Il fut un temps, pas si éloigné, où la Chine espérait que les Jeux Olympiques d’hiver qui ont lieu actuellement chez elle (et ce jusqu’au 20 février) seraient les premiers «post-pandémie». Les variants Delta puis Omicron en ont décidé autrement. Du coup, dans un pays où la stratégie «zéro Covid» est de rigueur, on ne badine pas avec le règlement sanitaire. Encore plus lorsque le monde entier a rendez-vous sur votre sol.
«Pour se rendre aux JO, il fallait faire valoir un schéma vaccinal complet, c’est-à-dire deux doses de vaccin (sous peine de devoir effectuer une quarantaine de 21 jours sur place dans un établissement spécial, ndlr)», explique David Bertrand (42 ans), journaliste belge, envoyé spécial en Chine pour la RTBF. «Il fallait aussi se faire tester deux fois dans les 96 heures qui précédaient votre départ, avec un écart de 24 heures entre les deux. Ensuite, on était testé à l’aéroport, à l’arrivée en Chine, puis à l’hôtel. Avant de remettre ça chaque jour passé sur place. Tout en pensant également bien à remplir quotidiennement une déclaration de santé, indiquant votre température corporelle, que vous n’avez pas de maux de tête, etc.» Un protocole valable pour tous les participants aux Jeux: athlètes, personnel encadrant, représentants des médias, etc.
On ne peut pas quitter la bulle sanitaire
Contraignant évidemment, mais pas si différent du régime qui avait été mis en place en août dernier lors des Jeux (d’été) de Tokyo. «Au Japon, vous aviez le droit de quitter la bulle sanitaire mise en place par les autorités après 14 jours sur le sol japonais. Ici, c’est simple, on ne peut tout simplement pas sortir de cette même bulle! On doit rester dans le ‘flux olympique’, entre l’hôtel où on séjourne, les navettes officielles et les sites des épreuves olympiques.» Aucune interaction n’est donc autorisée avec le public local.
Pour prendre une navette dont l’arrêt se situe à 35m de l’hôtel, on est obligé d’emprunter… une autre navette. Parce qu’à pied, on serait obligé de passer sur la voie publique. Or, c’est interdit.
Ce qui donne forcément droit à quelques scènes pour le moins surréalistes. «J’ai l’habitude de courir un peu. Or, l’hôtel où nous avons séjourné à notre arrivée à Pékin était barricadé pour ne pas qu’on sorte. Du coup, pour me dépenser, j’ai dû me faire mon petit circuit… sur le parking», sourit le journaliste de 42 ans qui en est à ses quatrièmes JO (après Londres 2012, Rio 2016 et Tokyo 2020).
Autre exemple: «Du côté de Zhangjiakou (le site qui accueille les épreuves de ski de fond et de biathlon, ndlr), on s’est retrouvé à devoir prendre une navette dont l’arrêt se situe à 35m de l’hôtel. Mais pour s’y rendre, on est obligé de prendre… une autre navette. Parce qu’y aller à pied obligerait à passer sur la voie publique l’espace de quelques mètres, en dehors de la bulle sanitaire. Or, c’est interdit. Et ce, alors que, pourtant, toute la station est occupée, outre les bénévoles, que par des gens accrédités pour ces Jeux, étant donc soumis au même protocole…»
«De l’extérieur, Pékin peut paraître pire, mais…»
Mais n’allez pas croire pour autant que l’Olympiade de Pékin est pire que celle de l’été dernier à Tokyo. «Certaines règles sont plus strictes en Chine, d’autres l’étaient davantage au Japon. De l’extérieur, Pékin peut paraître pire, mais, sur place, je vous assure qu’il n’en est rien. La vie au quotidien, par exemple, est plus facile ici. Ainsi, si on mange dans une salle de restaurant où on est assis dans des box séparés par du plexiglas, nous sommes réunis. Et il peut y avoir une certaine convivialité entre collègues. Alors qu’en août dernier, on allait chercher sa petite boîte et on devait remonter manger dans sa chambre. Ainsi, j’avais passé 28 jours à pique-niquer seul sur mon lit… Cette fois, il y a un repas buffet le soir, et même un espace avec un petit magasin et quelques restaurants où l’on peut se rendre à l’intérieur du complexe où l’on vit.»
Sur le pont 16h par jour
Quant au fameux climat politique plutôt lourd qui entoure ces JO, le journaliste belge dit «ne pas le ressentir. On n’a pas le sentiment d’une présence policière plus importante qu’à Tokyo. Au contraire, j’ai même plutôt l’impression d’avoir en face de moi des bénévoles plus souriants, détendus et avenants. Après, il y a une donnée à bien avoir en tête: quand on couvre des Jeux en tant que journaliste, on bosse 16 heures par jour. Tout le temps le nez dans le guidon. Nous sommes donc loin de la vie d’une population locale – que nous ne pouvons de toute façon pas côtoyer. Impossible, dans ces conditions, d’appréhender correctement les choses. Je ne dis pas que c’est le paradis. Juste qu’on n’est pas soumis à ce qu’on entend dire habituellement quant à la gestion de ce pays.»
S’il avait pu sortir de son hôtel, il aurait peut-être été confronté à une tout autre réalité. «Peut-être, oui. Mais on ne peut pas l’affirmer non plus. Je m’étais déjà rendu à Pékin, à l’été 2015, pour les Championnats du monde d’athlétisme. Et nous avions pu vivre librement…» Mais les spécialistes s’accordent à dire que le ton s’est bien durci, depuis.
Censure et réseaux sociaux
Quant à la censure… «Nous avons eu un briefing avec une journaliste qui vit à Pékin. Elle nous a expliqué que la plupart des conversations par SMS ou messageries étaient scrutées. Le comité olympique belge nous avait également avertis que nous n’aurions pas accès à Facebook, What’sApp, Instagram, etc. Mais, au final, tout fonctionne», glisse le natif d’Andenne, près de Namur, confirmant donc l’annonce faite par le CIO (le Comité international olympique) que la censure envers les réseaux sociaux et autres sites bloqués par le régime chinois serait contournée le temps de ces Jeux. «En même temps, vu les sommes investies par les différents diffuseurs pour acquérir les images de ces JO et la présence importante de ceux-ci sur ces réseaux sociaux, je vois mal comment il aurait pu en être autrement…», conclut le journaliste belge. L’argent fait loi. En Chine, comme ailleurs, lorsqu’il s’agit d’un événement de la portée des Jeux Olympiques.