Cet article est paru dans l'édition mars 2019 du .
Plus de 4,4 millions de véhicules de transport de marchandises relient l’Union européenne et le Royaume-Uni chaque année, selon l’IRU (International Road Transport Union), ce dernier exportant plus de 21 millions de tonnes de marchandises vers l’UE.
De ce fait, le secteur de la logistique est celui où les incertitudes liées à un no deal sont les plus nombreuses. Selon l’IRU, le Brexit va générer une hausse des coûts de 10% pour le secteur, et occasionner un impact négatif sur le commerce et l’approvisionnement en marchandises.
Il n’en reste pas moins que certaines opportunités peuvent être saisies par les entreprises du secteur. L’avance prise par le Luxembourg en matière de digitalisation en est la principale: «Le Luxembourg fait partie des 17 pays signataires du protocole e-CMR, qui permet de digitaliser les papiers relatifs au fret. Tant que l’Allemagne ne l’a pas signé, cela représente un avantage concurrentiel pour les entreprises luxembourgeoises!», se réjouit Malik Zeniti, directeur du Cluster for Logistics.
L’aéroport de Luxembourg a déjà mis au point l’e-CMR, ce qui peut renforcer sa position sur le fret en Europe.
Depuis mars 2018, le Luxembourg fait en effet partie des pays autorisant l’utilisation d’une «lettre de voiture électronique» (e-CMR) pour le transport international des marchandises par route. Les avantages sont évidents, impliquant entre autres une réduction des coûts, un gain de temps dans le traitement des informations, une simplification des procédures douanières, une accélération des processus de facturation, etc.
L’initiative de l’e-CMR profite autant au transport routier qu’au transport aérien. «L’aéroport de Luxembourg a déjà mis au point l’e-CMR, ce qui peut renforcer sa position sur le fret en Europe. L’e-CMR pourrait par ailleurs aider Eurohub Sud à accélérer sa multimodalité», affirme Malik Zeniti.
Attirer des talents
Autre atout du secteur: «Les acteurs luxembourgeois de la logistique sont bien équipés pour gérer des bases de données, ce qui peut également permettre d’attirer des start-up dans notre secteur d’activité», estime Malik Zeniti.
Outre les jeunes pousses qui pourraient être entraînées dans le sillage des entreprises luxembourgeoises de transport «sans papier», les étudiants pourraient aussi choisir davantage le Grand-Duché. «Jusqu’à présent, les étudiants ou les demandeurs d’emploi choisissaient la Grande-Bretagne ou l’Irlande pour la facilité linguistique. Cela va probablement changer, et nous devrions attirer davantage de talents. Cela pourra notamment profiter à notre master en management de la logistique et de la supply chain», espère Malik Zeniti.
L’emploi dans le secteur devrait également augmenter, sachant qu’environ 5% de personnes sont actuellement employées dans le domaine de la logistique au Luxembourg, selon le Cluster for Logistics. Certes, les formalités douanières vont se corser, mais elles vont de ce fait requérir un renforcement des effectifs des douanes, comme des entreprises de logistique. «Dans un premier temps, le Brexit va plutôt créer de l’emploi, puisqu’il va générer davantage de travail en douane», note Malik Zeniti.
En matière politique, le Luxembourg pourrait reprendre à son compte certains discours auparavant tenus par la Grande-Bretagne.
Ce que confirmait aussi le transporteur Arthur Welter lors de la conférence Prepare4Brexit: «Nous avons une activité d’agence en douane. Avec les nouvelles frontières, il y aura davantage de travail pour cette activité. Mais son chiffre d’affaires restera néanmoins limité dans le chiffre d’affaires total de l’entreprise.»
Des opportunités sont également à saisir pour le Luxembourg concernant l’installation de lieux de stockage et d’entreposage, même si le pays devra jouer des coudes. «Les zones d’entreposage deviennent rares, et le gouvernement devrait essayer d’en allouer davantage pour attirer de la valeur ajoutée dans le pays. Cependant, le Luxembourg est en concurrence sur ce sujet avec la France, les Pays-Bas, ou encore la Belgique», remarque Malik Zeniti.
Enfin, le Luxembourg peut avoir une carte politique à jouer. «En matière politique, le Luxembourg étant souvent assez libéral dans ses prises de position concernant le transport, il pourrait reprendre à son compte certains discours auparavant tenus par la Grande-Bretagne», anticipe Malik Zeniti.
Le 8 mars, la Chambre de commerce luxembourgeoise, l’Union des chambres de commerce européennes et le Cluster for Logistics organiseront d’ailleurs une journée de conférence sur la politique européenne du transport et de la logistique. L’occasion de débattre sur la manière de maintenir la compétitivité du secteur dans le cadre du Brexit.