À travers l’exposition, les visiteurs entrent dans une danse sans fin qui les invite à découvrir le personnage de Pierre-François imaginé par Jérôme Zonder. (Photo : Marc Domage)

À travers l’exposition, les visiteurs entrent dans une danse sans fin qui les invite à découvrir le personnage de Pierre-François imaginé par Jérôme Zonder. (Photo : Marc Domage)

L’artiste français Jérôme Zonder dévoile largement son personnage Pierre-François au Casino Luxembourg, dans une exposition tout en noir et blanc, remplie d’images, pour un portrait en négatif.

Après une première participation dans , Jérôme Zonder revient au Casino Luxembourg dans une exposition monographique. Une prise en main remarquable de tout l’étage noble du Casino, qu’il occupe avec ses dessins grands formats présentés sous forme d’installation. Une proposition immersive, tout en noir et blanc, d’œuvres réalisées au graphite et fusain, questionnant aussi bien l’idée du portrait que la pratique même du dessin.

Pierre-François, ce fameux inconnu

Le propos de l’exposition est un portrait fragmenté et fragmentaire d’un certain Pierre-François, personnage imaginé par Jérôme Zonder qu’il n’a de cesse de définir à travers des images depuis maintenant dix ans.

Jamais Pierre-François n’est représenté directement, au sens d’un portrait classique. Pourtant, il n’est question que de lui, mais à travers des images qui appartiennent à son univers, culturel ou social, des images qu’il regarde, qui l’entourent. Ces images sont aussi bien issues de la culture populaire, que de l’actualité ou des réseaux sociaux.

Pierre François est une figure protéiforme qu’on apprend à découvrir, qui se dévoile par petits bouts, pièce par pièce, par fragment, par répétition, par accumulation. Figure obsessionnelle, il compose un trio imaginaire formé avec Baptiste et Garance. Ces prénoms sont une référence aux personnages de Marcel Carné dans «Les Enfants du paradis». Pierre-François un enfant du XXIe siècle, consommateur d’images, qui précipite les maux de notre époque.

Le dessin comme révélateur

Les visiteurs entrent dans l’exposition en devant traverser «une foule», des silhouettes de danseurs (dessins sur bois découpé), comme dans une fête. On ne parvient alors à ne saisir que quelques bribes d’images. Quand on se retourne, le texte habite le revers des silhouettes, comme autant de mots qui sont dits dans le brouhaha de la fête. Ils composent un bruit de fond, sourd, faisant vibrer l’espace.

Au revers des silhouettes, les mots inscrits composent un bruit sourd, comme le brouhaha d’une foule d’invités. (Photo: Marc Domage)

Au revers des silhouettes, les mots inscrits composent un bruit sourd, comme le brouhaha d’une foule d’invités. (Photo: Marc Domage)

Au fond, le mur d’images est une accumulation de dessins juxtaposés. Chacun d’entre eux est une partie du personnage. Cet assemblage compose un récit, le narratif de Pierre-François et de son univers. Certains motifs sont récurrents, comme cette figure du hamster, qui représente pour Jérôme Zonder directement Pierre-François. Un animal dans une roue, qui n’a de cesse de tourner. Cette idée du cercle qui se répète, de la boucle, est même reprise dans la disposition des œuvres dans l’espace du Casino: le parcours se compose de cinq boucles qui s’entremêlent, se succède pour ne former qu’une seule et grande boucle qui se répète sans fin.

Jérôme Zonder explore aussi toutes les possibilités et le potentiel de son médium. Il s’en sert pour tenter la représentation de son personnage, un portrait qui, dès qu’il commence à se définir, s’échappe dans une autre direction, ne cessant d’évoluer, à l’instar du personnage lui-même. Mais Jérôme Zonder réalise des dessins qui questionnent la technique en elle-même, un travail graphique sur le médium. En les mêlant aux dessins de portrait, il navigue ainsi entre figuration et abstraction, narration extravertie et introspection artistique.

La suite du parcours poursuit le portrait chinois de Pierre-François, mais invite surtout le visiteur à expérimenter sensoriellement le dessin, à se confronter spatialement et physiquement à lui en entrant littéralement dans le dessin puisqu’il recouvre désormais le sol et les murs. L’humour est souvent présent, surtout dans la dernière partie de l’exposition où Jérôme Zonder a imaginé une sorte de jeu de l’oie géant à l’humour cynique. Le motif d’ensemble se révèle comme une fête grinçante, sarcastique, dans ce lieu qui accueillait autrefois des célébrations mondaines. Une «Joyeuse Apocalypse!» dérangeante et sans fin.

«Jérôme Zonder. Joyeuse Apocalypse!», au Casino Luxembourg, jusqu’au 7 janvier 2024.