Karen O’Sullivan, chef de service du département Innovation, paiements, infrastructures des marchés et gouvernance de la CSSF. (Photo: Maison Moderne)

Karen O’Sullivan, chef de service du département Innovation, paiements, infrastructures des marchés et gouvernance de la CSSF. (Photo: Maison Moderne)

Garante de la confiance de l’ensemble des acteurs dans les services financiers, la CSSF adopte une approche ouverte vis-à-vis de l’innovation technologique, pour mieux la soutenir. Karen O’Sullivan, chef de service du département Innovation, paiements, infrastructures des marchés et gouvernance de la CSSF, évoque la position du régulateur à l’égard de la technologie financière.

«Il est important de rappeler que nous ne sommes pas là pour empêcher les acteurs du secteur financier d’innover et de recourir à la technologie, mais pour accompagner l’innovation en veillant à garantir la confiance de l’ensemble des parties prenantes dans les services proposés», explique d’emblée Karen O’Sullivan, à la tête du département dédié à l’innovation au sein de la Commission de surveillance du secteur financier (CSSF).

Saisir les opportunités, maîtriser les risques

La CSSF a en effet souhaité adopter une posture ouverte par rapport aux évolutions technologiques, pour mieux accompagner la transformation de l’activité financière. «L’enjeu est de pouvoir saisir les opportunités qu’offre la technologie tout en contrôlant les risques», poursuit Karen O’Sullivan. «Le numérique est aujourd’hui omniprésent dans nos vies. L’activité financière et ses bénéficiaires doivent pouvoir en tirer profit, au même titre que d’autres secteurs. Il y a lieu de soutenir la compétitivité des acteurs du marché en accompagnant l’innovation.»

La responsable du département Innovation de la CSSF identifie de nombreuses opportunités inhérentes à une meilleure intégration de la technologie, qu’elle résume en quatre grandes tendances. 

Levier d’efficience et d’inclusion financière

«Premièrement, le numérique, à travers les possibilités d’automatisation, doit permettre de réduire les coûts inhérents à l’activité», explique-t-elle. Deuxièmement, le numérique offre la possibilité d’élargir la fourchette de services, comme il le fait par exemple en nous offrant la possibilité de payer avec notre téléphone. Troisièmement, l’innovation doit faciliter l’accès aux divers services financiers, dans une logique d’inclusion.» Cet enjeu s’exprime davantage dans des contrées où une part importante de la population n’est pas bancarisée. Dans nos régions, la technologie peut par exemple faciliter l’accès à des services jusqu’à présent dédiés à une clientèle fortunée, élargissant de facto certains marchés. «Quatrièmement, la technologie doit servir à garantir la conformité des acteurs et le respect de la réglementation, à travers un meilleur monitoring des transactions, un reporting plus efficient, une analyse plus fine des données collectées», poursuit Karen O’Sullivan.

Comprendre la technologie, accompagner son intégration

Pour la CSSF, les acteurs de la fintech doivent pouvoir soutenir le développement du marché, contribuer à sa performance, tout en garantissant sa stabilité. «À cet effet, nous sommes là pour nous assurer que la réglementation s’applique», poursuit la responsable du département. «Les règles communes sont là pour garantir la confiance. Au sein de ce cadre, il y a cependant de nombreuses opportunités, pour les acteurs de la fintech, d’innover, de se développer, de transformer les services financiers. Notre volonté est de pouvoir les accompagner.» Comment? À travers son département Innovation, la CSSF accueille les acteurs qui souhaitent proposer des services innovants, avec la volonté d’établir un dialogue, de comprendre les solutions qu’ils portent, de les challenger, pour leur permettre de s’inscrire dans le cadre réglementaire existant. «Pour nous, c’est aussi un moyen d’appréhender l’innovation avec les acteurs, de bien comprendre les implications associées à l’utilisation de technologies récentes», poursuit Karen O’Sullivan. «On s’informe auprès des acteurs innovants, pour ensuite mieux former nos départements aux évolutions.»

Flexibilité et robustesse

Au regard de la vitesse à laquelle la technologie évolue, c’est un enjeu de taille pour le régulateur d’accompagner la transformation numérique du secteur. «C’est un exercice d’équilibre. Il s’agit de faire preuve de suffisamment de flexibilité pour ne pas empêcher l’innovation, et même l’encourager, tout en garantissant un cadre robuste et transparent au service de la confiance de tous», ajoute Karen O’Sullivan. La réglementation ne peut en effet pas évoluer au même rythme que la technologie. «Notre parti pris est d’avoir une approche neutre en matière de technologie. Peu importe la technologie utilisée, que ce soit la blockchain ou l’intelligence artificielle, ce qui nous importe est la nature et la finalité du service presté. Et c’est en tenant compte de ces dimensions que nous veillons à ce que les réglementations, notamment en matière de protection des consommateurs, soient respectées.»

Approche ouverte

Dans beaucoup de cas, comme dans le cadre de l’analyse AML/KYC, l’intelligence peut être facilement mise au service de l’efficience opérationnelle des acteurs. Certaines applications, dans le domaine du conseil en investissement ou de l’évaluation des risques inhérents à l’octroi d’un crédit, exigent par contre plus de précautions. «Pour de telles activités, avec un engagement de la responsabilité de l’entité régulée, il faut pouvoir contrôler et garantir la pertinence des décisions établies au moyen de la technologie. In fine, l’humain doit garder la maîtrise», explique Karen O’Sullivan. La même démarche s’applique autour de la technologie de registre distribué (DLT), pour laquelle la CSSF a récemment faire preuve d’ouverture. «Lorsqu’elle est utilisée correctement, la DLT, peut apporter des avantages au secteur financier. En même temps, elle comporte des risques spécifiques qui doivent être compris, atténués et surveillés», explique la responsable. 

À ce sujet, la CSSF a récemment publié un document non contraignant, sous la forme d’un livre blanc, visant à guider les professionnels intéressés dans la conduite de leur processus de due diligence relatif à la DLT et à son utilisation pour la prestation de services dans le secteur financier luxembourgeois.