Capable d’aller vite, sur de longues distances, et d’atterrir sur des pistes courtes, comme à l’aéroport de Londres City, le Falcon 7X est un bijou aimé des milliardaires. (Photo: Shutterstock)

Capable d’aller vite, sur de longues distances, et d’atterrir sur des pistes courtes, comme à l’aéroport de Londres City, le Falcon 7X est un bijou aimé des milliardaires. (Photo: Shutterstock)

La saisie par les autorités britanniques, la semaine dernière, d’un jet immatriculé au Luxembourg et supposé appartenir à un oligarque proche de Vladimir Poutine, invite à se plonger dans ce business. Tour d’horizon non exhaustif de ces VIP de haut vol.

Il y au Luxembourg autant de situations particulières dans le monde très feutré des jets privés qu’il y a en ce moment d’oligarques affolés qu’on puisse leur confisquer leurs «joujoux»: des jets détenus en nom propre, des jets détenus en copropriété, des jets détenus par une société, des jets en multipropriété et opérés par un acteur privé ou encore des jets appartenant à et opérés par un acteur privé.

Premier constat, le règlement européen sur la protection des données met à l’abri des demandes de journalistes les avions qui appartiendraient à une seule personne ou même à plusieurs personnes qui seraient désignées nommément dans la liste des «objets volants identifiés» de la Direction de l’aviation civile, soit une quinzaine d’avions.

Cette liste comprend 267 OVI, dont les avions de Luxair, de Cargolux, d’Air Rescue, les ballons, les avions de l’aéro-sport club de Luxembourg ou des clubs de vol libre ou encore ces avions de collection ou bricolés par des passionnés pendant leur temps libre.

Outre Luxaviation – qui n’opère que cinq avions luxembourgeois au milieu des 221 avions et 30 hélicoptères de ses clients et immatriculés dans 16 pays –, la centaine de jets qui sont immatriculés au Luxembourg qui restent après ce premier écrémage, font émerger au moins deux business models de cette aviation précieuse pour chefs d’entreprise fortunés qui ne veulent pas perdre de temps dans les bouchons ni dans les avions de ligne traditionnels, ce qui n’a rien de répréhensible ni de condamnable. 

Les clients de tous horizons de Global Jet

Celui de Global Jet, qui avec 33 jets opérés pour le compte de leur(s) propriétaire(s) et 163 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2020, est le dauphin de Luxaviation, mais les deux sociétés ne sont pas comparables. C’est via la société détenue par le Monégasque Mike Savary (42,30%) et dirigée par David Antoine (25,20%) que voleraient au moins cinq avions liés à des intérêts russes, dont les trois Falcon 7X de Roman Abramovich.

Car ce milliardaire russe proche de Vladimir Poutine aime le bijou de Dassault, non seulement parce qu’il est capable de rallier Londres à Singapour, Paris à Los Angeles et New York à Dubaï à des vitesses de croisière allant jusqu’à mach 0,90 (ou 1.100km/h), mais aussi, et surtout, parce qu’il peut se poser sur des pistes très courtes, donc à l’aéroport de Londres City.

Il n’est pas le seul, Aline Morel, épouse du milliardaire français Philippe Foriel-Destezet (18% d’Adecco et 3,1 milliards d’euros de fortune), a elle aussi recours à Global Jet pour le sien, lui aussi immatriculé au Luxembourg.

Cette société, dont l’ex-ministre de l’Intérieur, (CSV), a été administrateur de 2015 à 2019, , opère aussi, par exemple:

– deux avions qui appartiennent au Credit Suisse,

– deux au Crédit Agricole,

– le Gulfstream G650 du fondateur de Luxottica, Leonardo Del Vecchio, deuxième fortune d’Italie (23 milliards d’euros);

– l’Embraer Legacy 600 des deux fondateurs de Vente-privée.com, les Français Julien Sorbac et Jacques-Antoine Granjon (2 milliards d’euros de fortune à eux deux),

– le Bombardier BD-700 Global Express des trois enfants Ruggieri, enfants du fondateur de Batipart, Charles Ruggieri;

– le Bombardier BD-700-2A12 Global 7500, du prince Karim Al-Hussaini dit «Karim Aga Khan IV», le chef spirituel des ismaéliens nizârites.

Le jet en time-sharing

Son challenger, Jetfly, 314 employés dont 131 pilotes, a fini 2020 avec un chiffre d’affaires en hausse de 15% à 108 millions d’euros. La société de Jean-Pierre Millet (premier actionnaire avec 65% des parts), le petit-fils du créateur de la marque éponyme de vêtements techniques de montagne, consolide huit sociétés depuis Luxembourg et a assis son business model sur du time-sharing associé à l’aviation privée.

La société de celui qui est considéré comme Maltais pour le registre des bénéficiaires effectifs (!) opère ainsi 24 des 28 avions de la flotte en «flysharing», 16 Pilatus 12 et 8 Pilatus 24. Autrement dit, selon le dernier prix d’un P12 disponible, les 5 millions de dollars en 16 parts. Le client paie une part plus le prix des services contre 35 heures de vol par an, soit 3.200 euros l’heure, selon des calculs de spécialistes.

Le choix des Pilatus n’est pas innocent puisque les clients s’engagent pour dix ans – ils peuvent sortir sans pénalité après cinq ans – et au terme des dix ans, l’avion est vendu et le résidu de la vente revient dans les poches des propriétaires. Or, l’avion se revend très bien au bout de dix ans.

Outre ces 24 avions-là, la société possède le sien et opère les trois avions, des P24:

– de la famille suisse Frey, qui a fait fortune dans l’immobilier, ;

– de l’homme d’affaires Jean-François Gobertier, et qui avait notamment compris très tôt l’intérêt financier des maisons de retraite et autres structures d’accueil de personnes âgées;

– et celui de l’homme d’affaires allemand Carsten Koerl, .

Des VIP non partageurs

Sur le podium des immatriculations d’avions au Luxembourg, le Flying Group de Bernard Van Milders est troisième avec six des 18 avions de sa flotte, dont le quartier général est établi à Anvers. Dont le Falcon 900 Exe, du petit-fils et propriétaire de la marque de vêtements We, Ronald De Waal, .

Enfin, une série d’acteurs ont leur propre organisation autour de leur jet, comme le fondateur de Bitstamp, (61 millions d’euros), comme le Belge Filip Balcaen, ex-roi du parquet devenu investisseur avisé (1,3 milliard d’euros), le régional de l’étape et fondateur de la Générale immobilière de Metz, Maurice Blajman, le petit-fils du fondateur de Babou, Eric Kleboth, qui a empoché 366,5 millions d’euros de la vente du groupe à B&M en 2018, ou encore les deux enfants du fondateur de CAE Aviation, Bernard Zeler, Julie et Hughes.

Rappelons encore une fois que pour ces entrepreneurs qui emploient des milliers de personnes dans différents pays, l’avion privé est un outil cher pour celui qui prend le tram gratuitement… mais précieux.