Muriel Bouchet, directeur de la Fondation Idea. Patricia Pitsch - Maison Moderne Publishing SA

Muriel Bouchet, directeur de la Fondation Idea. Patricia Pitsch - Maison Moderne Publishing SA

Brexit, tensions entre les États-Unis et la Chine, zone euro: la Fondation Idea a publié mercredi matin son sixième rapport annuel, intitulé «Des tas d’urgences». Avec une nouveauté: un consensus, qui désigne la dette publique comme le plus gros problème à venir.

Il y a six ans, la Chambre de commerce, plutôt consensuelle par nature, créait la Fondation Idea pour secouer le cocotier des analyses économiques. Mercredi matin, pour son sixième rapport annuel, le think tank «poil à gratter» a innové en créant... un consensus.

Mais pas n’importe lequel. Un consensus au sens de ces analystes qui prédisent le futur d’une société ou des finances publiques d’un État. 51 des 100 personnalités sollicitées dans le monde de l’entreprise, des institutions de recherche, des partenaires sociaux ou des politiques ont accepté de répondre aux 14 questions.

Si le consensus est proche des avis du Statec, de la Commission européenne ou du Fonds monétaire international (FMI) sur la croissance (2,9% en 2019 et 2,7% en 2020) ou sur le taux de chômage (5 à 6% d’ici la fin de la mandature), une moitié de ceux qui ont répondu estiment que la dette publique sera de 20 à 25% du PIB en 2023 (contre 15,5% pour Bruxelles et 20% pour le FMI), et l’autre moitié considère même qu’elle sera supérieure à 25% du PIB.

«Ce serait inédit dans l’histoire des finances publiques luxembourgeoises, après le record de 2013 à 23,7%», indique la Fondation Idea.

Logement et retraites, deux points noirs

Le logement ressort comme le problème principal et la densification du bâti – par exemple la construction en hauteur – la meilleure solution pour tenter d’y remédier, devant davantage d’autonomie communale et la taxation lourde des terrains laissés inoccupés.

La priorité du gouvernement devrait être de réformer les pensions, disent ces 51 personnalités, devant la fiscalité immobilière et l’exonération fiscale totale des start-up de l’impôt sur les sociétés.

La réduction du temps de travail est la dernière des préoccupations du groupe, juste derrière la suppression de l’indexation automatique des salaires.

Enfin, si elles avaient 65 millions d’euros à dépenser, elles investiraient dans les infrastructures de transport (68,6%) ou achèteraient 140 appartements par an pour augmenter l’offre de logements sociaux. Seuls 5,9% les dépenseraient pour la gratuité des transports publics.

Oui à l’apaisement des tensions, non au populisme

Pour 57% d’entre elles, la bonne surprise de 2019 sera l’apaisement des tensions commerciales, tandis que 22% se réjouissent des conséquences d’un Brexit qui aura bien lieu selon elles. «Décisions d’implantation, brain gain, dynamisme des prix sur le marché du logement, image renforcée de ‘havre de stabilité’ du Grand-Duché en Europe en seraient autant de conséquences possibles», note la Fondation dans son rapport. Sans même nuancer par la nécessité de réussir à intégrer tous ceux qui viendraient au Luxembourg dans ce contexte, relève Michel-Edouard Ruben.

Elles sont le même pourcentage à voir dans la montée des populismes aux élections européennes la mauvaise nouvelle, loin devant le retour prononcé du risque souverain (13,7%) en Europe et le ralentissement économique américain ou l’aggravation des tensions commerciales (11,8%).

Logiquement, ces personnalités désignent le parachèvement de l’union bancaire et de l’union des capitaux comme la mesure la plus nécessaire, avec d’un côté la création d’un pot commun pour pallier les défaillances de banques et de l’autre l’harmonisation de l’assurance des dépôts pour les épargnants.

Une crise venue de Chine en 2021 ou 2022

La prochaine crise n’interviendra pas avant 2021 ou 2022, disent-elles (29,4%), à partir de la Chine (37,3%), et aura pour facteur déclenchant un différend commercial entre grandes puissances (38%). Un quart du panel garde un œil inquiet aussi sur un éventuel retournement du marché immobilier dans l’une des principales économies.

Qu’est-ce qui pourrait avoir le plus d’impact sur le Luxembourg? Une politique fiscale et réglementaire offensive au profit de la City, répond ce panel d’experts, devant la remontée des taux de la Banque centrale européenne et une envolée des prix du pétrole.