Lionel De Broux, chief investment officer, et Jade Marie Bajai, investment strategy à la Bil. (Photo: Bil/Maison Moderne)

Lionel De Broux, chief investment officer, et Jade Marie Bajai, investment strategy à la Bil. (Photo: Bil/Maison Moderne)

16 millions de visiteurs devraient converger vers Paris cet été à l’occasion des Jeux Olympiques 2024. Pour le pays organisateur, les JO peuvent coûter cher.

En 2016, l’État de Rio de Janeiro s’est retrouvé en situation de défaut, les coûts liés à l’olympiade ayant considérablement alourdi le fardeau de sa dette. Alors que les finances publiques de l’Hexagone sont déjà sous surveillance – son déficit s’est creusé à 5,5% du PIB en 2023 –, un budget relativement modeste a été fixé. Les Jeux Olympiques devraient, selon les estimations, coûter quelque neuf milliards d’euros. 4,5 milliards de cette enveloppe seront consacrés aux sites et infrastructures, dont 95% consisteront en des installations existantes qui nécessitent très peu de réaménagement, voire pas du tout.

4,4 milliards d’euros supplémentaires ont été alloués aux dépenses opérationnelles, par exemple pour organiser et assurer le service des réseaux de transport. Le Comité international olympique (CIO) estime que 96% de ces dépenses seront couvertes par les ventes de billet, les droits médias et les accords commerciaux. Si les frais venaient à dépasser le budget en dernière minute, le gouvernement français a fourni au CIO une garantie de trois milliards d’euros (environ 0,1% de son PIB). Les retombées fiscales du tourisme et des dépenses des visiteurs devraient également couvrir une partie de la facture, le gouvernement projetant que les bénéfices économiques pourraient représenter jusqu’à 10 milliards d’euros.

L’agence de notation de crédit S&P Global a estimé récemment que ces Jeux Olympiques «bon marché» ne devraient pas nuire durablement aux finances de l’Hexagone. Elle octroie actuellement à la France une note d’AA, assortie de perspectives négatives.

Un secteur fait toutefois exception, avec des coûts échappant à tout contrôle en raison des JO et d’autres facteurs: l’immobilier. Alors que spectateurs, bénévoles et journalistes se bousculent pour trouver un logement, la demande de locations à court terme s’envole, de même que les prix. En analysant certains sites de location à court terme, nos analystes ont remarqué qu’entre le 26 juillet et le 11 août, les prix sont jusqu’à trois fois plus élevés que leur niveau actuel. Dès lors que les prix ne sont pas plafonnés pour les locations de moins de 120 jours, il n’est pas rare de trouver des appartements pour 1.000 euros par nuit, en fonction bien entendu de leur emplacement. 

Des résultats dopés…

Les hôtes sur Airbnb devraient gagner, au total, quelque sur la période des Jeux Olympiques et Paralympiques. Afin de tirer le meilleur parti de cette poule aux œufs d’or éphémère, de nombreux Parisiens entendent quitter la ville et mettre leur logement en location. Certains iraient même jusqu’à mettre à la porte des locataires existants (dont le loyer est, lui, plafonné) dans le but d’exploiter cette opportunité alléchante. Le gouvernement lui-même a été vivement critiqué lorsqu’il a décidé d’expulser quelque 2.000 étudiants de leurs appartements à loyer plafonné pour accueillir le personnel organisateur des Jeux durant l’été.

Le marché immobilier dans la capitale française et sa périphérie a certes toujours été tendu, mais les pressions supplémentaires exercées par l’organisation d’un événement sportif d’envergure mondiale mettent le marché en surchauffe. Ces deux dernières années, le volume de locations saisonnières dans la ville a augmenté de 18%. Cela explique en partie pourquoi, selon , l’offre de locations traditionnelles à long terme dans la capitale française a chuté de 74% en trois ans. En comparaison, elle n’a baissé que de 25% pour le pays dans son ensemble. Naturellement, cela s’est traduit par une concurrence plus rude entre les locataires potentiels ainsi que par une hausse des prix.

Après les Jeux, place à la détente

Plusieurs facteurs contribuent à cette situation épineuse sur le marché de la location. D’une part, la hausse des taux d’intérêt a pour beaucoup rendu impossible tout achat immobilier. Ils restent donc locataires plus longtemps et ne libèrent pas leur logement. D’autre part, les étudiants et travailleurs internationaux font leur retour, et choisissent des locations meublées traditionnelles à long terme.

Après la cérémonie de clôture à l’automne, le marché locatif devrait se détendre, avec un afflux de biens jusque là loués à court terme. Parallèlement, les baisses de taux de la BCE, qui devraient intervenir à partir du mois de juin, devraient commencer à se répercuter sur l’économie réelle. Cela étant dit, si les Jeux Olympiques représentent un défi à court terme, si l’on regarde plus loin, le marché locatif de la ville est face à défi d’une tout autre ampleur: l’impact de la transition écologique. En région parisienne, 55% des biens sont notés E, F ou G sur l’échelle de l’efficacité énergétique. À compter du 1er janvier 2025, les propriétaires seront légalement tenus de ne louer que des biens immobiliers notés F au minimum. En 2028, ils ne pourront plus louer que des biens notés au minimum E. Dans dix ans, tous les biens devront afficher une note de D ou plus pour pouvoir être mis en location.

Les Jeux Olympiques pourraient bien n’être qu’une séance d’échauffement si des travaux de rénovation d’envergure ne sont pas entrepris.