People and Organisational Performance
Dans la quête de performance, quelles attributions pour une DRH au côté du CEO? La fonction consiste-t-elle à exécuter une feuille de route, ou à orienter la stratégie d’entreprise?
Karine Rollot. – «Partenaire privilégié du CEO, le DRH se positionne comme un conseiller stratégique allant au-delà de la feuille de route pour aligner les objectifs RH à ceux de la stratégie globale et influencer la stratégie de l’organisation dans un environnement en constante évolution.
Comment combiner la quête de performance avec des aspirations toujours plus élevées en matière de work-life balance?
«Dans la politique RH, le DRH veille à promouvoir à la fois un environnement de bienveillance, où les modes de travail sont revus régulièrement, en particulier les horaires, la flexibilisation des temps de travail, les aménagements de poste, et un environnement orienté vers l’excellence où chaque partie prenante est mobilisée pour atteindre un but commun.
Talent Acquisition
Le marché de l’emploi est dominé par la «guerre des talents». De quelle manière concrète cela se traduit-il dans vos propres processus de recrutement? À quelles difficultés êtes-vous confrontée?
«Depuis la crise sanitaire, la ‘guerre des talents’ s’est accrue spécifiquement dans le secteur de la santé. Il s’agit d’une problématique à l’échelle mondiale. Les candidats viennent de plus en plus loin et les démarches administratives liées augmentent la durée du délai de recrutement. Et les profils rares sont conscients d’occuper une ‘position de force’ sur ce marché de plus en plus tendu.
Quelles sont les «armes» déployées dans votre entreprise afin de mener à bien cette bataille? Et de quelles «armes» supplémentaires aimeriez-vous disposer, si vous aviez le pouvoir de faire évoluer les règlements et les lois?
«Un grand nombre de démarches et initiatives ont été déployées pour faire face à cette pénurie de talents, notamment le renforcement de la marque employeur, la promotion des métiers de la santé, la valorisation de l’expérience candidat ainsi que la digitalisation des processus de recrutement. Une plus grande souplesse légale permettrait d’attirer davantage de profils dits ‘pénuriques’.
Employer Branding
Appliquée à votre organisation, quelle est votre définition de la «marque employeur»?
«La ‘marque employeur’ est l’ADN de l’organisation. Les candidats et les salariés s’identifient à ses valeurs, sa vision, ses missions et sa culture. Elle permet d’attirer les candidats, de les engager et de les fidéliser.
À la lumière de cette définition, de quel poids pèsent les RH dans la valorisation de cette «marque employeur»?
«Les RH ont un rôle crucial pour valoriser et véhiculer la ‘marque employeur’ au sein de l’organisation. Elles veillent à assurer via des campagnes de communication interne et externe une cohérence et une transparence de cette marque tout au long du cycle de vie des salariés.
Re and Upskilling
En matière d’upskilling, quels sont les besoins prioritaires que vous avez identifiés au sein de votre organisation?
«Dans le secteur de la santé, il est essentiel d’offrir à nos patients une offre de soins basée sur l’excellence. Cette dernière se traduit par des compétences humaines (écoute active, empathie…) et des compétences technologiques innovantes (digitalisation, data management et intelligence artificielle). La gestion du changement et l’agilité sont et restent des compétences majeures en leadership.
Et quels sont les outils et dispositifs mis en place au sein de vos services pour accompagner la formation continue des collaborateurs?
«De nombreux dispositifs de formation sont mis en place pour accompagner nos collaborateurs dans leur parcours: formations en e-learning, en présentiel, valorisation des acquis, mentoring, supervision, teambuilding…
Talent Retention
La «guerre des talents» se joue-t-elle aussi dans la rétention de ces derniers? Et si oui, quelle est votre conclusion? Qu’aujourd’hui il est aussi complexe d’attirer des talents que de les retenir, ensuite?
«Dans le secteur de la santé, il est certes plus difficile d’attirer les candidats que de les retenir, les conditions de la convention collective étant relativement avantageuses. Toutefois, des efforts constants portent sur le développement des compétences et la reconnaissance des collaborateurs.
Quelles ont été les principales évolutions, ou quelles sont celles en cours, dans le «parcours employé» de votre entreprise?
«Le cycle de vie du collaborateur est en pleine révision: du recrutement aux entretiens de développement, en passant par l’onboarding ou les entretiens de sortie. L’accent est mis sur le développement et le bien-être des collaborateurs.
New Way of Working
Flexibilité, télétravail… Depuis la crise sanitaire, les aspirations à de nouvelles manières de travailler sont plus prononcées que jamais. Comment répondre à ce changement de paradigme sans entraver les performances de l’entreprise?
«Le secteur de la santé a été confronté de plein fouet lors de la crise sanitaire à ces nouvelles formes d’organisation du travail. S’il est primordial de bien définir la responsabilisation et la communication en cas de travail à distance, il est important de souligner que la proportion de télétravail dans le secteur hospitalier reste aujourd’hui mineure.
La révision des horaires, les aménagements de poste, la flexibilisation des temps de travail ainsi que les nouvelles pratiques managériales constituent des enjeux majeurs pour le secteur et contribuent de ce fait à la performance de l’organisation et au bien-être des collaborateurs.
Dans le même temps, comment répondre également au défi de l’engagement des collaborateurs, dont les études indiquent qu’il va en s’effondrant?
«Cette problématique de l’engagement est profonde. Elle démarre avant même que le candidat ne soit recruté. Nous menons des campagnes de sensibilisation sur les métiers de la santé pour mobiliser dès le plus jeune âge nos futures forces vives. Puis, à travers des stages, des jobs d’été et tout au long du cycle de vie de nos collaborateurs via la mobilité interne, des programmes de formation, de reconnaissance et d’innovation.
Droit du travail
Quel est votre regard sur les textes? En l’état actuel, le Code du travail luxembourgeois vous semble-t-il un partenaire des employeurs? Ou au contraire quelque chose comme un adversaire?
«Il est important d’avoir un cadre légal pour les organisations. Ces lois devraient être rédigées de manière plus limpide afin d’éviter toute interprétation. Le principe de simplification pourrait également s’appliquer pour mieux soutenir les employeurs dans leurs gestions de contentieux.
Même exercice de fiction que tout à l’heure… Si vous en aviez le pouvoir, quelle disposition supplémentaire souhaiteriez-vous introduire au droit luxembourgeois pour répondre plus efficacement à vos nécessités?
«Solliciter et concerter les employeurs en amont, et ce avant de légiférer un texte de loi serait opportun et apprécié. Proposer des textes légaux par secteur dans certains cas serait également une idée à explorer pour donner plus de souplesse aux organisations faisant face à des changements permanents.
Digitalisation
De quelle manière êtes-vous en train de transformer la digitalisation en alliée de la fonction RH?
«La mise en œuvre de processus RH digitalisés tels que le portail RH, les outils de recrutement, les plans de travail… permet de soutenir tous les salariés dans leurs démarches administratives RH. Les équipes RH quant à elles peuvent ainsi dédier davantage de proximité et de connexion humaine auprès des salariés. La gestion digitalisée de ‘dashboards RH’ quant à elle constitue un outil de pilotage et d’aide à la décision pour la direction et les managers.
À quels obstacles continuez-vous toutefois de vous heurter à ce stade?
«La réticence au changement quant à la plus-value des outils digitaux au quotidien peut être un frein aux premiers abords. La gestion du changement et la durée de la transition technologique restent des axes prioritaires lors de la mise en œuvre de tels changements digitaux.
Avantages
De quel poids pèse aujourd’hui l’attractivité salariale dans le recrutement et la rétention de talents?
«La convention collective du travail du secteur hospitalier reste attractive d’un point de vue salarial dans les processus d’attractivité et de fidélisation des talents. Il est à noter que la part ‘salariale’ commence à diminuer depuis quelque temps et la part ‘équilibre vie privée-vie professionnelle’ prend de plus en plus d’ampleur, notamment lors du recrutement de candidats de la génération Z.
À côté de la rémunération, quels sont les éléments sur lesquels s’appuyer pour gagner en attractivité?
«L’identification aux valeurs et aux projets de l’organisation est un éléments clés d’attractivité pour les candidats. Proposer des contrats à temps partiel, des projets innovants de courte durée, de la mobilité interne, du développement de compétences sont d’autres facteurs d’attractivité pour les nouvelles générations.
Mobilité & Fleet
Flotte de véhicules électriques, incitation aux transports en commun… Dans votre société, quelles ont été, quelles sont, ou quelles vont être les dispositions prises en matière de mobilité?
«Notre organisation a toujours favorisé la mobilité douce dans sa gestion de la ‘mobilitéi’. Nous sommes conscients que la durée des trajets peut être un frein au recrutement et à la rétention de notre personnel sur le long terme. Actuellement, nous menons une enquête sur les besoins spécifiques de nos collaborateurs résidents et non-résidents pour compléter éventuellement l’offre de services en matière de ‘mobilitéit’.
Plus globalement, quels sont les points de vigilance que vous retenez en termes de transition verte?
«Sensibiliser notre personnel à la transition écologique et ses impacts sur notre environnement est un point de vigilance auquel nous attachons de l’importance. Un autre point d’attention est de trouver l’équilibre entre la gestion opérationnelle d’un hôpital et sa transition verte.
RSE
Quels sont les plus gros défis posés pour votre organisation en matière de nouvelles obligations RSE?
«La mise en conformité de la directive européenne en matière de responsabilité sociale (CSRD) sera un enjeu majeur pour notre organisation. Elle va mobiliser des ressources importantes qui sont déjà très investies dans d’autres défis de l’organisation.
Comment ces mêmes obligations impactent-elles vos process d’upskilling en interne ou de recrutement extérieur?
«Ces nouvelles obligations, bien que définies comme ‘défis’, seront également source d’opportunités. Elles nous permettront de développer davantage de compétences en matière de RSE au sens large, de renforcer nos valeurs en termes de durabilité et de promouvoir ces nouvelles compétences durables au sein de l’organisation par le biais de programmes de formations et de campagnes de communication dédiées.
Gen Z
On la dit moins engagée, plus exigeante, et peut-être même difficile à saisir… La gen Z est-elle réellement en train de bouleverser l’environnement de travail?
«Les attentes de la gen Z portent davantage sur la flexibilité du temps de travail, le développement personnel et les enjeux sociétaux. Pour attirer cette génération, nous devons repenser nos processus RH et opérationnels sans pour autant tout révolutionner. La complémentarité des attentes de chaque génération et la complémentarité des compétences sont des facteurs-clés de succès à valoriser pour créer un environnement de travail respectueux.
Quels conseils donnez-vous aux jeunes de 25-30 ans nouvellement recrutés?
«Il est important que cette génération soit alignée aux valeurs de l’organisation car ces dernières fédèrent toute génération confondue.
En second lieu, je les inviterais à partager leurs attentes avec les autres collaborateurs et voir quels sont les éventuels obstacles et les sources d’opportunités à travailler dans un milieu intergénérationnel. Pourquoi pas lancer un projet sur cette problématique?
En dernier lieu, en fonction des résultats de cet éventuel projet, quel plan d’action pourrions-nous mener pour mieux comprendre l’autre et vivre dans une relation d’authenticité et de complémentarité pour atteindre ensemble un objectif commun?
Diversity, Inclusion, Equity
En tant que DRH, comment définiriez-vous vos rôle et responsabilités face aux enjeux DIE?
«Le DRH en qualité de leader social joue un rôle-clé dans la politique de diversité, d’inclusion et d’équité. Il veille à sensibiliser, engager, et accompagner tout collaborateur à tous les niveaux de l’organisation aux stratégies inclusives (recrutement, formation, promotion et équité salariale). Il s’assure de leurs suivis et répond dans la mesure du possible aux exigences sociétales qui connaissent actuellement une profonde transition.
L’entreprise «exemplaire» est-elle une utopie ou un objectif envisageable?
«Tout dépend du sens qu’on souhaite donner au mot ‘exemplaire’ et tout dépend des critères suivants: les valeurs de l’organisation, le modèle économique, la stratégie et la culture. Tous ces éléments influencent le fait qu’une entreprise exemplaire peut être perçue comme une utopie ou comme un objectif réalisable et atteignable.
Quoiqu’il en soit, il est important pour l’entreprise de concilier au mieux tous les enjeux humains, économiques, sociétaux, technologiques, et légaux et de se fixer des objectifs de progression qui s’inscrivent sur le long terme et dans la durabilité.»