Entre 2002 et 2015, Pit Hentgen cumulait les fonctions de directeur général et de président de Lalux Assurances. (Photo: Paperjam)

Entre 2002 et 2015, Pit Hentgen cumulait les fonctions de directeur général et de président de Lalux Assurances. (Photo: Paperjam)

Transmission, gestion quotidienne… Cet été, Paperjam vous emmène dans les coulisses d’entreprises familiales luxembourgeoises. Chez Lalux, ce sont les descendants des 33 familles fondatrices qui possèdent l’actionnariat. Certains sont plus impliqués que d’autres. Et les prochains arrivent dans les conseils.

Du haut de l’immeuble vitré de Leudelange, depuis son bureau épuré avec vue sur les champs, veille au présent et au futur de Lalux Assurances. Président de cette branche centrale du groupe familial – la Compagnie financière La Luxembourgeoise, présidée par son cousin –, il revient sur 100 ans d’histoire.

«Nous avons été constitués en 1920, à l’issue de la Première Guerre mondiale, par 33 personnes et à l’initiative du gouvernement.» Parmi elles, son grand-père, Aloyse Hentgen, qui devient administrateur délégué de la compagnie d’assurances deux ans plus tard. Son fils Robert le rejoint et prend la présidence de la maison mère du groupe jusqu’en 2012. Puis Pit. «Je suis entré dans La luxembourgeoise en 1995 et je suis passé directeur général en 1998. Je suis devenu président de l’assurance en 2002. J’ai cumulé ces deux fonctions de 2002 à fin 2015.» Son poste opérationnel de directeur général s’arrête en raison de la loi de 2016 sur le statut et le contrôle des entreprises d’assurances et de réassurances, qui ne permet pas de cumuler les statuts.

Ce poste faisait de toute façon figure d’exception dans l’histoire de l’entreprise familiale, assure Pit Hentgen. Qui parle d’une «opportunité». Il raconte: «J’ai passé 10 ans à la Banque générale du Luxembourg (BGL) dans la gestion d’actifs», et ce après des études en économie appliquée. «J’avais une offre pour rejoindre une autre banque. Au même moment, le directeur général de Lalux avait annoncé qu’il partirait en retraite plus tôt que prévu.» À cette époque, Pit Hentgen ne s’était pas positionné clairement sur sa volonté d’entrer dans l’entreprise familiale. Son père lui pose donc la question. Il prendra deux semaines, pour finalement choisir Lalux.

Une conversation déterminante

«Ce n’est pas mon père qui m’a demandé de venir. C’est mon oncle, le père de François Pauly», alors administrateur dans la société. «Je me souviens d’un long entretien téléphonique qui a été déterminant. Je venais de rentrer à la maison, il faisait encore clair. Je me suis assis avec le téléphone dans la cuisine et quand on a fini, le soleil s’était couché. Il a été très convaincant. Il y avait des arguments, mais aussi des éléments plus émotionnels, comme ‘si ce n’est pas toi, alors qui est-ce que ce sera? Tu dois aider la famille…’ Je suis sensible à cela, ça a certainement joué», confie-t-il. Il ne regrette pas d’avoir décroché son téléphone ce jour-là. «J’ai eu une vie professionnelle intéressante, boostée par cette décision.»

Le dilemme de 2015, entre directeur et président, sera plus rapidement tranché. «Pour moi, il était clair que je devais continuer la présidence plutôt que de rester directeur général sous un président qui ne serait pas de la famille. Et cela fait du bien de changer la tête d’une entreprise. Nous avons la chance, avec Christian Strasser, d’avoir trouvé la bonne personne.» Depuis, Lalux a décidé de fixer une nouvelle règle, selon laquelle les membres de la famille ne doivent plus faire partie de la direction du groupe.

J’ai eu une vie professionnelle intéressante, boostée par cette décision.
Pit Hentgen

Pit Hentgenprésident Lalux Assurances

Sur base de laquelle se forme la prochaine génération d’administrateurs, mais pas de directeurs. Six jeunes ont récemment fait leur apparition dans les conseils d’administration des filiales, dont trois de la famille. Parmi eux, le fils de Pit Hentgen, âgé de 29 ans, passé par HEC Lausanne et l’Imperial College de Londres. Il s’intéresse particulièrement au changement climatique, «une dimension dont nous devons de plus en plus tenir compte». Et deux neveux de François Pauly – le fils de son frère et celui de sa sœur. «Nous voulons commencer à former les jeunes générations. Bon nombre de jeunes, entre 20 et 40 ans, ont fait d’excellentes études, nous avons plutôt le choix. C’est rassurant, car nous pourrons, dans quelques années, être sûrs d’avoir de très bons remplaçants.»

Une histoire de familles

Des 33 actionnaires de base, l’entreprise en compte désormais plus de 400. Tous ne s’impliquent pas autant. «Mon frère est psychiatre, ma sœur est juge», illustre Pit Hentgen. «Ils sont attachés à l’entreprise parce qu’elle a toujours fait partie de notre univers. Ils sont actionnaires. Mais ils n’ont jamais été intéressés par des fonctions.» Et au niveau de ces fonctions, «il n’y a pas de jalousie. Avec François, c’est moi qui ai fait la proposition pour qu’il devienne président et succède à mon père. Nous sommes complémentaires et nous nous entendons très bien, comme des frères.»

Pit Hentgen a aussi une fille. Elle travaille comme kinésithérapeute. Les enfants de François Pauly se sont quant à eux dirigés vers l’architecture et l’hôtellerie.

«Nous ne sommes pas une famille qui dirige, mais plusieurs douzaines. Le fait que nous nous connaissons depuis trois générations nous unit. Les assemblées sont harmonieuses.» Peut-être aussi parce que «les évolutions ont été favorables ces dernières années, il n’y a pas eu grand-chose à critiquer», admet-il. Une grande famille, qui emploie aujourd’hui 430 personnes et réalise un chiffre d’affaires de 572 millions d’euros.