Khalif Tahir Thompson devant une de ses oeuvres présentées à la Zidoun-Bossuyt Gallery. (Photo: Romain Gamba/Maison Moderne)

Khalif Tahir Thompson devant une de ses oeuvres présentées à la Zidoun-Bossuyt Gallery. (Photo: Romain Gamba/Maison Moderne)

L’artiste afro-américain Khalif Tahir Thompson expose pour la première fois en Europe et c’est à la galerie Zidoun-Bossuyt à Luxembourg que cela se passe. Un artiste qu’il faut aller découvrir.

Originaire de Brooklyn à New York, Khalif Tahir Thompson est encore ce que l’on appelle un artiste émergent. Âgé de seulement de 28 ans, il termine actuellement son Master à la Yale University.

«J’ai commencé à peindre à l’âge de 16 ans, mais j’ai toujours été impliqué dans des programmes d’éducation artistique», se souvient Khalif Tahir Thompson. Dès le début de ses études spécialisées en art, il est repéré par des collectionneurs et des galeristes. S’ensuit une exposition monographique dans la galerie Zidoun-Bossuyt à Dubaï, et son premier solo show en Europe dans la galerie à Luxembourg. «C’est un peu un effet boule de neige», se réjouit l’artiste qui garde les pieds sur terre. «J’ai eu beaucoup de chance et pour le moment, j’ai su rebondir sur des opportunités et des occasions qui m’ont été offertes, mais il faut encore que je me constitue un corpus d’œuvres plus important.»

Une œuvre déjà mûre

Pour autant, sa peinture est déjà étonnamment mûre et aboutie pour un jeune homme de son âge et de son expérience. D’assez grand format, sa peinture est narrative. Les sujets sont principalement des portraits de membres de sa famille, mis en scène dans des intérieurs domestiques, familiers. «J’ai toujours été attiré par le portrait en peinture, la figuration et plus particulièrement les portraits de personnes noires», précise Khalif Tahir Thompson. «Le point de départ de ces toiles sont des photos issues d’albums ayant appartenu à ma grand-mère. Il s’agit de photos de famille, qui pour la plupart datent de la fin des années 1980.» Les personnes représentées sont donc les oncles, cousins, parents, frères et sœurs de l’artiste.

Mais au-delà d’un simple portrait dans un intérieur, une relation émotionnelle se tisse entre le spectateur et le portraituré. Il est aussi question d’héritage, de transmission. «J’ai un intérêt pour les images qui créent des liens et rendent hommage de manière honorifique. Il est aussi question de créer des empathies, des connexions psychologiques», explique l’artiste. Les peintures de Lucian Freud et Alice Neel ne sont pas loin dans le spectre d’influence de Khalif Tahir Thompson.

Des compositions qui intègrent le collage

En plus des éléments peints, on remarque également certains éléments hétérogènes, comme des morceaux de papiers découpés ou des éléments en cuir. «J’ai une âme de collectionneur et j’ai tout un tas de matériaux dans mon atelier», confie le jeune homme. En plus de cela, il fabrique lui-même ses papiers, réalisés à partir de différentes matières premières. «Ces collages apportent une autre énergie et une autre expérience au tableau. Ils portent en eux une certaine chaleur et leur propre histoire. Ils renforcent la dimension tactile de l’image. La matière et la forme se renforcent l’une l’autre, créent un nouveau sentiment qui est lié à la fois à l’image et à la matière.»

Khalif Tahir Thompson introduit aussi des lettres et des chiffres dans ses compositions. Ces derniers éléments n’ont pas de signification particulière. Ils sont là pour ouvrir une autre dimension et l’imaginaire. Tout en restant énigmatiques, ces éléments typographiques accrochent le regard et créent une récurrence d’une toile à l’autre. «Cette introduction graphique permet de créer un dialogue interne à l’œuvre, explique le peintre. Ce sont des outils que j’utilise pour attirer et maintenir le regard du spectateur qui essaie de le décoder, de trouver un sens. C’est un outil formel qui entre en dialogue avec les autres éléments de la peinture.»

Enfin, il convient de souligner la singularité de l’accrochage au sein de la galerie Zidoun-Bossuyt. Les œuvres sont certes accrochées au mur, mais dans une mise en scène comptant tapis, canapés et tables basses, le tout reprenant cette atmosphère domestique un brin surannée que l’on trouve dans les toiles de Thompson. Une illusion qui se prolonge donc jusque dans l’espace du spectateur qui est ainsi invité à entrer physiquement dans ces toiles et à ajouter sa propre histoire dans ces œuvres.

Khalif Tahir Thompson: Who Knows Where The Time Goes, jusqu’au 11 novembre, , 6 rue Saint-Ulric à Luxembourg.