L’IA transforme-t-elle réellement le secteur immobilier ou en est-on encore aux promesses? Quels sont les cas concrets que vous avez observés?
– «L’IA peut certainement faire évoluer le secteur immobilier, tout comme l’ont fait en leur temps les premiers outils numériques. Je l’utilise moi-même au quotidien, comme un assistant, au même titre que mon ordinateur. Mais l’IA ne remplace pas le cœur de notre métier. Ce sont toujours les architectes, ingénieurs, concepteurs – et j’ajouterais responsables – qui portent l’innovation, font les choix, assument les conséquences. L’IA ne fait que reproduire ce qu’on lui a appris. Il faut donc savoir l’utiliser, vérifier ses résultats, rester formé. Ce n’est pas une transformation en rupture, mais une évolution. Et c’est à nous d’en faire un usage éthique, conscient et maîtrisé.
Face à la crise du logement abordable en Europe, quelles solutions innovantes ont été mises en avant au Mipim et peuvent-elles être appliquées au Luxembourg?
«En tant qu’architecte, je suis convaincue que l’une des clés du logement abordable au Luxembourg est la transformation de l’existant. C’est là que se concentre une grande part du bilan carbone, et c’est là où les marges d’amélioration sont immenses. Il faut faciliter la revalorisation de bâtiments non classés, en assouplissant certaines normes techniques, sans jamais compromettre la sécurité. Nous soutenons des approches expérimentales, comme le «Gebäudetyp E» en Allemagne ou l’initiative européenne HouseEurope! (), qui militent pour une transition du «démolir-reconstruire» vers le «conserver-transformer». Cela suppose une autre façon de concevoir les projets, plus collaborative et plus en amont, avec des architectes et ingénieurs engagés. Moins de normes ne signifie pas moins de qualité – mais plus de souplesse, d’intelligence constructive et de durabilité. Des ressources complémentaires sont disponibles sur le site de l’OAI: .
Face à l’évolution des exigences ESG, comment les investisseurs et promoteurs doivent-ils adapter leurs stratégies pour rester compétitifs?
«Les critères ESG doivent être intégrés dès la phase de conception, et ce sont les architectes, ingénieurs et urbanistes qui posent les bases concrètes de cette démarche. L’empreinte carbone d’un bâtiment se joue très tôt : choix des matériaux, transformation de l’existant, compacité, durabilité dans le temps. Mais il ne faut pas oublier le S de Social: logements inclusifs, qualité d’usage, intégration dans le tissu urbain… tout cela fait aussi partie de notre mission. Nos professions conçoivent avec responsabilité et vision à long terme. Le livre “Design First, Build Smart” () illustre parfaitement cette approche portée par nos membres: des projets durables, innovants, réalisés ici comme à l’international. C’est cette ingénierie collective, engagée et ancrée dans la réalité, qui donne du sens aux ambitions ESG – au-delà des effets d’annonce ou des simples labels.»