À l’approche de la Journée internationale pour l’élimination de la discrimination raciale du 21 mars, une étude conjointe du Luxembourg Institute of Socio-Economic Research (Liser), de l’Université du Luxembourg, de l’Université de Cambridge et de la Vienna University of Economics and Business met en lumière un phénomène de discrimination systémique dans le marché immobilier luxembourgeois.
Selon leurs résultats, publiés dans la revue «Regional Science and Urban Economics», les logements vendus par des propriétaires portant des noms à consonance africaine subissent une décote moyenne de 3 à 4%. Cette sous-évaluation se traduit par un manque à gagner d’environ 20.000 euros par transaction, avec des pertes pouvant atteindre jusqu’à 58.000 euros dans certains cas.
Pour arriver à ces conclusions, les chercheurs ont mené une étude expérimentale en ligne. 689 participants luxembourgeois ont été invités à estimer la valeur de biens immobiliers fictifs, avec une seule variable modifiée: le nom du vendeur. Celui-ci pouvait évoquer une origine française, luxembourgeoise, portugaise ou encore subsaharienne.
Les résultats sont sans appel. Si les noms européens ne suscitent aucune différence notable d’évaluation, ceux associés à une origine subsaharienne entraînent une baisse systématique des offres. Cette discrimination ne serait pas nécessairement consciente: les chercheurs parlent de discrimination statistique. En d’autres termes, les acheteurs pourraient inconsciemment associer certains noms à des biens de moindre qualité ou à des quartiers moins valorisés, influençant ainsi leur évaluation.
Une discrimination générationnelle
L’étude met aussi en évidence un clivage générationnel. Ce biais discriminatoire est nettement plus marqué chez les personnes plus âgées et moins diplômées, tandis qu’il tend à disparaître chez les jeunes et les individus ayant poursuivi des études supérieures. Un signal encourageant qui suggère une évolution progressive des mentalités.
Face à ce constat, une question demeure: comment limiter ces biais inconscients? Recourir à des agences immobilières pourrait être une solution pour masquer l’identité du vendeur. Toutefois, les frais d’agence (3% du prix de vente) sont souvent équivalents à la perte due à la discrimination, rendant cette stratégie peu avantageuse.
Alors que le Luxembourg se distingue par sa diversité et son ouverture, cette étude montre que des biais discriminatoires subsistent, même dans un pays perçu comme inclusif. En mettant en évidence ce phénomène, les chercheurs espèrent ouvrir la voie à une prise de conscience et à des mesures pour favoriser une plus grande équité dans le marché immobilier.
«Les propriétaires issus de minorités peuvent, sans le savoir, recevoir des offres plus basses, ce qui affecte leur capacité à accumuler du patrimoine au fil du temps», analyse la co-autrice de l’étude et chercheuse associée au département des conditions de vie, Dr Giorgia Menta. «Ce type de biais caché exacerbe les écarts de richesse entre les groupes raciaux et entraîne des conséquences économiques à long terme», conclut-elle.