompagnons, ce qui nous a valu d’être certifiés RSE par l’Institut national pour le développement durable et la responsabilité sociale des entreprises.» Cette approche préventive n’est cependant pas l’apanage des grands noms. Les acteurs plus jeunes y adhèrent d’ores et déjà, comme en atteste le traiteur Julien Cliquet, qui met en exergue le facteur confiance: «Notre identité nous permet d’avoir une relation particulière avec nos clients, de bien les connaître. Grâce à cela, nous pouvons produire les quantités les plus justes possible et ainsi limiter le gaspillage.»
Savoir choisir et valoriser
Savoir optimiser la production est certes une phase importante de la prestation catering pour limiter son impact. Mais ce dernier reste malgré tout inévitable. C’est là qu’intervient la valorisation des déchets. Les petites structures peuvent alors tirer leur épingle du jeu avec astuce. Ainsi, Code Cuisine a installé un grand dispositif de compost à l’arrière de son atelier de confection, à la frontière franco-luxembourgeoise.
Là est transformé en engrais tout ce qui est organique et qui ne peut pas être donné à des associations: «Le cadre légal est très strict pour les produits cuisinés et c’est normal. Pour pouvoir donner un plat non consommé, il faut une cellule de refroidissement disponible sur place, un réétiquetage des heures de fabrication et des numéros de lots... C’est assez fastidieux. Nous le faisons pour ce que nous pouvons, le reste va dans notre compost.»
L’engrais ainsi produit trouve ensuite une utilisation on ne peut plus locale: le potager adjacent dans lequel Nicolas Rivoallan fait pousser des légumes qu’il utilise ultérieurement pour ses prestations, ce qui lui permet d’ajouter un volet de pédagogie et de transmission de savoir à sa démarche: «Ce potager, c’est apprendre aux jeunes recrues le respect du produit qu’elles ont vu pousser. C’est une valeur cruciale et durable qui ne peut que les aider dans leur savoir-faire en cuisine.» Et pour ce qui est du pain rassis, pas de gâchis: «Nous le transformons en une chapelure très fine utilisée pour paner de nouveaux plats ou même comme ingrédient pour des financiers et autres pâtisseries.»
Chez Julien Cliquet, de bonnes relations avec la Croix-Rouge luxembourgeoise permettent de transmettre en toute sécurité ce qui partirait autrement à la poubelle, en complément de bonnes pratiques de recyclage promues depuis longtemps et adoptées a priori par tous les prestataires interrogés.
L’étape suivante, c’est donc le circulaire, qui s’accompagne à présent systématiquement d’une démarche locale et qualitative pour le choix des produits utilisés, chez les petits comme chez les grands. Tous parlent de la même voix dès qu’il s’agit de privilégier les partenariats en Grande Région, pour «favoriser le local et assurer une information claire en ce qui concerne la traçabilité», comme le déclare Jan Schneidewind, à la tête du traiteur Windsor.
Le mot de la fin pourrait lui revenir: «La communication verte ne sert à rien sans actes ni sérieux.» Un nouveau concept promu avec enthousiasme par l’équipe de Code Cuisine est de cet acabit : «l’environnementiel». Joindre l’action à la parole, voilà ce à quoi le secteur du catering luxembourgeois semble s’engager à présent plus que jamais.