Aujourd’hui, l’utilisation d’un outil en ligne oblige les utilisateurs à donner accès à leurs données les plus sensibles. Faisant le triste constat qu’ils se retrouvent dépossédés de leurs données, Keexle, une start-up incubée au Hub@Luxembourg, un incubateur situé à la House of Startups et lancé par la Chambre de Commerce, a développé une plate-forme collaborative chiffrée assurant un haut niveau de confidentialité.

Keexle est une solution de chiffrement de bout en bout fondée au Luxembourg en 2016 par la start-up ICT OnePrivacy, dont la spécialité est la sécurité et la confidentialité sur Internet.

La grande majorité des solutions logicielles que nous connaissons et utilisons chaque jour impose l’accès aux données des utilisateurs. Cette pratique devenue une norme supprime tout contrôle sur les données, les rendant vulnérables, potentiellement violables ou pire, tombant dans le domaine public. Keexle est une réponse innovante au paradoxe entre la volonté d’utiliser des outils en ligne toujours plus nombreux et aux multiples fonctionnalités, et la protection des droits des entreprises et des individus à la vie privée.

Comment est née l’idée de Keexle? À quelles problématiques votre start-up répond-elle?

«Keexle est une plate-forme collaborative où les utilisateurs peuvent échanger des fichiers, faire de la visioconférence, gérer des projets en équipe, chatter, faire des commentaires. C’est une combinaison d’un Skype, d’un Slack et d’un Dropbox par exemple. Mais la différence fondamentale réside dans le fait que toutes les données et fichiers échangés sont chiffrés grâce à la cryptographie. De plus, seules les parties prenantes d’une conversation ou d’un échange collaboratif ont accès aux clés de chiffrement. Même nous qui sommes éditeur du logiciel, nous hébergeons uniquement les données chiffrées. Nous n’avons donc pas la possibilité de déchiffrer le contenu des conversations», dixit Didier Hoareau, CEO de Keexle.

Notre plus gros challenge reste de convaincre un public non averti que les données qu’ils échangent sur Skype peuvent être écoutées ou analysées en temps réel par des algorithmes de traduction, etc.
Didier Hoareau

Didier HoareauCEOKeexle

Keexle se place ainsi directement comme une alternative aux solutions très connues de types Google Drive, Microsoft Azure, etc. La plate-forme s’adresse particulièrement aux cabinets d’avocats et bureaux d’études spécialisés en propriété intellectuelle. Ces structures ne souhaitent pas utiliser les outils comme Slack mais perdent en compétitivité en privilégiant les rencontres en face à face. Keexle est alors une réponse adéquate à leurs besoins.

«Notre plus gros challenge reste de convaincre un public non averti que les données qu’ils échangent sur Skype peuvent être écoutées ou analysées en temps réel par des algorithmes de traduction, etc. Il s’agit pour nous de sensibiliser les utilisateurs au fait que ce qu’ils échangent est analysé, potentiellement revendu ou, dans le pire des cas, rendu public en cas de faille des serveurs», souligne Didier Hoareau.

«C’est un peu comme si vous vous rendiez tous les jours à votre boîte aux lettres en constatant que tous les courriers sont déjà ouverts. Cela vous ferait quelque chose, et vous ne vivriez certainement plus normalement. C’est exactement ce qui se passe au niveau digital avec ses outils gratuits.»

Quelle est l’ambition de Keexle dans les années à venir?

«L’ambition de Keexle n’est pas de se cantonner à une compilation hautement sécurisée de logiciels comme Skype et Dropbox par exemple. Nous voulons bâtir un écosystème où tous les services que l’on trouve sur Internet (Doodle, agenda partagé, édition de formulaires ou de sondages, etc.) pourraient trouver leur alternative totalement confidentielle. Pour cela, nous sommes en train d’ouvrir la plate-forme aux développeurs pour leur permettre de s’asseoir sur la réputation de Keexle et proposer à leurs clients des services que nous n’aurions pas imaginés.»

Nous avons pour vocation de promouvoir le chiffrement sans backdoor (porte dérobée), c’est-à-dire sans faille volontaire laissée dans le logiciel pour permettre à des autorités d’accéder à des données qui n’étaient pas prévues au départ.
Didier Hoareau

Didier HoareauCEOKeexle

Didier Hoareau d’ajouter: «Nous avons pour vocation de promouvoir le chiffrement sans backdoor (porte dérobée), c’est-à-dire sans faille volontaire laissée dans le logiciel pour permettre à des autorités d’accéder à des données qui n’étaient pas prévues au départ. Pour travailler sur ce sujet, nous sommes membre d’une alliance qui se nomme Encryption Europe et qui regroupe huit entités luxembourgeoises, françaises et suisses. Et pour cela, le Luxembourg est une vraie valeur ajoutée car son cadre légal nous permet de garantir l’absence de backdoor.»

Quel a été l’apport du Hub@Luxembourg dans le développement de votre start-up?

«Dès lors que notre produit a été finalisé en termes de R&D et qu’il fut prêt à passer à l’étape de la commercialisation, nous avons commencé à approcher les différentes structures liées à l’écosystème des start-up au Luxembourg, notamment Luxinnovation pour lequel nous avons figuré parmi les 10 Lauréats en avril 2019.»

«Du fait que notre solution avait prouvé sa maturité, nous avons été très vite séduits par ce que propose le Village by CA de manière générale et le Hub@Luxembourg. Ils permettent en effet aux start-up de mettre en relation les solutions innovantes avec un portefeuille de clients, de partenaires et d’associés du Crédit Agricole. Depuis que nous avons rejoint le Hub@Luxembourg en septembre 2019, nous avons eu l’opportunité d’obtenir de nombreux rendez-vous avec des partenaires et clients potentiels. La force du Hub est d’être lié au Village by CA, ce qui nous permet de participer à divers événements qui dépassent le cadre luxembourgeois.»