Ni Franz Fayot, ni les députés de la commission spéciale sur l’affaire Caritas, n’ont été convaincus par les dirigeants de la Spuerkeess, venus témoigner ce lundi. (Photo: Romain Gamba/Archives)

Ni Franz Fayot, ni les députés de la commission spéciale sur l’affaire Caritas, n’ont été convaincus par les dirigeants de la Spuerkeess, venus témoigner ce lundi. (Photo: Romain Gamba/Archives)

Embarrassé, mais pas coupable. Voilà en substance l’impression laissée aux députés par la direction de la Spuerkeess mise devant ses responsabilités dans l’affaire Caritas et venus témoigner lundi.

Les députés qui attendaient, ce lundi 5 mai, des réponses précises sur le fait de savoir comment plusieurs dizaines de millions avaient pu être transférés sur des comptes à l’étranger sont restés sur leur faim.

Tant (LSAP) que (déi Gréng) ont perçu beaucoup d’embarras dans les explications qu’a bien voulu donner la BCEE sur la disparition des millions d’euros de la Caritas. À chaque question précise, les responsables de l’établissement financier, sa CEO en tête, ont botté en touche se réfugiant derrière le secret bancaire, la confidentialité des rapports avec les clients et les enquêtes en cours, qu’elles soient administratives ou judiciaires, racontent les députés. «Nous sommes restés dans l’hypothétique sans jamais donner des réponses circonstanciées»,  déplore la députée écologiste.

Les responsables de la BCEE ont détaillées leurs procédures internes de compliance et de gestion des risques avec un message clé: toutes les procédures mises en place étaient conformes aux bonnes pratiques et à la législation.

Caritas trop gros pour se méfier

Comment expliquer la disparition d’une dizaine de millions virés sur des comptes inconnus de l’établissement financier? Caritas avait pignon sur rue et bonne réputation. Et les responsables de la Spuerkeess d’expliquer que le statut d’acteur du secteur associatif est un statut qui donne «un certain niveau de confiance».

Au point d’accorder des lignes de crédit d’une telle importance? «Les demandes étaient justifiées par un décalage de trésorerie dû au changement de gouvernement ce qui a conduit au nom du système des douzièmes provisoire à geler les versements à la Caritas». Un argument que balayait il y a quelques semaines le ministre des Finances, (CSV), qui affirmait que tout ce qui était dû à l’ONG avait été versé.

Pour ce qui est des versements, nombreux et importants sur un court laps de temps et vers des comptes inconnus de la banque, ils étaient justifiés par la directrice financière par les suites des tremblements de terre qui avaient eu lieu en Turquie. «Dans le cas d’une fraude au président, il est rare que ce soit la CFO qui soit à la manœuvre», ont indiqué les banquiers, selon Djuna Bernard. Françoise Thoma est apparue ferme, droite dans ses bottes, tout en faisant preuve, vers la fin de la session, d’une certaine empathie.

Elle a dit que la situation la touchait, comme tous les membres de la banque, et s’est dite prête à aider la Caritas dans sa liquidation, notamment en se montrant souple dans le recouvrement des dettes qu’a laissées l’association dans les livres de la banque. Comment ? Elle est restée vague sur ce point, indique Franz Fayot. Sollicitée, la Spuerkeess n’a pas souhaité réagir. Mercredi, ce sera au tour de BGL BNP Paribas de se rendre devant la commission spéciale.

L'affaire Caritas Luxembourg est un scandale financier majeur révélé en juillet 2024, impliquant le détournement de plus de 60 millions d'euros au sein de la Fondation Caritas Luxembourg (FCL), une organisation humanitaire catholique œuvrant au Grand-Duché et à l'international. Entre février et juillet 2024, une employée haut placée de Caritas, résidant à la frontière belge, aurait transféré environ 28 millions d'euros des réserves de l'organisation vers des comptes en Espagne, puis contracté 33 millions d'euros de crédits bancaires au nom de la fondation.

8.200 transactions vers des centaines de comptes à l'étranger

Ces fonds ont été dispersés via plus de 8.200 transactions vers des centaines de comptes à l'étranger, selon le parquet. Une information judiciaire a été ouverte pour faux, escroquerie, abus de confiance, fraude informatique et blanchiment. En janvier 2025, huit personnes ont été arrêtées en France, au Royaume-Uni et en Bulgarie dans le cadre d'une opération coordonnée par Europol et Interpol. Le directeur général, Marc Crochet, a démissionné en janvier 2025, et d'autres cadres ont été licenciés.

La Fondation a dû cesser ses activités internationales, mettant fin à plusieurs projets humanitaires, et a transféré ses missions sociales nationales à une nouvelle structure, l'ASBL Hëllef um Terrain (HUT). Le gouvernement luxembourgeois a suspendu ses subventions à la Fondation, et Caritas reste confrontée à d'importantes dettes, estimées à plusieurs millions d'euros.