C’est une nouvelle voie qui va changer radicalement la mobilité douce entre Esch-sur-Alzette et Belval. Une piste cyclable et un chemin pour piétons longs de 2 km traversant un «no man’s land», une sorte de dent creuse urbanistique, et qui permet désormais de désenclaver Esch et de rejoindre Belval par un chemin bien plus direct que les autres routes existantes.
«Esch-sur-Alzette est une ville qui est ceinte tel un mur médiéval par ses industries», explique . «Les trois sites industriels que sont Metzeschmetlz, Terres Rouges et Belval contraignent toute expansion naturelle de la ville. À cela s’ajoute la barrière du rail, nécessaire pour acheminer les matières premières de la sidérurgie et transporter les productions, et les besoins en terrains pour les scories.»
Difficile donc d’aller au-delà de cette barrière industrielle sans la contourner, car ce sont aussi des sites hautement sécurisés et inaccessibles pour toute personne qui ne travaille pas dans cette industrie. Aussi, la ville d’Esch n’a pas pu réellement profiter du développement de Belval et inversement, les usagers de Belval ne peuvent pas aisément profiter des commodités du centre-ville.
Une passerelle qui se faufile
La nouvelle passerelle trouve sa place sur une languette de terrain étroite, coincée entre la voie de chemin de fer et le site industriel. Elle offre une nouvelle porosité qui va totalement changer la perception spatiale de ce territoire.
«Lorsqu’on se déplace d’un point à un autre, on se représente le chemin mentalement. Pour aller de Belval à Esch ou inversement, impossible de le faire aisément, sans tout un tas de contournement, et ce qu’on soit à pied, en vélo ou en voiture. Désormais, il existe un chemin direct pour ceux qui utilisent la mobilité douce», affirme Jim Clemes.
Plus qu’un objet architectural, il s’agit d’une traversée de territoire. Parce que la liaison prend de la hauteur sur une grande partie du tracé, elle offre un point de vue tout à fait nouveau sur ce morceau de ville. Elle s’inscrit avec cohérence dans un parcours qui est divisé en différentes sections, s’appuyant sur le potentiel du lieu.
«Nous avons été confrontés à des situations spécifiques différentes: à certains endroits, il ne faut pas empiéter sur les rails, à d’autres, il faut trouver une solution pour s’implanter au-dessus d’une galerie souterraine existante, ailleurs encore, on a cherché à ne pas couper les arbres qui sont déjà si peu nombreux à cet endroit», explique Mélany Albert, partenaire et urbaniste en charge du projet. «Nous nous sommes retrouvés à créer une circulation sur des territoires qui sont normalement inaccessibles, à savoir le chemin de fer et l’usine, à faire passer de gens là où ils ne sont normalement pas désirés et où cette présence n’est absolument pas prévue», poursuit Mélany Albert.
Un parcours en cinq temps
La nouvelle liaison commence rue Henry Bessemer, traverse le boulevard Prince Henri et longe les garages situés rue An der Schmelz. Le développement de la piste cyclable se fait ici de manière traditionnelle, le long de la voirie existante, pour ensuite passer sous le chemin de fer d’ArcelorMittal grâce à un tunnel qui a été construit dans la prolongation de la structure existante.
Là commence une nouvelle section dite «Allée» qui traverse une lentille verte. Il s’agit d’un petit parc qui permet progressivement de s’élever sur une passerelle. «On passe à cet endroit de 4,5 m à 7,5 m de hauteur», précise Mélany Albert. «Si les vélos peuvent circuler en ligne droite, un chemin sinueux a été créé pour les piétons et les PMR afin d’aborder ce changement d’élévation avec des pentes douces. En fonction de sa mobilité, ou de son envie de flânerie, on peut choisir de passer à travers le parc en utilisant les escaliers ou les pentes douces, ou de prendre le chemin court monté sur pilotis.» La piste est ici montée sur des piles en béton, dont les fondations ont dû être étudiées avec précision, car une galerie souterraine passe en dessous, ce qui a grandement compliqué le chantier et le travail des ingénieurs.
Au-delà de ce parc, les chemins se rejoignent sur une petite placette et on arrive à un tronçon suspendu, une circulation aérienne dite «promenade» portée par des structures spécialement dessinées par les architectes en collaboration avec l’artiste Nico Thurm. Pour ce tronçon, le challenge a été de trouver une solution qui permette de préserver les arbres. C’est pourquoi une structure a spécialement été conçue pour être installée entre la couronne des arbres et porter la passerelle par le haut en porte-à-faux sur une longueur de 1.200 m. La largeur utile est de 4,50 m. «Ces éléments en acier semblent simples, mais ils sont en fait d’une grande complexité technique», détaille Jim Clemes.
Pour assurer un éclairage sécurisant tout au long du chemin, des LED ont été installées dans les garde-corps et sont complétées par des poteaux lumineux jaunes. «Ces poteaux servent aussi de jalon tout au long du parcours», précise Mélany Albert. «Nous avons choisi cette couleur jaune pour les poteaux lumineux et les structures qui portent la passerelle suspendue, car c’est une couleur qui appartient au code couleur utilisé dans l’industrie pour les éléments de sécurité, tout comme l’orange et le rouge. De plus, ce sont des couleurs qui tranchent avec ce paysage monochrome de l’industrie», complète Jim Clemes. Des alcôves sont également installées le long du chemin pour offrir un abri en cas de pluie.
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Le parcours se poursuit ensuite le long de l’usine (section «Schmelz») pour rejoindre Belval le long du chantier des Archives nationales et aboutir à la tour administrative et l’avenue du Rock-n’Roll. Là un nouvel espace vert est créé, avec une tour d’ascenseur doublé d’un escalier peint en rouge pour une descente rapide. Une pente contournante pour une jonction déclinante progressive est également praticable, notamment par les services de secours en cas de nécessité.
Fiche technique
Maitre d’ouvrage: Administration des ponts et chaussées
Architecte: Jim Clemes Associates
Ingénieurs-Conseils: TR Engineering
Paysagiste: Mersch ingénieurs paysagistes
Artiste associé: Nico Thurm
Direction des travaux: INCA Ingénieurs-Conseils Associés
Bureau de contrôle: SECO Luxembourg
Sécurité et santé: GERI Management
Entreprise: Felix Giorgetti-CIMOLAI
Budget: 47,5 millions d’euros