Nous parlions des 1.000 diplômés de l’Université qui entrent chaque année sur le marché du travail par rapport à 13.000. Est-ce que 1.000, c’est bien? C’est frustrant?
. – «1.000, c’est pas mal. Ce sont vraiment ceux qui entrent dans l’économie, ce qui est déjà positif. Nous devons aller plus loin. Est-ce que nous devons aller jusqu’à 5.000? Certainement pas. Cela veut dire multiplier la taille de l’Université par cinq. Je ne pense pas que ce soit souhaitable ni faisable. Les 13.000 jobs ne sont pas tous dédiés à des académiques. L’Université doit croître de manière mesurée, pour rester une université à taille humaine. Une université compacte dans un pays compact.
Se pose la question du domaine dans lequel doit se concentrer la croissance. Aujourd’hui, la croissance de l’Université repose essentiellement sur les nouvelles formations, celles de sciences infirmières, de médecine, de data science, de cybersécurité ou sur les supercalculateurs. Ce développement va de pair avec le gouvernement et avec les financements externes. Nous sommes assez flexibles, mais dans les formations standards, nous sommes assez stables. Nous progressons notamment en informatique. Traditionnellement, il y avait un master en informatique, point. Nous, nous avons ce master qui attire de plus en plus de gens, mais aussi un master en cybersécurité, en high performance computing et en data science. Nous ouvrons selon les besoins. Même chose dans le domaine du droit. L’Université ne formera jamais tous les talents dont le pays a besoin. Il faut rester attractif. Attirer des gens. Avec sa stabilité politique – on le dit depuis 20 ans –, le Luxembourg a un avantage. Quand je vois ce qui se passe dans les grands pays autour de nous... [L’interview est réalisée au lendemain de la percée de l’extrême droite en Allemagne] La première chose que j’ai entendue ce matin est que l’industrie électronique d’Allemagne de l’Est se pose la question de savoir si elle pourra continuer à attirer assez de talents vers elle. C’est un vrai problème. Des gens m’ont dit qu’ils venaient ici parce que l’environnement est multiculturel, international, que l’accueil est bon et que c’est très important.
L’Université a aussi commencé à jouer un rôle dans la formation continue…
«Nous avons 3.000 bachelors, 2.000 étudiants en master et 1.000 doctorants. Un autre chiffre moins connu est que nous avons 1.000 personnes qui passent un certificat. L’Université est déjà un acteur de la formation continue au Luxembourg. Mais elle peut devenir un acteur de la formation continue académique beaucoup plus important. Il faut voir combien de ces personnes restent. Les bachelors ne restent pas forcément, mais parmi les étudiants en master, 70 à 80% restent au Luxembourg pour commencer leur carrière, et parmi nos doctorants, 60% y trouvent leur premier emploi. Ces chiffres sont très élevés. Pour la rétention, la chose la plus importante que fait l’Université est d’attirer les gens. Quand ils sont ici, ils restent. C’est génial!
L’Université peut faire revenir les Luxembourgeois partis à l’étranger. Ils sont partis faire leur bachelor en droit à Aix-en-Provence, mais pour étudier le droit en investissement, ils reviennent au Luxembourg pour s’intégrer et faire leur vie. Beaucoup d’étudiants font leur stage dans l’industrie. Ceux qui sont en thèse le font avec l’industrie, avec le gouvernement, avec l’Europe ou les ONG. Le mot-clé est ‘partenariat’. Nous sommes en très fort partenariat avec la société et avec le Luxembourg. Le multilinguisme, les salaires, la sécurité et le côté bienveillant... Il faut surtout faire venir les talents.
En quoi la formation académique se différencie-t-elle de la formation continue?
«Il existe au niveau européen un référentiel de formation continue. Cela démarre avec des cours de langues. Cela ne relève évidemment pas de l’université. Puis il y a une formation continue et une zone assez large où sont les praticiens qui parlent de leur travail. Il faut avoir un certain nombre d’universitaires qui savent ce qui se fait à la frontière de la connaissance. C’est cela que j’appelle la formation continue académique. C’est une typologie de formation où au moins une partie de la formation est donnée par des universitaires qui savent, grâce à leurs recherches, où est la frontière de la connaissance et qui savent enseigner ce qui n’est pas dans les livres. Chacun est dans son rôle et chacun a un rôle important. Nous n’avons aucune valeur ajoutée si nous allons vers la formation continue de praticiens que nous ne sommes pas, lesquels doivent donc devenir vacataires chez nous et nous sommes juste un prestataire de services... Il y a aussi la certification. Une grande tendance internationale est celle des micro-crédits, quelque chose que l’Université va installer. On peut réunir des micro-crédits pour les faire valoriser pour un diplôme. Là, la certification et l’assurance-qualité sont très importantes parce que les certificats et micro-crédits de différents endroits doivent être reconnus. Le pire serait que quelqu’un ait fait des micro-certificats ici et que l’Université de Munich refuse de le reconnaître. Il est très important d’avoir le tampon de qualité.
Il peut y avoir d’autres formations continues qui sont réellement diplômantes directement dans des bachelors, voire des masters. Cela, forcément, c’est l’Université qui peut le faire et pas les autres chambres, qui font un super travail de formation continue. Mais elles sont dans leur rôle et nous sommes dans le nôtre, et nous voulons prendre ce dernier très au sérieux.
L’Université a aussi des compétences très particulières dans la manière d’enseigner, ce qui n’est pas forcément le cas dans d’autres enceintes.
«Nous pourrions apporter un soutien grâce aux outils pédagogiques, dans la connaissance des outils digitaux, les media centers. La pédagogie de la formation continue – j’en suis intimement convaincu –, la pédagogie à l’école élémentaire et la pédagogie au lycée classique sont des pédagogies différentes. Ce que nous allons faire, c’est que nous allons pleinement intégrer le University of Luxembourg Competence Center (ULCC) au 1er janvier dans l’Université, pour créer une nouvelle structure transversale qui s’occupera de la formation continue académique et nous allons ouvrir sous un mois un poste de professeur spécialisé dans la pédagogie pour la formation continue académique.
Les sciences infirmières, ce n’est pas très académique?
«Il y a tout un débat. Les sciences infirmières ne sont pas académiques partout. Le Royaume-Uni est un des premiers pays en Europe à l’avoir fait. Je pense que c’est important, ne serait-ce que pour mieux travailler avec les médecins. Les outils digitaux vont arriver progressivement et sur certaines thématiques, que les infirmiers discutent à hauteur de vue avec les médecins, ce n’est pas scandaleux. Il y a aussi une vraie recherche qui existe et qui doit se faire. Pour le moment, elle est juste moins courante.»