Jean-Luc Dourson: «Après un mois d’existence, nous avions ainsi enregistré près de 1.900 rendez-vous, soit un quintuplement des prises de sang en mobilité.» (Photo: BioneXt Lab)

Jean-Luc Dourson: «Après un mois d’existence, nous avions ainsi enregistré près de 1.900 rendez-vous, soit un quintuplement des prises de sang en mobilité.» (Photo: BioneXt Lab)

Intelligence artificielle, réalité augmentée, interactions patient-médecin, prévision des risques, les technologies numériques bouleversent le secteur de la biologie médicale. Rencontre avec Jean-Luc Dourson, directeur du laboratoire Bionext Lab, un acteur au cœur de ces transformations.

Qu’apportent les technologies numériques à la biologie médicale et comment Bionext Lab s’est-il préparé à ces transformations?

. – «Les médecins comptent sur nos laboratoires pour mettre en exergue les résultats importants, pour eux et leurs patients, parmi une masse d’informations biologiques. Les données biologiques importantes ne sont pas les mêmes pour un patient, un médecin généraliste, un spécialiste ou un urgentiste à l’hôpital.

L’enjeu consiste à développer un système d’informations médicales capable d’identifier les causes les plus probables de l’état pathologique du patient. C’est sur ces bases que Bionext Lab a construit l’écosystème MyLab, composé d’un ensemble d’outils interactifs et interopérables grâce à des bibliothèques d’API (application programming interface).

MyLab est disponible en quatre langues (français, anglais, allemand et portugais) et s’adresse aux patients, aux médecins et aux infirmières, sous forme d’application web ou d’application mobile pour iOS ou Android.

Vous avez inauguré les prélèvements à domicile avec prise de rendez-vous sur mobile. Comment a été reçu ce nouveau service par les patients?

«Avec Picken Doheem, nous proposons d’effectuer le prélèvement à l’adresse du choix du patient, qu’il s’agisse de son domicile, de son lieu de travail ou de toute autre adresse. Ce n’est plus le patient qui se rend au laboratoire, mais la prise de sang qui vient à lui!

La prise de rendez-vous est adaptée à tous les modes de vie: via une application sur le smartphone, depuis un ordinateur ou simplement par téléphone.

Jean-Luc Doursondirecteur du laboratoire Bionext Lab

Une sorte d’ubérisation du service qui permet de couvrir tout le territoire, puisque l’offre s’adresse à toute la population, résidente et frontalière. La prise de rendez-vous est adaptée à tous les modes de vie: via une application sur le smartphone, depuis un ordinateur ou simplement par téléphone. On peut aussi prendre rendez-vous pour un proche, un enfant, un parent ou une personne à charge.

Officiellement lancé en novembre 2017, Picken Doheem connaît un franc succès. Après un mois d’existence, nous avions ainsi enregistré près de 1.900 rendez-vous, soit un quintuplement des prises de sang en mobilité. Le ‘patient-type’ qui utilise le prélèvement en mobilité et l’application est une personne active qui n’a pas le temps de se rendre en centre de prélèvements ou un parent qui préfère que son enfant se fasse prélever dans son environnement familier.

Quels services innovants proposez-vous à travers la plate-forme MyLab?

«Le cœur de notre plate-forme digitale service MyLab est un digital health space qui permet au médecin de délivrer ses prescriptions électroniquement grâce à un moteur de raisonnement capable de gérer les règles de nomenclature et les recommandations pour les bonnes pratiques.

MyLab assure également la gestion des résultats d’analyses de laboratoire (ceux de Bionext Lab, mais aussi ceux provenant d’autres laboratoires), la diffusion dynamique des résultats, la prise de rendez-vous pour une prise de sang ou une consultation médicale (via Doctena).

10.000 comptes patients ont été activés à ce jour. Le déploiement à large échelle devrait nous permettre à terme de supprimer totalement le papier pour les prescriptions médicales et pour la transmission des résultats.

Les médecins s’approprient-ils facilement les outils numériques déployés par les laboratoires de biologie médicale?

«MyLab est intégré à tous les logiciels de cabinets médicaux du marché, avec un niveau d’intégration variable selon la capacité de ces programmes à gérer les API. Mis à part ce point technique, l’accueil a été enthousiaste. Dès sa version de base, MyLab apporte en effet des outils qui déchargent le médecin de certaines tâches administratives (notamment la gestion des règles de nomenclature, au nombre de 600 actuellement).

La biologie moléculaire, et plus largement la génétique, peut être utilisée dans une approche préventive et prédictive pour une prise en charge du patient avant la survenue de pathologies.

Jean-Luc Doursondirecteur du laboratoire Bionext Lab

Le praticien se voit par ailleurs proposer des recommandations, afin de l’accompagner dans l’établissement de sa prescription en fonction du contexte clinique de ses patients. Il peut aussi accéder aux résultats d’analyses en temps réel et utiliser l’historique pour comparer les analyses entre elles. MyLab est compatible avec le Dossier de soins partagé, le DSP de l’Agence eSanté.

Quels domaines de la biologie médicale se prêtent le mieux à une déclinaison numérique?

«L’immunopathologie, de par sa complexité, s’adapte parfaitement à l’utilisation de l’intelligence artificielle pour accompagner le clinicien dans la rédaction de son ordonnance, en tenant des données cliniques du patient, mais aussi pour interpréter les résultats du laboratoire et proposer des suggestions de diagnostics ou d’examens complémentaires.

La biologie moléculaire, et plus largement la génétique, peut être utilisée dans une approche préventive et prédictive pour une prise en charge du patient avant la survenue de pathologies. Là encore, l’intelligence artificielle permet de croiser les données avec les autres informations médicales du patient et avec les recommandations internationales validées par les sociétés savantes.

Les résultats de l’hématologie et de l’imagerie, souvent utilisée dans ce domaine, peuvent être partagés avec des experts distants, afin d’obtenir des avis de spécialistes sans faire déplacer le patient ou l’échantillon.

Paperjam.lu

 (Photo: Bionext Lab)

Vous expérimentez les technologies de réalité virtuelle dans la gestion des patients développant une phobie des aiguilles. Quel est votre retour d’expérience?

«Pour les 5 à 10% de la population qui souffrent à des degrés divers de trypanophobie, appelée phobie des piqûres, une prise de sang relève du calvaire. Nous avons noué un partenariat avec Oncomfort, une start-up spécialisée dans la réalité virtuelle à usage clinique, afin qu’elle développe une application de gestion de l’anxiété et de la douleur combinant des approches thérapeutiques validées et la réalité virtuelle. Les premiers retours sont extrêmement positifs avec une diminution du niveau de détresse émotionnelle liée à l’acte de prélèvement estimée à 82%.

De quelle manière les technologies numériques peuvent-elles encore contribuer à améliorer les services de biologie médicale?

«L’intelligence artificielle ouvre de belles perspectives. Nous venons ainsi d’ajouter un moteur de raisonnement médical à notre plate-forme. Il est capable de fournir des recommandations et des comptes rendus augmentés pour le patient et le médecin.

Le clinicien profite aussi d’un moteur de diagnostic différentiel. Appuyé sur nombre d’informations initiales (âge, sexe, origine ethnique, régime alimentaire, fumeur, consommation d’alcool, état de grossesse, etc.), des éléments de contexte clinique et des résultats d’analyses de laboratoire, cet outil dresse une liste de diagnostics probables avec leur degré de confiance et une liste des tests complémentaires à réaliser pour affiner le diagnostic.

Nous travaillons par ailleurs sur une appli mobile interactive, B-Next Care, qui offrira au patient un suivi quotidien de sa santé dans un objectif de bien-être et de prévention et de gestion anticipée des risques.»