Ralf Wenzel et Jokr promettent de livrer en 15 minutes les commandes, pour l’instant en épicerie, prises sur leur application. Le tout via l’utilisation de gros centres de stockage idéalement placés. (Photo: Jokr)

Ralf Wenzel et Jokr promettent de livrer en 15 minutes les commandes, pour l’instant en épicerie, prises sur leur application. Le tout via l’utilisation de gros centres de stockage idéalement placés. (Photo: Jokr)

«L’épicier-livreur en 15 minutes» Jokr est la start-up logée au Luxembourg qui a levé le plus d’argent en 2023, plus de 50 millions d’euros… même si elle n’apparaît pas dans le tableau du fournisseur officiel de données de l’État luxembourgeois, Dealroom, depuis l’été dernier.

Qui a levé le plus d’argent parmi les quelque 500 start-up luxembourgeoises en 2023? Joker, parce que vous ne savez pas? Non, Jokr, sans «e», la start-up qui a fait une promesse assez sexy pour encaisser 260 millions de dollars depuis sa création en 2021 auprès d’une flopée d’investisseurs particuliers et prometteurs: livrer en moins de 15 minutes maximum votre commande d’épicerie prise sur son application. En septembre, alors que le registre du commerce indique 30 millions de dollars de deux nouveaux investisseurs, des fonds de Lombard Odier et de MarketOne, le fondateur Ralf Wenzel annonce 50 millions de dollars aux médias américains. Deux autres levées de fonds ont suivi en novembre et en décembre.

L’idée du fondateur de Foodpanda et ancien directeur de Softbank a même le titre honorifique de «licorne», ces start-up valorisées à plus d’un milliard de dollars.

Et pourtant, pas un mot dans le classement des plus grosses levées de fonds de Dealroom. Devenu le fournisseur officiel de données sur les start-up depuis Vivatech et l’annonce conjointe de celui qui était alors ministre de l’Économie, Franz Fayot (LSAP), et de la CEO de Luxinnovation, Sasha Baillie, l’entreprise fonctionne sur un mode hybride entre captation de données publiées dans les médias, données apportées par les start-up elles-mêmes et vérifications internes.

Et comme personne dans les médias n’a fait passer les 50 nouveaux millions de dollars de la start-up vers l’endroit où ils sont pourtant arrivés: la structure luxembourgeoise hébergée au 42 rue de la Vallée... Techniquement, même si la licorne n’a à peu près rien à voir avec le Luxembourg, c’est là que tout se passe.

Pour exactement la même raison – mais dans l’autre sens –, nous avons retiré du classement les 30 millions d’euros levés par Etix Everywhere: il n’y a plus de structure d’Etix au Luxembourg, la dernière a fusionné avec Vantage Data Center en juillet 2022 et les autres ont été radiées.

Troisième problème au top 10 de Dealroom, et selon notre propre analyse, les 10 millions d’euros annoncés par Blocktrade. Notre compréhension est qu’Alpha Blue Ocean n’a pas apporté cette somme au capital de la société pour aider à son développement mais comme un paiement anticipé – donc contre des tokens – d’une nouvelle émission de tokens de cette fintech. 

Quatrième souci, pas un mot non plus sur . Le montant l’emmène pourtant en cinquième position de notre propre classement.

Cinquième souci, ne sont pas non plus repris dans le top 10 de Dealroom.

Faute de données assez précises du fournisseur associé à l’État, c’est son concurrent, Pitchbook, qui a relevé que Jokr était une entité légale luxembourgeoise. Seulement, le top 15 qu’elle a accepté de partager comporte lui aussi des erreurs.

Les montants indiqués en face d’ANote Music et de Greenworlder ne sont pas ceux que les deux start-up ont levé dans l’année mais ceux qu’elles ont levé depuis leur création. La première doit être autour de 500.000 euros et la seconde à 730.000 euros en 2023. Comme chez Dealroom, la levée de fonds d’EnduroSat n’a pas été prise en compte.

Quel intérêt à pinailler sur ces données? Elles servent à établir la réalité de la «start-up nation» au Luxembourg et de son évolution dans le temps. Par exemple, si le gouvernement n’a jamais assuré la moindre promotion du , ses conclusions sur la maturité s’appuient sur les données… de Dealroom, de Pitchbook et de Crunchbase [nous n’avons pas accès à ces dernières pour les comparer aux deux autres, ndlr]. Pas celles de 2023 – fausses donc – mais celles de 2020, 2021 ou 2022 sont-elles davantage correctes? Est-on bien sérieux lorsque l’on base les politiques publiques sur des données qui ne sont pas correctes?