Combien d’entités n’ont pas déplacé assez de personnel ou assez de capitaux de Londres pour continuer à fournir des services depuis l’Union européenne? La BCE s’interroge. (Photo: Shutterstock)

Combien d’entités n’ont pas déplacé assez de personnel ou assez de capitaux de Londres pour continuer à fournir des services depuis l’Union européenne? La BCE s’interroge. (Photo: Shutterstock)

Selon Bloomberg, la Banque centrale européenne passe à la loupe les activités en Europe de certaines banques depuis la City. Passeporter des activités dans l’Union européenne sans avoir installé une structure dans l’UE, un sujet que le Luxembourg a anticipé dès juillet dernier.

Y a-t-il des banques qui ont des activités pour des clients européens depuis la City sans avoir installé une structure adéquate dans l’Union européenne? Quel risque cela fait-il courir à l’écosystème européen? Ce sont les questions que se pose la Banque centrale européenne, selon Bloomberg, qui cite Goldman Sachs, Citigroup, JP Morgan, Bank of America, Barclays et Morgan Stanley, selon d’autres médias. 

Si l’enquête n’en est encore qu’à ses débuts, pas question, pour la BCE, de voir un «business as usual» rester à Londres, sous couvert de pandémie mondiale qui a retardé le déplacement opérationnel de certaines structures sur le territoire de l’Union européenne.

Selon le cabinet Deloitte, le Brexit a vu le Royaume-Uni perdre 7.500 jobs. «Nous avons identifié environ 7.400 déménagements de personnel ou embauches locales en réponse au Brexit, mais cela ne provient que d’une petite minorité d’entreprises, et nous prévoyons que ce nombre augmentera dans les prochaines années. Le plus gros problème ne concerne pas les emplois qui quittent le Royaume-Uni, mais de nouveaux emplois dans l’UE créés à l’avenir qui auraient autrement pu être créés au Royaume-Uni», analyse New Financial dans la version d’avril de son décompte des effets du Brexit sur les économies britannique et européenne.

Selon New Financial, 440 entités ont déplacé du personnel ou créé de nouvelles entités dans l’Union européenne pour cause de Brexit – un choix qui a profité à Dublin (135), à Paris (102), à Luxembourg (93), à Francfort (62) et à Amsterdam (48). À terme, prédisent les analystes, Paris sera la grande gagnante en termes d’emplois, et Francfort en termes d’assets déplacés. Car «les banques ont transféré ou déplacent plus de 900 milliards de livres sterling d’actifs du Royaume-Uni vers l’UE (10% du système bancaire britannique, ndlr), et les compagnies d’assurances et les gestionnaires d’actifs ont transféré plus de 100 milliards de livres sterling d’actifs et de fonds», toujours .

Un tiers de toutes les sociétés de gestion d’actifs qui ont déménagé à la suite du Brexit ont choisi Dublin; 60% des entreprises qui ont choisi Francfort comme base principale de l’UE sont des banques; et près des deux tiers des entreprises qui déménagent à Amsterdam sont des plateformes de négociation, des bourses ou des sociétés de courtage.

Des chiffres dont se moquait gentiment la Chambre des communes dans un rapport spécial en février. «Hubertus Väth, chef du groupe de pression Frankfurt Main Finance, a déclaré en décembre 2020 que le Brexit avait créé environ 3.000 emplois supplémentaires à Francfort jusqu’à juin 2020, et qu’il s’attend à ce que 1.000 emplois supplémentaires soient créés dans les mois suivants», peut-on y lire.

«C’est bien moins que les 10.000 qu’il avait prédits au lendemain du référendum sur le Brexit en juin 2016. Pour attirer les entreprises britanniques, la France, l’Italie, les Pays-Bas et l’Espagne ont introduit des allégements fiscaux spéciaux pour les riches financiers qui souhaitent déménager dans leur pays, et l’Allemagne a assoupli les lois du travail. Le président Emmanuel Macron a accueilli 140 entreprises et patrons de banque à un dîner au château de Versailles en 2018, où il a exhorté en anglais au ‘Choose France’. Néanmoins, les premiers avertissements selon lesquels plusieurs milliers d’emplois dans les services financiers seraient perdus ont maintenant été ‘réduits’. Une enquête du Times auprès de 24 banques et gestionnaires d’actifs internationaux en décembre 2020 a révélé que la plupart avaient en fait augmenté leurs effectifs depuis le référendum sur le Brexit de 2016. Une exception est la banque Société Générale, qui a déclaré avoir déplacé 300 personnes de Londres à Paris.»

«L’enquête trimestrielle sur les services financiers des entreprises de services financiers, réalisée par la Confédération de l’industrie britannique et parrainée par PwC, a rapporté au cours du dernier trimestre de 2020 qu’il est clair que les affaires ont été perdues au profit d’autres villes, la plupart des personnes interrogées déclarant avoir plus de travail à faire pour déplacer les gens vers des rôles au sein de l’UE. 14% ont déclaré attendre la réglementation. Les décisions ‘d’équivalence’ de l’UE étaient très importantes, et 54% ont déclaré que cela était assez important», disent aussi les rapporteurs.

L’équivalence, c’est le sujet sur lequel le Luxembourg a travaillé bien en amont. Le 24 décembre, le «cadeau de Noël» est arrivé sous la forme d’une actualisation du règlement 20/09 de la CSSF. Faute d’accord européen, les régulateurs nationaux peuvent prendre des mesures nationales. Le Luxembourg a décidé de permettre des exceptions à la nécessité de rapatrier les affaires en Europe, sous couvert bien sûr de respecter un certain nombre de règles. Mais de manière permanente, a insisté la responsable juridique de la CSSF, Isabelle Jaspart, . Le Luxembourg avait ajouté le Royaume-Uni à sa liste des pays tiers dès juin 2020.

Reste à savoir quand le «memorandum of understanding» sur les équivalences sera finalisé pour voir quelles conséquences le Brexit a réellement sur la place financière britannique… et donc sur les places financières européennes.