Née à la fin des années 1960, l’enseigne Krys a posé, au début du printemps, un premier pied dans le pays, via l’ouverture d’un point de vente situé place de Paris. Krys est la tête de proue de Krys Group, un acteur majeur de l’optique en France. Fort d’un réseau de plus de 1.500 magasins dans l’Hexagone, mais aussi en Belgique, au Maroc, et en Suisse, le groupe mise sur un modèle coopératif faisant que chaque opticien est à la fois entrepreneur local et associé du groupe.
D’une superficie de 300 mètres carrés, l’espace de vente ouvert à Luxembourg emploie trois salariés. Il résulte du pari pris par quatre associés, dont Jean Mallavergne, à la tête de plusieurs magasins en France, côté mosellan. «Le Luxembourg, c’est naturel pour moi», explique le co-gérant, dont les projets au Grand-Duché ne s’arrêtent pas là.
Pourquoi ce choix de s’implanter au Luxembourg pour la première fois?
Jean Mallavergne. — «Krys n’a pas vocation à se développer à l’international, sauf si un adhérent souhaite le faire. Dans ce cas, la coopérative l’accompagne. C’est différent d’une enseigne classique, type Alain Afflelou, qui pilote elle-même son développement à l’étranger. Chez nous, en tant qu’indépendants, c’est à chacun de prendre l’initiative. Le Luxembourg, c’est un projet qui me trottait dans la tête depuis une vingtaine d’années. Mais pour se lancer, il faut du temps, de l’engagement. Ce n’est pas un coup de poker.
Comment s’est structuré le projet d’ouverture?
«Le projet est né en mai-juin de l’année dernière. La première étape a été de se regrouper [entre associés], de se mettre d’accord, et surtout de trouver un bon local. On en a visité une quinzaine, voire une vingtaine. Ce que l’on cherchait, c’était un emplacement avec une bonne visibilité commerciale. La place de Paris s’est imposée naturellement, avec un arrêt de tramway juste à côté, une rue commerçante en contrebas et un bon flux de clientèle. On est à la fois visible et accessible.
Malgré la réputation du quartier Gare?
«La place de Paris, c’est un quartier en soi. Les riverains vous le diront: il y a la place de Paris d’un côté et le quartier Gare de l’autre. Le soir, il peut y avoir un peu d’agitation, mais en journée c’est très bien encadré.
Quel est le modèle économique de ce premier point de vente?
«Ce n’est pas une franchise. C’est nous qui investissons dans l’aménagement, le stock, etc. On parle d’un budget de 400 à 500.000 euros. Ensuite, c’est l’activité commerciale qui doit permettre de rembourser l’investissement.
On ne s’est pas fixé un chiffre précis, mais on a repéré cinq à sept emplacements intéressants.
Est-ce que ce magasin est un test pour d’autres ouvertures au Luxembourg?
«Oui, clairement. On envisage d’autres ouvertures si cette première est un succès. Entre associés, nous sommes à différents stades de notre carrière, il y aura donc une passation progressive. Notre objectif est aussi d’obtenir la master franchise pour le pays. Cela nous permettrait, à terme, soit d’ouvrir d’autres magasins nous-mêmes, soit de permettre à d’autres d’en ouvrir sous notre égide.
Vous avez déjà des emplacements en tête?
«Oui, on en a identifié plusieurs en périphérie de Luxembourg, dans des zones commerçantes. On ne s’est pas fixé un chiffre précis, mais on a repéré cinq à sept emplacements intéressants.
Le marché de l’optique au Luxembourg n’est-il pas saturé?
«Pas vraiment. En France – et les chiffres doivent être comparables au Luxembourg –, 28 à 30% de la population a plus de 65 ans. Ce chiffre passera à plus de 50% dans les 15 ans à venir. C’est une clientèle très consommatrice en matière de vision. Le marché est donc en croissance, même si beaucoup d’enseignes s’implantent.
Quelle est la clientèle visée?
«Il y a de tout: résidents, frontaliers, expatriés. Beaucoup de frontaliers comme moi, à qui on explique qu’utiliser leur couverture luxembourgeoise peut être plus intéressant que d’acheter en France. Mais notre cœur de cible reste les résidents, même si 70% des Luxembourgeois sont étrangers. Krys est bien connu en France, un peu au Luxembourg, mais pas du tout pour quelqu’un venant d’Inde ou de Russie, par exemple. C’est pour ça qu’on a misé sur l’expérience client: afin que les gens parlent de nous.
Quel est votre positionnement face à la concurrence?
«On a recruté des personnes qui travaillaient déjà au Luxembourg, en magasin ou en cabinet d’ophtalmologie. Des personnes qui connaissent les codes locaux. Côté technologie, on a pas mal d’outils: prise de mesure assistée, réalité virtuelle, visagisme… Des choses courantes en France qu’on apporte ici. Enfin, on a une réponse tarifaire adaptée à toutes les bourses, y compris pour les personnes avec des budgets très limités.
Ici, la lunette n’est pas qu’un outil, c’est un objet plaisir.
Côté technologie, c’est la «guerre» entre opticiens?
«Toutes les enseignes ne sont pas au même niveau. Krys a une forte appétence technologique. En tant qu’indépendant, chacun choisit ce qu’il intègre dans son magasin.
Vous opérez au Luxembourg comme en France, ou y a-t-il des différences?
«Il y a des spécificités. En France, le client regarde surtout ce que la complémentaire ne prend pas en charge. À Luxembourg, le service et le produit priment. Les clients ont une meilleure conscience de la valeur des choses, alors qu’en France, le tiers payant masque un peu cette perception.
Quelles sont les stratégies pour vous faire connaître localement?
«On a misé sur des partenariats. Par exemple, avec le Tour Auto Luxembourg: on offre 150 lunettes aux participants, numérotées. Cela crée du bouche-à-oreille, ça a du sens et ça s’inscrit dans la durée.
Votre ambition, c’est de vous faire une place sur un marché très spécifique. Vous sentez que c’est possible?
«Oui. Le marché n’est pas immense, mais il est dynamique. Les clients ont envie de se faire plaisir. Ici, la lunette n’est pas qu’un outil, c’est un objet plaisir. Et ça change tout, même pour nous, vendeurs.»