Trois ans et demi après que le CEO de Bionext Lab, Jean-Luc Dourson, a sollicité quatre figures du barreau pour défendre les intérêts de son laboratoire concernant le large scale testing (LST), le rapport spécial de la Cour des comptes, publié ce lundi, vient conforter sa position.
En septembre 2021, Mes Sébastien Engelen, Jean-Louis Dupont, Nicolas Thieltgen, Bernard de Cocquéau, avaient introduit une plainte en référé pour que le marché du large scale testing ne soit plus attribué aussi facilement aux Laboratoires réunis. . Le budget cumulé des trois phases du programme s’élève à 149 millions d’euros.
Dans son rapport spécial, la Cour des comptes ramène l’enveloppe à 134 millions d’euros mais le sujet reste le même.
Selon la Cour des comptes, les trois étapes du LST ont été surdimensionnées: 600.000 tests pour la première phase faite pour jusqu’à trois fois plus, 1,12 million pour la deuxième dimensionnée pour 1,43 million de tests et 740.000 pour 1,33 million de tests possibles. «À peine 41,64% des personnes invitées à se faire tester au cours du LST 1 ont répondu favorablement à l’invitation. Pour le LST 2 et LST3, le taux de participation se chiffrait à 29,30% respectivement 31,28%», indique l’institution.
Est-ce que cela a été utile? Difficile de répondre, dit la Cour des comptes. «Il n’existait pas de base de données permettant de déterminer le nombre de cas Covid-19 positifs détectés dans le cadre du LST en combinaison avec le contact tracing effectué. Pour évaluer le nombre de cas Covid-19 positifs détectés en combinaison avec le contact tracing, il y a lieu de recourir à un facteur de correction.»
Un don qui imposait une loi spéciale
Avec le don de 486.000 tests PCR pour 3,66 millions d’euros hors TVA, l’État dépassait la limite de 40 millions d’euros, seuil qui aurait alors nécessité une loi spéciale. Via trois amendements de la convention de départ, la contribution a été réduite à 34,50 millions d’euros mais selon le rapport financier final, la dépense s’est montée à 31,28 millions d’euros.
Quand le ministère de la Santé a repris les phases 2 et 3, les dépenses sont restées dans les enveloppes prévues à 55,15 millions et 47,62 millions d’euros mais, note la Cour des comptes, «les décomptes finaux soumis à la Cour ne tenaient pas compte de toutes les dépenses et recettes en relation avec les différentes phases du LST. Faisaient notamment défaut les coûts d’acquisition des tests PCR, des frais d’experts, les frais d’analyse des tests sérologiques réalisés par le Laboratoire national de Santé ainsi que certaines recettes.»
Enfin, sur le contrôle des dépenses et de suivi financier, la Cour semble admettre que la première phase a été réglée via un «gentlemen’s agreement» – son expression. Mais relève qu’ensuite, malgré une procédure mise en place par un consultant externe, la fiabilité des reportings était assurée… par les Laboratoires réunis eux-mêmes, sans que des contrôles supplémentaires, évoqués, ne soient mis en œuvre.
Indicateurs de performance impossible à vérifier
Quant aux indicateurs clés de performance, la communication des résultats en deux jours n’a pas toujours été respectée au cours de la première phase et le LIH a procédé «à un ajustement symbolique de la contribution financière pour non-respect des indicateurs clés de performance». Mais la Cour des comptes n’a pas pu vérifier leur respect pour les phases 2 ni 3, «la Direction de la santé n’a pas mis à disposition de la Cour tous les chiffres relatifs à l’évolution journalière des différents indicateurs clés de performance», dit le rapport.
Au cours de la deuxième phase, «le taux de transmission de 100% des résultats dans un délai de 36 heures n’a quasiment jamais été respecté. Suite à des négociations entre la Direction de la Santé et les LRL, les pénalités de retard ont été fortement réduites de 1,96 à 0,27 million d’euros».
Enfin, «pour la troisième phase du LST, les délais impartis pour la transmission des résultats des tests PCR ont été exprimés en fonction de la prévalence et du nombre de tests diagnostiques. La Cour a constaté que cet indicateur clé de performance était nettement moins contraignant pour le LST 3 que pour le LST 2, sauf en cas de faible prévalence. Bien que plusieurs indicateurs clés de performance n’aient pas été respectés au courant du LST 3, aucune pénalité n’a été appliquée.»
La loi sur les marchés publics contournée
Concernant la législation sur les marchés publics, l’État n’a pas été en mesure de présenter un rapport individuel justifiant le choix d’un prestataire.
Pour la phase suivante, «la Cour a constaté que, faute d’expertise, la Direction de la Santé a fait un amalgame entre critères de sélection et critères d’attribution des marchés publics. Par conséquent, la Direction de la Santé était contrainte de publier un appel d’offres rectifié prolongeant le délai de soumission.» Mais comme la seule offre soumise ne répondait pas aux conditions prescrites, la ministre de la Santé, Paulette Lenerts (LSAP), a annulé le marché pour négocier de gré à gré avec le soumissionnaire. «La différence fondamentale entre le cahier des charges et le protocole de négociation consiste dans le système de rémunération des LRL. En effet, initialement il était prévu de rémunérer les LRL en fonction du nombre de prélèvements et de tests PCR effectués. Or d’après le protocole de négociation, la rémunération des LRL reposait sur trois piliers à savoir, des frais fixes liés aux tests PCR et aux prélèvements sanguins, des frais semi-variables relatifs aux infrastructures ainsi que des frais variables par test PCR effectué.»
En 2021, alors que la Direction de la Santé aurait eu le temps de lancer une procédure européenne, elle s’est contentée d’avoir recours aux mêmes prestataires que pour la deuxième phase.
Au cours des trois phases, dit finalement la Cour des comptes, «divers avis d’attribution de marché public n’ont pas été publiés ou bien ont été publiés dans un délai dépassant les 30 jours prévus au règlement grand-ducal modifié du 8 avril 2018 portant exécution de la loi du 8 avril 2018 sur les marchés publics.»