Géraldine Hassler, head of people and culture chez KPMG, se montre critique vis-à-vis de l’attractivité du Luxembourg auprès des candidats étrangers. (Photo: Romain Gamba/Maison Moderne)

Géraldine Hassler, head of people and culture chez KPMG, se montre critique vis-à-vis de l’attractivité du Luxembourg auprès des candidats étrangers. (Photo: Romain Gamba/Maison Moderne)

C’est la rentrée pour les new joiners dans les cabinets de conseil. En septembre et jusque mi-octobre, KPMG a accueilli en tout 300 personnes, dont la moitié seulement proviennent du Luxembourg et des pays frontaliers. Géraldine Hassler, head of people and culture chez KPMG, explique pourquoi.

Les fiscalistes sont arrivés les premiers en septembre au sein de KPMG. Le gros des troupes a été accueilli le lundi 3 octobre, et une centaine de personnes sont attendues en janvier, pour le département Audit. Au programme: dès la première semaine, tous bénéficient d’un tunnel de formation avec une partie à suivre en présentiel, et une partie en modules digitaux autonomes. Ensuite, ils partent une semaine en voyage à l’étranger. Cette année, ce sera à Spa, en Belgique.

«L’idée, comme dans une promo, c’est qu’ils apprennent à se connaître. Il y a des formations, des cas d’études et des jeux de rôles, mais aussi des moments festifs», commente Géraldine Hassler, head of people and culture chez KPMG Luxembourg. Cela contribue à fidéliser ces nouvelles recrues, étant donné que le taux de rotation des salariés a la réputation d’être élevé chez les Big Four. KPMG ne souhaite pas en communiquer les chiffres annuels. «Parce que les gens seraient tentés de comparer des pommes avec des poires. La rotation en entreprise, c’est naturel et sain. Mais elle doit être raisonnable. C’est aujourd’hui l’une de nos préoccupations, notamment à travers la rétention sélective.» En toute logique, l’entreprise préfère chercher à retenir les meilleurs collaborateurs, qu’elle qualifie de «meilleurs contributeurs» plutôt que ceux qui n’adhèrent pas à cet état d’esprit «promo».


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Sans oublier que les talents des Big Four sont un vivier de choix pour les chasseurs de têtes qui ont l’habitude d’y faire leur marché. Cela donne alors au collaborateur le choix de quitter l’entreprise à l’issue de sa formation. En réponse à cela, et de manière proactive, KPMG a choisi de valoriser en interne le retour des collaborateurs tentés, puis déçus, d’aller voir ailleurs. Dans l’entreprise, on les appelle «les boomerangs». «Lorsqu’ils partent, soit ils retournent dans leur pays d’origine, soit ils vont chez nos clients, et on peut continuer à faire du business ensemble. Peu vont chez d’autres Big Four.»

Un tiers des «new joiners» ne viennent pas de l’UE

Mais avant de les garder, il faut les attirer. Au Luxembourg, le recrutement est le sujet brûlant du moment, quel que soit le secteur d’activité. Malgré leur réputation de proposer une entrée dans la vie active intégrative, les Big Four ont moins de facilités qu’avant à recruter de nouveaux talents, allant même jusqu’à devoir les chercher à l’autre bout du monde, ou à utiliser l’intelligence artificielle pour sourcer les candidatures.

«Le marché local est sous pression, on a un taux de chômage très bas et un manque de main-d’œuvre dans tous les secteurs d’activité, y compris chez nos clients. Le Luxembourg est en perte d’attractivité et de compétitivité avec d’autres pays. On en a parlé avec l’UEL et entre DRH. Il y a un marché restreint en termes de talents, notamment sur des profils digitaux et fintech. La formation dans ces domaines n’est pas suffisante. Le Luxembourg n’est pas non plus forcément sur le radar des étudiants.»

Cette année, sur les 300 nouvelles recrues de KPMG (, ndlr), 42 nationalités sont représentées. Un tiers des nouveaux talents proviennent d’un pays hors UE, et seulement la moitié des nouveaux arrivants proviennent du Luxembourg et des trois pays frontaliers, alors qu’ils formaient la majeure partie des effectifs de «new joiners» il y a encore deux ou trois ans. «Nous devons aller chercher les talents au-delà de l’UE, et différemment. C’est la première année que nous avons dû sourcer des jeunes diplômés. Nous sommes en compétition avec le monde entier.»

Le Luxembourg est en perte d’attractivité et de compétitivité avec d’autres pays […] Il n’est pas non plus forcément sur le radar des étudiants.
 Géraldine Hassler

 Géraldine Hasslerhead of people and cultureKPMG

La compétitivité du droit fiscal et social du travail en question

L’attractivité du Luxembourg et sa compétitivité expliquent une partie du phénomène. Depuis la pandémie, la concurrence entre les pays s’est aussi renforcée, selon les législations en vigueur en matière de télétravail. «L’attractivité du Luxembourg sur la flexibilité et le télétravail est limitée pour les candidats étrangers non résidents en raison des conditions fiscales et sociales moins flexibles qu’ailleurs, comme au Royaume-Uni.»

Un autre facteur est l’obtention d’un permis de travail, moins aisé à obtenir au Luxembourg (2-3 mois), qu’en Allemagne par exemple. «On se fait prendre les talents germanophones, déjà rares, par l’Allemagne à cause de cette procédure contraignante», commente la DRH. L’optimisation fiscale des packages est aussi moins aisée qu’avant, notamment pour les candidats expérimentés. Enfin, la Belgique a mis en place une indemnité défiscalisée pour compenser les coûts du télétravail qui n’existe pas au Luxembourg, ce qui crée également de la concurrence.

Un pack salarial modifié

Au salaire s’ajoutent désormais la politique de télétravail et la flexibilité horaire dans les nouveaux critères d’attractivité recherchés par les candidats. Avec une particularité liée au Luxembourg qui concerne la difficulté à se loger sur place. «Aujourd’hui, l’attractivité du Luxembourg est étroitement liée à des facteurs-clés comme l’accès à un logement à prix accessible et le coût de la vie. Ces éléments peuvent parfois être un frein pour certains candidats, tant au niveau junior qu’expérimentés». Face à ce constat, les ressources humaines de KPMG ont adapté leur politique salariale pour les «new joiners». «Nous voulons éviter d’être dans la surenchère des salaires, mais proposer une expérience. Nous avons choisi de replacer la partie variable de leur rémunération dans la partie fixe, ce qui leur permet de débuter leur carrière dans des conditions plus sereines financièrement et d’avoir un accès plus large à des logements abordables», commente Géraldine Hassler, sans toutefois accepter de dévoiler le salaire moyen d’embauche. En contrepartie, pas de bonus pour les juniors.

Les «new joiners» ont une période d’essai de six mois. À l’issue, une enquête de satisfaction est réalisée par KPMG pour connaître leur état d’esprit. Lorsqu’ils passent à l’échelon supérieur (de junior à senior, puis manager et directeur avant d’atteindre le graal d’associé), généralement au bout d’une année, ils ont à nouveau droit à une formation plus axée sur le leadership que la technique et à un séminaire à l’étranger. «Il y aura environ 600 seniors promus cette année à l’issue des évaluations, qui partiront quatre jours au Club Med à Marbella en octobre. Les managers iront à Opio, près de Nice, et les nouveaux associés du groupe, à Orlando.»