Cela fait déjà plusieurs mois que le marché affine ses attentes de baisses des taux d’intérêt avec des fluctuations certaines, notamment aux États-Unis. La raison est simple, les banques centrales nous disent qu’elles sont encore «data dependent» c’est-à-dire dépendantes des données macroéconomiques qui sortent semaine après semaine. Le marché quant à lui tend à se focaliser sur ces chiffres sortis plutôt que sur les perspectives. Nous allons tenter de décrypter cela, mais aussi d’identifier les différences régionales notamment entre les États-Unis et zones euro.
Combien je vous en mets ma p’tite dame?
Dans les derniers mois de 2023, après que Jerome Powell et autres directeurs de banques centrales aient annoncé la fin de la remontée des taux d’intérêt, le marché tablait sur le fait que la Réserve fédérale américaine (Fed) baisse ses taux trois fois par 25 points de base (pb) alors que l’inflation oscillait entre 3% et 4% (après avoir grimpé jusqu’à 9% courant 2022). Fin janvier 2024, avec l’inflation au même point, le marché en anticipait jusqu’à sept, ce que nous pensions être exagérés. Après les derniers chiffres de l’inflation de mars parus la semaine dernière et qui ont surpris à la hausse, les marchés n’envisagent plus que deux baisses.
Pourtant, même si l’inflation a encore surpris à la hausse du fait de la hausse récente des prix de l’énergie et des loyers encore élevés, ce chiffre n’en fait pas forcément «Le Livre de la Révélation» des investissements pour 2024. Ne serait-ce que d’ici juin, il y aura deux chiffres supplémentaires sur l’inflation et d’autres encore sur l’emploi et tout le reste de l’économie. Certains indicateurs avancés, comme la composante des prix payés dans le secteur des services, montrent que le petit rebond actuel que connaît l’inflation pourrait se tasser.
Bienvenue au zoo
En attendant, les faucons (hawks) risquent de reprendre le dessus sur les colombes (doves) aux États-Unis. Un peu partout, les ours (bears) se prennent à rêver de grogner face aux taureaux (bulls). Alors certes, pour l’instant, ces chiffres de l’inflation retardent très vraisemblablement le moment où la Fed baissera ses taux directeurs la première fois. Mais ceux-ci devraient tout de même être un peu plus bas fin 2024 par rapport à fin 2023. Ainsi, comme l’économie américaine se porte bien, cette petite remontée de l’inflation et la réduction des anticipations de baisse de taux pourraient ne pas faire chuter les actions américaines, comme c’est le cas depuis le début de l’année, l’indice S&P 500 ne décrochant presque pas. En revanche, les bons du Trésor américain pourraient rester un peu sous pression à court terme.
Plus de certitude en Europe
De notre côté de l’Atlantique, avec une économie un peu moins performante, l’inflation se rapproche doucement de l’objectif de la Banque centrale européenne. Celle-ci semble d’ailleurs prête à baisser ses taux dès le mois de juin, et donc une fois n’est pas coutume, avant la Fed et probablement plus que la Fed sur l’année 2024. Ceci ne devrait pas créer trop de risques inflationnistes. En effet, on pourrait penser que l’euro risquerait de s’affaiblir face au billet vert à la défaveur du différentiel de taux d’intérêt et ainsi attiser l’inflation importée, notamment énergétique. Mais si les prix du pétrole sont en hausse de 15% sur l’année en cours, ceux du gaz naturel sont d’autant en baisse limitant ainsi ces risques. Par ailleurs, les tensions géopolitiques tendent à avoir un impact à court terme et le marché intègre les baisses volontaires de l’Opep. Finalement, dans la mesure où les autres banques centrales baissent leur taux également, les pressions sur l’euro pourraient être limitées.