Cédric Likin (CEO de Lombard Odier T&O Services), Stéphane Herrmann (CEO de Lombard Odier SA), Audrey Bentz (en charge des ressources humaines de la première), Jessica Rabut (en charge des ressources humaines de la deuxième), Nicolas Fourré (COO de Lombard Odier) et Henry Fischel-Bock (membre du CA). (Photo: Guy Wolff/Maison Moderne)

Cédric Likin (CEO de Lombard Odier T&O Services), Stéphane Herrmann (CEO de Lombard Odier SA), Audrey Bentz (en charge des ressources humaines de la première), Jessica Rabut (en charge des ressources humaines de la deuxième), Nicolas Fourré (COO de Lombard Odier) et Henry Fischel-Bock (membre du CA). (Photo: Guy Wolff/Maison Moderne)

Lombard Odier fait partie des 10 entreprises labellisées Actions positives par le ministère de l’Égalité entre les femmes et les hommes en 2021. Elle forme aussi bien ses managers à supprimer leurs biais inconscients que les femmes à comprendre les codes parfois masculins du leadership dans le secteur des banques.

27 actions positives: c’est ce à quoi Lombard Odier s’est engagée et ce qu’elle a réalisé. La banque suisse emploie 215 personnes au Luxembourg, où elle a participé au programme pour l’égalité entre les hommes et les femmes en entreprise. «Certaines actions sont de l’ordre du commun: vérifier une égalité de traitement en matière de rémunération, pousser le congé parental, y compris pour les hommes», illustrent les deux responsables des ressources humaines, Audrey Bentz et Jessica Rabut. Ici, l’écart de salaires, «qui ne s’explique pas sur base des compétences ou de CV», dans un sens comme dans l’autre, s’élève à 3,9%. Une dizaine de situations individuelles ont dû être régulées avant l’obtention du label, qui exige un écart inférieur à 5%.

Un accent sur la formation

Pour faire évoluer les mentalités, les deux responsables des ressources humaines ont surtout misé sur des formations. D’abord dédiées aux managers, sur trois points: «Comment éviter les biais de genre, inconscients; comment mener un entretien d’évaluation; et comment donner du feed-back», cite Audrey Bentz. «Sur le papier, ils sont d’accord sur la valeur qu’apportent les femmes et une équipe mixte. Mais il y a tellement de stéréotypes ancrés dans la banque privée, un secteur masculin», complète Jessica Rabut. Dans la recherche de nouveaux talents par exemple, «il faut sortir de ce biais où nous projetons des compétences masculines sur la personne faite pour le poste. Si on cherche quelqu’un qui coche les mêmes cases qu’avant, on trouvera moins de femmes parce qu’elles n’ont pas forcément eu le même parcours.» Un autre exemple: celui des questions à poser ou non. «Il y en a qui n’étaient pas choqués de demander ‘est-ce que vous avez un moyen de garde?’ à une femme, mais pas à un homme. Un autre nous a raconté être mal à l’aise en donnant du feed-back à une femme parce qu’il avait peur qu’elle pleure. Toutes les femmes ne pleurent pas lorsqu’elles reçoivent un retour, il faut s’adapter à la personnalité de son interlocuteur. Il s’agissait de les mettre face à ces réalités pour qu’ils en prennent conscience.»

Un autre volet de formation, nommé «Super banquière and co», s’adressait aux femmes. L’entreprise a sélectionné plus d’une vingtaine de talents qu’elle souhaitait promouvoir et leur a proposé des workshops sur «comment garder un leadership authentique», «comment diriger à distance» et «comment naviguer dans une gouvernance d’entreprise complexe et matricielle». Jessica Rabut détaille: «On ne change pas les règles de l’entreprise avant d’arriver à des strates qui nous le permettent. Il faut donc savoir jouer avec pour grandir dans la structure et toutes n’ont pas ces codes du leadership qui restent très masculins. Il y a des organes d’influence qui ne sont pas écrits sur un organigramme, il faut pouvoir détecter ces choses-là.» Les participantes, en plus d’acquérir des compétences, en ont profité pour développer leur réseau.

Des lacunes au conseil d’administration

L’entreprise a aussi profité du programme Actions positives pour «clarifier les processus de promotion, avec des critères clairs. Nous les avions au niveau RH, mais les avons diffusés pour que tout le monde connaisse les cases à cocher», précise Audrey Bentz.

Sur l’axe «équilibre entre vie privée et vie professionnelle» qui fait partie du label, plusieurs conférences sur le sommeil, la gestion du stress, ou encore la prévention du burn-out, avec l’intervention de managers de l’entreprise. «Cela les humanise. Quand on entend le patron dire qu’il ne prend plus de rendez-vous après 17h trois fois par semaine parce qu’il a besoin de voir sa famille, cela autorise les autres à en faire de même.» L’École des parents est également venue donner des cours sur la pause de midi pour parler de problématiques liées à la petite enfance et à l’adolescence. «L’idée est de dire ‘vous n’êtes pas que des employés’.»

La mise en place des actions aura coûté 60.000 euros sur deux ans à la banque au chiffre d’affaires non précisé, dont 15.000 euros pris en charge par le ministère.

Dans dix ans, ce ne sera pas un ‘nice to have’, mais une obligation.

Jessica Rabutdirectrice des ressources humainesLombard Odier SA

«Il ne faut pas s’arrêter à un label, c’est une impulsion», avertit Jessica Rabut. L’entreprise ne compte pas arrêter des séminaires comme celui des «super banquières». Elle pense aussi lancer des journées de congé supplémentaires pour aider une association ou encore un check-up de santé gratuit pour tous à partir de 45 ans. Le prochain objectif: plus de femmes à des postes de direction. Elles sont 25% chez Lombard Odier SA et 40% chez Lombard Odier T&O Services. Dans le premier cas, aucune ne fait partie du conseil d’administration, qui compte 11 hommes. Elles sont 25% dans le deuxième. La banque espère arriver rapidement à un tiers dans les deux cas, même s’il ne faut «pas chercher du chiffre pour le chiffre, puisque c’est ce qui va desservir la cause». Un sujet qui n’est pas seulement lié aux ressources humaines, souligne-t-elle. «Nous avons des CEO qui ont compris le sujet. Des clients demandent où nous en sommes sur le sujet du genre. Ils savent que dans dix ans, ce ne sera pas un ‘nice to have’, mais une obligation.»