Les œuvres de Jean-Marie Biwer sont inspirées par la nature qui entoure au quotidien le peintre luxembourgeois. (Photo: Rémi Villaggi-Mudam Luxembourg)

Les œuvres de Jean-Marie Biwer sont inspirées par la nature qui entoure au quotidien le peintre luxembourgeois. (Photo: Rémi Villaggi-Mudam Luxembourg)

Le peintre luxembourgeois Jean-Marie Biwer présente actuellement une exposition monographique au Mudam. L’occasion de faire le point sur les 15 dernières années de sa production et de mieux connaître le travail de cet artiste qui se lit à plusieurs niveaux.

Ceux qui côtoient la scène artistique luxembourgeoise connaissent certainement le travail de Jean-Marie Biwer, peintre aujourd’hui âgé de 63 ans dont le travail est apprécié et collectionné par de nombreuses familles locales, ainsi qu’acheté par des institutions publiques du pays. Son travail est également présent dans des collections publiques, dont celle du Mudam, qui a choisi de lui consacrer une exposition monographique. «C’est une œuvre mûre, qui porte une réflexion profonde sur la peinture, avec une esthétique qui appelle le regard, et une réflexion qui porte au-delà de la peinture», explique Suzanne Cotter, directrice du Mudam. «C’est aussi un artiste reconnu, mais peu connu, et nous souhaitions lui proposer cette plate-forme au Mudam pour que son œuvre soit mieux comprise.»

Des paysages de son quotidien

L’exposition montre, comme son titre l’indique, des peintures de nature, de paysages quotidiens, notamment la région de l’Oesling où vit l’artiste, des vues d’arbres, de nuages, qui sont autant de thématiques récurrentes pour le peintre qu’il décline volontiers en série. «La question du regard est centrale dans l’œuvre de Jean-Marie Biwer», explique Christophe Gallois, curator de l’exposition. «Nous avons choisi de regrouper un ensemble d’œuvres qui remontent aux 15 dernières années de sa production, l’année 2004-2005 étant une année charnière pour l’artiste, année à partir de laquelle il prend la liberté de s’intéresser directement à ce qui l’entoure.»

 

Sa peinture adopte tous les formats, du carnet de croquis, intime et poétique, aux toiles XXL, en passant par des formats plus domestiques ou même volontairement très petits, pour forcer l’attention ou tenter de nouvelles expériences de matière, de recherche picturale. Une peinture traversée par un questionnement sur le rôle de la peinture dans un monde contemporain étourdi par le flot des images, des informations, l’omniprésence des écrans, l’accélération des rythmes de vie.

En réponse à cela, Jean-Marie Biwer préfère la contemplation, un retour à la nature, une recherche de la beauté. Des thématiques qui interpellent encore plus les visiteurs actuellement suite à l’expérience de confinement qui vient d’être vécue. «Je ne suis pas un pornographe social. La peinture est ma façon d’apporter de l’espoir. Je pense que c’est ce dont les gens ont besoin aujourd’hui.»

Plusieurs couches de sens

Pour autant, plusieurs de ses œuvres ont un double sens. Dans ces mondes sans ombres, il aime aussi glisser des éléments cachés: des yeux observent le visiteur derrière l’évacuation du lavabo de «L’Atelier» (2004-2005), dans les buissons du champ de «Grand paysage au début du printemps» (2019) se dissimule un Icare tombé du ciel faisant ainsi référence au dernier tableau de Brueghel…

Dans «Ciel n°2» (2010), derrière la peinture aux motifs naturels, se tisse une réflexion sur le bonheur, dans un motif où aucune feuille n’est attachée à la branche. Une recherche impossible d’attraper le bonheur.

«Ciel n°3» est une peinture avec plusieurs lectures possibles. (Photo: Rémi Villaggi-Mudam Luxembourg)

«Ciel n°3» est une peinture avec plusieurs lectures possibles. (Photo: Rémi Villaggi-Mudam Luxembourg)

«Ciel n°3» (2008) est certes une peinture de branches qui se détachent sur un ciel bleu, mais peuvent être vues aussi comme des fissures, des craquelures dans la glace. Tout d’un coup, un côté effrayant, menaçant, surgit. Une peinture réalisée après que l’artiste a fait un infarctus.

Avec «Before the Flood», Jean-Marie Biwer représente à la fois l’immensité de la campagne, mais également une certaine angoisse. (Photo: Rémi Villaggi-Mudam Luxembourg)

Avec «Before the Flood», Jean-Marie Biwer représente à la fois l’immensité de la campagne, mais également une certaine angoisse. (Photo: Rémi Villaggi-Mudam Luxembourg)

«Before the Flood» (2016-2018) représente une scène campagnarde somme toute classique: un chien se promène dans un grand pré, en lisière de forêt. «Cela me va si on me voit juste comme un peintre de paysage», assure l’artiste. «Mais si on regarde attentivement mes œuvres, ou si on me demande quelle est leur histoire, alors il est possible de découvrir un second sens.» Dans cette œuvre, on sent en effet une menace qui rôde. En témoigne le ciel d’orage, mais aussi l’étrange lumière orangée et le chien qui se situe juste au bord d’une grande surface abstraite. Va-t-il basculer et plonger dans le néant? «Si on décale le cadre de cette œuvre un peu vers la droite, on verrait la centrale nucléaire de Cattenom. J’ai peint cette œuvre et ce paysage qui m’est familier, car mes petits-enfants habitent là, et j’ai peur pour eux, cette menace de la centrale nucléaire m’effraie pour leur santé et leur bien-être», explique l’artiste.

Un rapport texte-image

À côté de ces peintures de paysages, on trouve plusieurs œuvres de commande, comme les illustrations pour la version luxembourgeoise du livre «Tao Te King». «Le rapport entre le texte et l’image est très présent dans mon travail», éclaire Jean-Marie Biwer. «Pendant mon enfance, j’ai été marqué par Tintin, ce qui m’a amené par la suite à observer la Tapisserie de Bayeux ou encore les hiéroglyphes égyptiens. Ce travail séquentiel se retrouve dans ma peinture, tout comme le fait de porter une narration à travers le dessin.»  En témoigne la série de dessins «Ateliers (détails)», dans lesquels apparaissent des commentaires aux dessins, parfois même dans des bulles.

Enfin, les visiteurs pourront découvrir quelques œuvres de commande, auxquelles Jean-Marie Biwer met un point d’honneur à réaliser, ou encore son œuvre «in progress», «A Wooden Sketchbook», une œuvre comme un laboratoire de peinture qui compte actuellement 148 petits formats et qui sera régulièrement complétée, jusqu’à la mort de l’artiste.

«Jean-Marie Biwer. D’après nature», prolongée jusqu’au 30 août,