En plus de vendre une sélection de vêtements vintage, y compris des vestes kimono, similaires à ce qui était auparavant disponible chez Botari, la boutique stockera d’autres objets de design, comme de la papeterie, de la céramique, et plus encore provenant de grandes villes telles que Tokyo et Helsinki.
Minhye Jung explique avoir choisi «Kyō» comme nom en raison de sa prononciation en japonais, le mot pouvant autant signifier «villes» qu’«aujourd’hui»: exactement les deux axes sur lesquels elle souhaite orienter son concept store.
«Les grandes villes m’ont toujours fascinée quand j’étais plus jeune», déclare celle qui a grandi à Séoul, en Corée, du Sud. «Lorsque l’on vient à Séoul, on peut y ressentir tant d’énergie et tellement de choses en l’espace d’une seule journée.» Elle compare également les grandes villes à des musées, ajoutant que «les souvenirs nostalgiques venant du passé et les visions du futur y cohabitent».
Une collectionneuse d’objets
En grandissant, Minhye Jung n’a pas eu accès aux médias japonais avant les années 90, lorsque la Corée assouplit ses règles de censure. Mais elle trouvait toujours un moyen de chercher ce qui lui plaisait et déménage plus tard à Tokyo pour étudier la langue japonaise et sa littérature, en partie pour son admiration pour le travail d’Haruki Murakami (un écrivain contemporain). C’est à cette période que son amour pour les vêtements vintage se développe.
Elle collectionnait déjà des objets vintage à Séoul (et l’essayage des vêtements de sa mère fut d’ailleurs son point de départ), mais c’est bien au Japon qu’elle commence réellement à apprécier le sens du détail et le savoir-faire relatif à la confection des kimonos.
C’est lors d’un voyage dans les îles Izu, «qui étaient autrefois très célèbres pour leurs onsens [sources chaudes]» que lui vient une nouvelle idée. «J’ai trouvé un magasin où de vieilles dames de la génération de ma grand-mère vendaient des kimonos vintage, et [il y avait] de belles vestes kimono dans la boutique. J’ai alors pensé que ce serait peut-être une bonne idée de les porter au quotidien parce que leur tissu était en soie délicate, où l’on peut apprécier les tissages, comme [de] véritables œuvres d’art.»
Les kimonos peuvent d’ailleurs se vendre des dizaines de milliers d’euros, explique-t-elle, et les familles commencent souvent à épargner dès la naissance d’un enfant afin de pouvoir acheter le kimono qu’il portera pour sa remise de diplôme ou encore d’autres cérémonies.
Minhye Jung vendait déjà ses trouvailles lorsqu’elle vivait au Japon, et son travail de photographe de mode à Paris ne fit que renforcer cette fascination pour les vêtements et le design. Celle qui a déménagé au Luxembourg il y a trois ans déclare qu’avant d’y ouvrir sa première boutique, elle «pensait que les gens d’ici étaient un peu conservateurs d’un point de vue vestimentaire», mais qu’«il y a eu beaucoup de gens qui ont vraiment apprécié» ses kimonos, «et même des collectionneurs qui ont acheté plus de trois pièces». Elle fut alors «heureuse de présenter quelque chose de nouveau.»
Il y a aussi des éléments scandinaves dans son magasin – peut-être pas vraiment une surprise pour certains, puisqu’elle a écrit un livre intitulé «Come By My Scandinavian Salon» («놀러와 요 북유럽 살롱» en coréen), publié par JoongAng Books en 2014.
Elle affirme qu’un label «made in Japan» peut être synonyme de qualité et que ses clients ont jusqu’à présent remarqué la même chose. À terme, elle espère qu’à côté des créations de Tokyo, Séoul et Helsinki, des objets luxembourgeois seront également proposés dans son magasin.
«De la joie dans les petites choses»
Avant le Covid-19, Minhye Jung raconte qu’elle se rendait en Extrême-Orient deux à quatre fois par an, du Japon en passant par la Corée du Sud, et qu’elle «revenait avec trois à quatre très grosses valises».
Évidemment, la pandémie a eu un impact sur ses voyages, mais pas seulement. «Mes parents étaient vraiment inquiets de la situation ici et m’ont demandé à plusieurs reprises si j’étais certaine de vouloir ouvrir pendant cette période, ne sachant pas comment cela aller se passer au Luxembourg, même si la situation est bien maîtrisée depuis le début.»
Mais la crise sanitaire semble au contraire l’avoir en quelque sorte nourrie. «C’est maintenant que je veux vraiment apporter des choses plus joyeuses dans notre vie», dit-elle. «Nous avons tous traversé ce lockdown et [je veux] apporter de la joie avec les petites choses… qui peuvent peut-être, je l’espère, égayer notre vie quotidienne.»
À l’intérieur de la boutique, Minhye Jung souhaite que les clients apprécient l’instant présent et aspire à «créer un décor qui serve de ‘jardin de contemplation’ à ses clients.» Et, bien qu’elle ne puisse actuellement pas vendre de boissons, elle anticipe déjà l’aménagement d’un espace où elle pourrait proposer du café torréfié. «Il faut vraiment prendre son temps pour faire ce genre de café, il nécessite le bon matériel, la bonne technique et les bons grains de café. Vous devez verser l’eau lentement et profiter du moment où finalement vous pouvez le boire.»
Elle est d’ailleurs la première à admettre que le Covid a également conduit à une certaine introspection, mais elle pense que créer des moments de joie dans sa boutique permettra à d’autres de pouvoir s’évader. «Avec la situation de crise actuelle, l’environnement dans lequel nous évoluons devient de plus en plus important: ce que nous buvons, mangeons, portons, tous nos choix nous donnent plus de responsabilités et je pense que nous devenons plus conscients.»
Kyō est située à côté de la boutique Modu, au 5, côte d’Eich, L-1450 Luxembourg. Rendez-vous sur pour plus d’informations.