Depuis le début de 2020, la planète vit au rythme imposé par la crise sanitaire. C’est dans ce contexte que s’est tenue la Journée de l’économie, organisée ce mardi par le ministère de l’Économie, la Chambre de commerce du Luxembourg, la Fedil et PwC.
«Faire face à la crise. Qui aurait cru que ce sujet serait aussi pertinent au mois de mars?», s’est pourtant interrogé, en ouverture de conférence, , directeur général de la Chambre de commerce de Luxembourg. «Au moment où le monde semble enfin se remettre de la pandémie de Covid, il est confronté à une nouvelle menace encore plus grande avec la guerre en Ukraine.»
Faire face à la crise. Qui aurait cru que ce sujet serait aussi pertinent au mois de mars?
En deux ans d’activité à son poste actuel de ministre de l’Économie, n’a connu qu’un environnement de crise. «La crise étant pour moi la nouvelle normalité depuis mon entrée en fonction», ironise-t-il.
Un manque de prévisibilité
Juste après un rebond de l’économie en sortie de pandémie, Carlo Thelen déplore les perturbations causées par l’émergence de la guerre en Ukraine: «Les tensions dans les chaînes d’approvisionnement, la forte volatilité sur les marchés de l’énergie et des matières premières, et le manque de prévisibilité sur les différents marchés internationaux sont maintenant accrus par la guerre en Ukraine.»
Le directeur général de la Chambre de commerce ajoute que nous sommes directement concernés par les dangers de ce conflit, aussi bien pour la sécurité internationale que pour la prospérité de l’économie. «Les événements au cours des deux dernières années ont laissé l’économie dans une situation difficile; ceux des cinq dernières semaines mettent en danger les attentes de la reprise post-Covid.»
Les événements au cours des deux dernières années ont laissé l’économie dans une situation difficile; ceux des cinq dernières semaines mettent en danger les attentes de la reprise post-Covid.
Face à l’apparition d’une crise à la suite de l’autre, Adam Tooze, économiste et professeur d’histoire à la Columbia University, décrit, non sans une certaine touche d’humour, la situation: «C’est un peu comme le vieil adage anglais sur les bus de Londres: vous attendez pendant des heures, et puis six d’entre eux arrivent en l’espace de trois minutes.»
Est-ce pour autant que chacune de ces crises nous prend par surprise? Selon Franz Fayot, la réponse est clairement non. «Ce n’est pas un cygne noir», déclare-t-il, en référence à la théorie du même nom qui compare un événement qui surprend avec un effet majeur et est souvent rationalisé de manière inappropriée après coup avec le bénéfice du recul.
Une difficulté à accepter les scénarios de crise
«La pandémie et la guerre en Ukraine, si vous regardez bien, étaient toutes deux prévisibles», indique le ministre de l’Économie, ajoutant: «Nous ne savions simplement pas quand elles allaient se produire.»
Dans sa réflexion sur la question, Adam Tooze rejoint le point de vue de Franz Fayot: «Vous pourriez dire (…) que ces crises n’ont rien à voir les unes avec les autres. (…) Je pense que c’est faux du point de vue causal, du point de vue analytique.» Le professeur à la Columbia University va même plus loin, mettant en cause la capacité à anticiper. «Nous trouvons très difficile, même face à des preuves manifestes allant dans le mauvais sens, de croire que quelque chose de terrible va réellement se produire.»
Nous trouvons très difficile, même face à des preuves manifestes allant dans le mauvais sens, de croire que quelque chose de terrible va réellement se produire.
«Les seules personnes qui ont réellement évoqué l’invasion de Poutine sont les militaires, des personnes qui ne parlent pas de politique, qui mettent de côté toutes leurs autres idées préconçues et qui regardent simplement comment des bataillons sont déployés sur la ligne de front…», déplore ainsi Adam Tooze, alors que d’après la majorité de l’opinion publique et des experts, il n’y avait qu’une faible probabilité que cela arrive.
Adam Tooze met ainsi en lumière un mal qui nous ronge en Occident. «Nous avons du mal à croire que de mauvaises choses vont nous arriver.» Et il poursuit avec l’exemple de la pandémie de Covid: «On ne croyait pas que des gens comme nous allaient mourir de maladies infectieuses. (…) L’UE a organisé des conférences de presse jusqu’au début de mars 2020, en insistant sur le fait que le Covid était un problème africain (…) Il est ensuite devenu un problème italien.» Idem au niveau de la crise financière de 2008: «Nous ne pensions pas que des crises bancaires de grande ampleur pouvaient encore se produire dans les économies avancées», insiste Adam Tooze.
Et à l’avenir?
Mentionnant la crise du Covid-19, le ministre de l’Économie juge que cette dernière a mis en lumière quelques-unes de «nos vulnérabilités en tant que sociétés, sur les inégalités, l’état de nos systèmes de santé, les limites d’un monde globalisé confronté à un arrêt de fonctionnement dû à un simple virus».
Toutefois, comme dans toute crise, les faiblesses peuvent constituer une source d’opportunités. Franz Fayot s’exprime en ce sens: «La résilience est devenue le nouveau mot à la mode et on nous a promis l’avènement d’une nouvelle ère de résilience, basée sur des chaînes d’approvisionnement plus locales et régionales.» Il souligne également que la pandémie «a accéléré la digitalisation et a montré, qu’au moins au Luxembourg, nous étions bien préparés à ce défi».
Nous devons nous éloigner des combustibles fossiles, pas seulement parce qu’ils sont mauvais pour la planète, mais aussi parce qu’ils sont la principale source de revenus pour des régimes qui ne partagent pas nos valeurs fondamentales.
Avec «un retour à une forme de guerre froide, mais cette fois-ci un peu plus chaude», et sur fond d’une idéologie «de fascisme combiné à un capitalisme kleptocratique», le ministre de l’Économie insiste sur les leçons à tirer de cette nouvelle crise. «Nous constatons que les membres de l’UE avancent ensemble», note-t-il, poursuivant sur «l’accélération du programme de décarbonation». Sur ce dernier point, «nous devons nous éloigner des combustibles fossiles, pas seulement parce qu’ils sont mauvais pour la planète, mais aussi parce qu’ils sont la principale source de revenus pour des régimes qui ne partagent pas nos valeurs fondamentales», précise-t-il.
Finalement, le ministre de l’Économie se félicite de la leçon apprise en matière de défense. «L’Europe a pris conscience de la nécessité de mettre en place une politique de défense commune et nous voyons un nouvel objectif pour l’Otan.»