Agir ou ne pas agir est un problème, disent les experts de la Fondation Idea. Mais il faudra aussi rendre le débat compréhensible par le plus grand nombre. (Photo: Shutterstock)

Agir ou ne pas agir est un problème, disent les experts de la Fondation Idea. Mais il faudra aussi rendre le débat compréhensible par le plus grand nombre. (Photo: Shutterstock)

Entre deux camps, celui des optimistes, pour qui réformer les pensions n’est pas une priorité, et celui des pessimistes, qui préfèrent agir quand tout va bien, la Fondation Idea suggère une troisième voie.

«Le changement, c’est maintenons!» Le chapitre que la Fondation Idea consacre au Luxembourg dans son rapport annuel joue avec le slogan de campagne de François Hollande, mais c’est juste pour le bon mot. La priorité que son panel d’experts fixe au gouvernement est une réforme des pensions.

Le successeur de , Muriel Bouchet, invite à ne pas traîner. Sans le dire. «Si on attend trop pour réformer, le problème va se poser tôt. Les hypothèses sont basées sur un taux de croissance de 5% par an, or on est revenu à 3%.» Entre 1995 et 2017, la croissance a été de 3,4% en moyenne annuelle, dit le rapport annuel rendu mercredi matin.

Pourquoi pas un fonds contracyclique?

Après avoir créé 15.000 emplois nets en 2017, l’économie luxembourgeoise en a créé 15.000 nouveaux l’an dernier, ce qui a permis de ramener le chômage à 5%. Mais les immigrés et les frontaliers en profitent majoritairement, ce qui gonflera à terme le montant des prestations de pension (et de chômage) à leur verser, un cycle infernal.

La Fondation elle-même ne suggère pas de réforme des pensions à court terme. «Alors que le Luxembourg sera confronté à une hausse significative des coûts liés au vieillissement (pension, santé) et que les changements internationaux en matière de fiscalité des entreprises pourraient à moyen terme compromettre son attractivité et avoir des effets négatifs sur ses recettes, l’alternative qui aurait consisté à épargner une partie de ces montants dans un fonds pour les mauvais jours mériterait d’être considérée», conclut le rapport.

Est nommément visée l’Irlande, qui a décidé dans son budget 2019 de créer un fonds contracyclique pour les mauvais jours, l’Exceptional Contingencies Reserve Fund, abondé à hauteur de 500 millions d’euros par an jusqu’à ce qu’il atteigne 8 milliards d’euros.

L’injustice sociale, autre manière de regarder le sujet

Repousser l’âge de la retraite, augmenter les cotisations, baisser les pensions ou favoriser les retraites privées étaient autant d’idées «sensibles» au moment d’entamer une double campagne électorale, les élections législatives de l’automne et les élections sociales de cette fin d’hiver. Mais les élections sont passées.

Au-delà des deux écoles qui s’affrontent traditionnellement, la Fondation Idea, disent de concert son nouveau directeur Muriel Bouchet et son senior economist Michel-Edouard Ruben, défend une troisième voie.

«Les deux écoles ont raison», s’amuse ce dernier, «ça dépend de l’échelle temporelle sur laquelle on se place. Mais on voit aussi que les positions sont défendues à coups de concepts incompréhensibles pour le grand public au-delà de la troisième ligne.»

 «La principale mesure», dit-elle, «consiste à conserver l’actuelle formule de calcul des pensions, en diminuant graduellement la partie des pensions qui est proportionnelle aux revenus cotisables cumulés et en accroissant en parallèle la partie forfaitaire (soit un montant fixe d’un peu moins de 500 euros par mois pour une carrière d’assurance complète).» Ce mouvement de balancier ne frapperait pas du tout une personne proche de la pension minimum (1.825 euros par mois actuellement, pour rappel), mais il en serait tout autrement pour les bénéficiaires de pensions élevées.

Pour les experts de la Fondation, cette réforme serait sociale, plus flexible, et assurerait l’avenir des retraites sur plusieurs générations.

Mercredi, lors de la conférence de presse sur le rapport annuel, Muriel Bouchet et Michel-Edouard Ruben ont aussi appelé à regarder leur autre étude, qui ne prend pas en compte les traditionnels chiffres sur le sujet, mais .

Leur étude montre un délai de récupération qui va de 68 mois (5 ans et 8 mois de retraite) à 83 mois (presque 7 ans) et un taux de rendement de 6,62 à 7,45%. Des chiffres qui témoignent d’une forme d’injustice sociale. Et qui nécessitent d’agir au-delà de l’approvisionnement de réserves financières.